EXISTENTIALISME             

Heidegger

18891976

Philosophe allemand

Allégeance au national-socialisme

 Existentialisme ontologique

* L'ÊTRE DE L'ÉTANT *

 Il faut relancer la question de l'être.

 Le Dasein (être-le-là) est l'être de l'étant.

 L'homme est jeté dans le monde et être-pour-la-mort.

Il faut relancer la question de l'être

Lorsque la science et la technique observent le monde, c'est pour l'analyser, le décortiquer, en trouver les composantes mais pendant que le scientifique est affairé à regarder et décrire ce que le monde est, il ne se demande pas ce qu'est l'être, il le prend pour acquis. Pareillement le théologien dont la foi en Dieu accepte le dogme de la révélation tissée dans le rituel qui renouvelle une réponse définitive ne s'interroge pas sur l'être. De même le logicien prend la non-contradiction comme valeur souveraine, il ne s'interroge pas sur l'être et le rien, il les pose comme contraires irréductibles, nécessaires mutuels. L'ontologue est un métaphysicien qui considère que ces attitudes sont insuffisantes puisqu'elles ont oublié l'être ; il faut sans cesse relancer la question de l'être [1].

La question métaphysique par excellence est (voir Leibniz) :

L'être est essentiellement rien ; cette vacuité lui permet d'être n'importe quoi, n'importe qui, tout ce qui est possible d'être en tant qu'étant. L'être n'est cependant pas l'étant puisqu'il serait alors déterminé. L'être est indéterminé, c'est ce qui existe avant de poser les questions « qu'est-ce que ceci ? » ou « qu'est-ce que cela ? ». L'être est la faculté d'exister la plus haute puisqu'il prend toutes les formes sans perdre son essence.

La science ne s'intéresse qu'à l'étant, la théologie fige l'être dans un statut définitif et la logique l'oppose à lui-même. Mais la question de l'être en tant que le rien générateur de tous les possibles, relance sans cesse la question « Qu'est-ce que l'être ? » pour la garder vivante. L'être doit être sans cesse remis en question.

L'étant, le Dasein, l'être et le monde

L'étant [2] est tout ce qui existe là devant nous : homme, objet, plante, animal, idée. Mais l'homme est doté d'un statut particulier, il se distingue de tous les étants en accédant à l'être par la métaphysique. L'homme devient alors un Dasein (être-là) [3]. « Le Dasein est de telle manière qu'étant, il entend quelque chose de tel que l'être. » [4]

Il faut chercher dans le Dasein (être-là) les préconditions de toute vraie quête de la vérité en tant qu'interrogation sur l'être de l'étant [5], véritable interrogation sur l'être. « Préconditions » parce que tout homme est un Dasein potentiel puisqu'il est doté de l'être, mais son être doit être mis en question pour accéder à son plein potentiel ; c'est alors qu'il devient un véritable Dasein (être-là). Le véritable Dasein est un homme dont l'être tient en éveil perpétuellement la flamme du questionnement sur son être et l'être des choses.

Subjectivisme : le questionnement de l'être n'est pas questionnement sur l'être

« Toute orientation vers l' objectivisme ou le réalisme demeure du subjectivisme ; la question de l'être prend place ailleurs que dans la relation sujet-objet. » [6]

 Le regard sur les choses (la représentation objectivante) n'est pas un mode originel d'aborder les choses mais bien un mode dérivé. Par exemple lorsque je manipule un outil [7], j'oublie de le considérer pour ce qu'il est en lui-même. L'observation de l'instrument et du matériau travaillé n'a lieu que lors d'un dysfonctionnement, lorsque se présente un obstacle dans l'utilisation de l'outil. Mais c'est justement quand je ne le regarde pas en me demandant pourquoi il est brisé que le marteau se révèle dans sa façon d'être la plus fondamentale. L'être se dévoile dans la dysfonction puisque la fonction d'une chose — son être — disparaît dans l'ensemble auquel il s'intègre. Brisé, l'outil dévoile son être véritable qui consiste à n'être-pas-brisé pour être-ce-qu'il-est-conçu-pour-faire, pour être fonctionnel. L'outil fonctionnel manifeste son être propre sans se faire remarquer. L'être a la paradoxale propriété d'être si essentiel qu'il n'est visible que lorsqu'il disparait ; on le distingue lorsqu'il sort du contexte de sa vérité propre, mais alors il a perdu son authenticité.

L'être-pour-la-mort

Que signifie, pour une chose qui est — pour l'étant (homme, animal, plante, idée) — le fait d'être ? L'Existanz [8] est ce qui a, en soi, des possibilités. Celui qui existe a des possibilités à tout moment et la certitude de sa mort. La mort est, dès maintenant, constitutive de l'existant [9]. L'être-pour-la-mort est ce qui donne à l'existant ses possibilités. Sinon il appartiendrait entièrement à la technicité de l'étant ; il n'y aurait pour lui ni possibilités ni existence.

Le Dasein est l'étant en tant que l'être qu'il a à être en existant. C'est l'étant (l'homme) qui découvre qu'il est là, dans le monde, en un lieu, dans une situation où il est jeté. L'homme se distingue de tous les autres étants comme Dasein (être-là). Le Dasein, en tant qu'existant, a à être son être véritable ; ce qui constitue une tâche.

La condition de fait du Dasein comporte deux moments : 1. il est jeté dans le monde (naissance) et 2. il est-pour-la-mort (décès). « Jeté » parce qu'il n'a pas choisi de naître soudainement dans ce monde, et « pour-la-mort » parce qu'il partage avec tous les autres Dasein le destin ontologique de disparaître.

L'oubli de l'être

Le « on » est le Dasein privé de son être par d'autres ; c'est l'homme réduit à l'étant. C'est le niveau le plus bas de l'existence humaine, c'est le plus répandu. L'homme doit s'en arracher pour conquérir son authenticité en envisageant la question métaphysique par excellence : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

L'homme doit prendre conscience du danger de concevoir tout étant, y compris lui-même, comme simple matériau de construction et de rentabilisation utilitaire. Il lui faut sortir de l'oubli de l'être et accéder à l'Existanz.

Le Dasein peut accéder au mystère de l'Être en s'ouvrant au sens ontologique produit par l'art.

Temporalité de l'être

« La temporalité est le « hors-de-soi » originaire en et pour soi-même. » [10]

Le passé « naît de l'avenir » : le Dasein assume en existant la situation d'être jeté qui était déjà la sienne en tant qu'il était déjà dans le monde, de sorte que son Dasein futur ne peut être que « ce qu'il avait toujours été » donc, son propre « passé ».

L'essentiel de l'être, c'est l'instant. Mon « antériorité » n'est pas le souvenir des événements mais une ouverture au passé. Je suis mon passé ; je ne l'ai pas été. De même, mon futur n'est pas quelque chose qui m'attend aussi longtemps que je vis, mais quelque chose que je suis maintenant. Autrement dit, je suis mes possibilités. L'être et le temps apparaissent imbriqués l'un dans l'autre, se rapportant l'un à l'autre. La dimension originelle, c'est le futur, et celle-ci à cause de l'être-pour-la-mort, se trouve être, en tant que futur authentique, finie.

Sources

[1] l'être : Le « être » en tant que verbe actif et non comme substantif ou état passif. C'est le rien comportant la faculté d'existentialiser, potentialité humaine caractéristique.

[2] l'étant : Chacune de toutes les choses existant dans le monde. L'homme, l'animal, la plante, l'objet, l'idée sont des étants.

[3] le Dasein : Étant qui a la faculté d'être-là, l'homme. Non pas être là comme tout objet mais être-le-là, c'est-à-dire être présent. L'homme en tant que Dasein est le seul étant ouvert à un étant autre que lui-même et pouvant mettre son être en question.

[4] Être et Temps, Gallimard © 1986, p. 43.

[5] l'être de l'étant : L'être de l'étant n'est pas l'étant lui-même, c'est un ajout à l'étant, c'est l'être qui permet à l'étant de devenir Dasein et réaliser une authentique présence au monde. C'est l'homme dans son humanité la plus propre.

[6] Cours sur Nietzsche : Le nihilisme européen (1940). Édition intégrale, t. 48, p. 261. Extrait de Ibid., 4e de couverture.

[7] l'outil : (ou l'util ou l'ustensile) Étant qui n'a d'existence que dans son rapport fonctionnel, qui prend sa place dans un contexte particulier. Son être se dévoile dans la dysfonction. Lorsqu'il fonctionne correctement, on l'oublie mais c'est alors que se déploie son être véritable.

[8] l'Existanz : C'est l'être lui-même par rapport à qui le Dasein se comporte d'une façon ou d'une autre. Elle se distingue de l'existence, simple manifestation de l'étant dans le monde.

[9] l'existant : Étant qui existe, Dasein en tant qu'il est-pour-la-mort, seule certitude.

[10] Être et Temps, Édition hors commerce © 1985, Traduction Emmanuel Martineau, fichier PDF p. 253.

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