STRUCTURALISME 

Barthes (Roland)

19151980

Sémiologue français

Annonciateur de la mort de l'auteur.

Structuralisme

Sémiotique

* SÉMIOLOGIE *

Le mythe n'est pas confiné dans un passé légendaire historique, mais il émerge à tout moment à partir du langage. Tout signe fonde le mythe.

L'auteur est mort : il n'y a pas de distinction entre lire et écrire.

Il n'y a pas de pensée sans langage. Le langage est fasciste.

Écrire c'est jouir.

Émergence du mythe

Le mythe n'est pas confiné à l'espace légendaire historique ; il est actuel et actif à tout moment dans le quotidien à travers le langage. Le langage est un processus associatif qui nous maintient dans un état permanent de conceptualisation. Penser, c'est conceptualiser. Il n'y a pas de pensée sans langage, et la fonction de celui-ci est de nous maintenir en état d'enchantement [sorte d'hypnose]. Le langage actualise constamment les mythes qui soutiennent le groupe social auquel on appartient.

Le langage consiste essentiellement à émettre et interpréter des signes. Tout peut être signe : geste, écriture, parole, danse, image, vêtement, ornement, objet manufacturé, etc. Le mythe émerge à partir du processus associatif intrinsèque au langage. Lorsque le signe(3) devient signifiant(I) le mythe émerge en devenant signifié (concept)(II). Tout concept est en quelque sorte un mythe puisqu'il est essentiellement une représentation, un objet de pensée construit à partir du langage. Le signe devient langage dès que la pensée lui attribue une signification.

Lire c'est écrire

Lire, c'est réécrire dans sa tête l'oeuvre de l'écrivain. Chacun, par l'interprétation personnelle qu'il donne au texte, lui donne un sens nouveau, et devient ainsi l'auteur d'une oeuvre originale dont il est le seul maître. Il n'y a pas d'auteur en ce sens que nous sommes tous l'auteur de ce que nous lisons.

La langue fournit la structure culturelle qui est l'habitat familier dans lequel évolue toute création littéraire. La langue constitue la propriété indivise de tous ceux qui la partagent. Le style est la manifestation de la mythologie personnelle de l'auteur ; il est la seule chose qui lui appartienne en propre. Le texte est un produit culturel où s'enferme tout écrivain comme dans une prison, il est sa solitude.

On ne peut faire, à proprement parler, aucune distinction entre « lire » et « écrire » puisque chaque lecteur est un écrivain qui, pour comprendre le texte, doit le réécrire dans sa tête, lui fournir un sens. Il n'y a donc pas de lecteur puisque chacun devient, en lisant, l'auteur d'une interprétation unique et personnelle. En nous appropriant le sens que l'on donne au texte lu, nous devenons l'auteur de l'oeuvre unique que l'on recrée en soi-même. À ce titre, nous pouvons donc annoncer la mort de l'auteur tel qu'on le conçoit généralement ; celui-ci ne peut plus être considéré comme l'unique détenteur du sens du texte qu'il a écrit, puisqu'il emprunte à la langue commune les mots qu'il utilise. Quand l'auteur écrit, il ne fait que communiquer sa lecture personnelle du monde. Toute oeuvre critique est une lecture.

Le langage est fasciste

Personne ne peut imposer de façon arbitraire ses propres significations. Il ne saurait exister de langue privée ; elle ne serait d'aucune utilité ; elle n'aurait aucun pouvoir. La langue est une législation, un code, un pouvoir public. On peut parler et dire ce que l'on veut, mais celui qui transgresse les codes de la langue s'isole dans l'incompréhension. On doit utiliser les signes qui, mainte fois répétés, fondent la consistance du code. La langue est fasciste en ce sens qu'elle n'interdit rien, mais oblige à dire ce que le code a prévu que l'on puisse comprendre à force de répétition. Pour être entendu, celui qui parle est obligé d'observer l'usage reconnu des termes et de la grammaire établis dans la langue courante. Mieux on s'y conforme plus on a de pouvoir, mais celui-ci ne va jamais au-delà du cadre prévu par le code.

Ce fascisme s'introduit dans l'intimité la plus profonde du sujet puisque le propre de l'humain est de parler, et que la langue l'accompagne dans toute activité, privée ou publique. L'homme confond ainsi langage et réalité. En fait, l'individu est amené à confondre la vérité langagière avec la réalité essentiellement indicible. Langage et mythe sont fortement imbriqués pour constituer la vérité propre d'une culture.

La langue est un instrument fasciste qui nous maintient en état d'hallucination collective permanente. Il n'y a donc de liberté que hors du langage, mais le langage humain est sans extérieur. Il faudra donc tricher avec la langue pour s'affranchir de fascisme qu'elle impose. Et pour ce faire, nous aurons recours à la littérature en tant que pratique d'écriture. C'est de l'intérieur de la langue que celle-ci doit être combattue.

Écrire c'est jouir

L'aventure humaine consiste à transformer le réel en art par un processus de représentations dont le langage est le véhicule exclusif. À force de répétition, on se convainc de la valeur des mots qui, peu à peu, se structurent en vérité, par consensus symboliques. Les concepts qui en résultent sont magiques ; ils appartiennent aux mythes opératoires du langage. Le langage n'est rien d'autre qu'une religion ; c'est-à-dire un endoctrinement qui nous maintient en état d'hypnose collective. La langue est aussi une forme de fascisme qui impose la tyrannie. Elle oblige à se conformer à des règles strictes pour que la magie du langage reste opératoire.

L'oppression impose une souffrance qui appelle la jouissance. L'individu la trouve dans la perversion définie comme l'usage inapproprié, hors normes, hors de toute finalité imaginable. Le texte perverti procure la jouissance lorsqu'il permet d'échapper à la tyrannie de la langue, au fascisme qu'elle impose. En s'appropriant la liberté de tricher la langue ; non pas par le silence ou la transgression des règles linguistiques, mais à travers la littérature, la pratique de l'écriture s'exerce comme un art créatif. Écrire, c'est jouir.

Sources

Philo5
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