STRUCTURALISME 

Foucault (Michel)

19261984

Philosophe français

Annonciateur de la mort de l'Homme

Post-structuralisme

Archéologie du savoir

Éthique de l'esthétisme

* SAVOIR-POUVOIR *

Le savoir est le nouveau pouvoir.

La prison s'est généralisée en modèle pour les écoles, usines et hôpitaux.

La gouvernementalité structurale annonce la mort de l'Homme.

Il faut revenir à une éthique de l'esthétique et au souci de soi.

Le concept d'Homme est une invention récente qui est apparue vers la fin du XVIIIe siècle avec la constitution des sciences humaines. L'apparition de l'Homme comme objet de savoir est un phénomène nouveau qui a coïncidé avec l'évanouissement de la métaphysique. « Lorsque l'histoire naturelle devient biologie, lorsque l'analyse des richesses devient économie, lorsque surtout la réflexion sur le langage se fait philologie, et que s'efface ce discours classique où l'être et la représentation trouvent leur lieu commun [...], l'Homme apparaît avec sa position ambiguë d'objet pour un savoir et de sujet qui connaît [...] »[1]

De la Renaissance à l'institutionnalisation

Traditionnellement, la monarchie imposait son pouvoir par la conquête brutale et l'application drastique et cruelle de lois punitives exemplaires appliquées par des juges dogmatiques et absolutistes. La torture et l'exécution publiques étaient courantes. Même si de nombreux crimes échappaient à la justice, l'effroi de la punition incitait la majorité à l'obéissance.

La Renaissance inaugura une ère de progrès en arts et technologies. Après Bacon et Descartes, les sciences naissantes vont constituer un savoir rationnel, fondé sur la connaissance expérimentale. Pendant les quatre siècles qui suivirent, les succès de l'approche scientifique dans les domaines physiques encouragèrent l'étude de l'Homme et de ses comportements en utilisant des critères analogues.

L'émergence des sciences humaines va graduellement constituer un savoir, corpus scientifique duquel émergera un nouveau pouvoir qui permettra graduellement d'imposer l'ordre au moyen de techniques coercitives de moins en moins autoritaires, avec des solutions punitives de plus en plus douces, évoluant vers une rééducation axée sur l'enfermement et la surveillance en utilisant des incitatifs destinés à implanter la collaboration volontaire.

La rupture définitive commence vers la fin du XVIIIe siècle avec la décapitation du roi, et l'instauration graduelle de l'institutionnalisation dans toutes les sphères sociales. Au XIXe siècle, prisons, écoles, casernes, usines, hôpitaux, cliniques et asiles se développent en immense appareil de normalisation sociale constitué en savoir scientifique. Isolation et enfermement sont désormais le modèle caractéristique de la gestion scientifique : isoler, observer, influencer et contrôler (voir la méthode cartésienne).

Gouvernementalité

La régulation des comportements fut établie par un système de surveillance et de punition facilité par l'encadrement institutionnel imposé dans toutes les sphères de la société. Peu à peu, le XXe siècle vit s'installer le biopouvoir. Cette gouvernementalité plus douce — abolition des supplices et de la peine de mort — instaure un ordre social normalisé sans cesse justifié par les études scientifiques produites au moyen de ses propres institutions. Il ne s'agit plus de juger de ce qui est bien ou mal et de punir en regard d'un code de lois traditionnel, mais d'établir ce qui est normal ou déviant et de corriger l'individu par rapport à un savoir constitué par l'étude de l'être humain et la reconnaissance de ses besoins fondamentaux. Ce savoir est alimenté par une surveillance croissante de tous les aspects du comportement, aussi bien physiologiques (nourriture, activité, repos, hygiène, sexualité) que psychologiques (curiosité, affection, valorisation, accomplissement, appartenance).

« Par « gouvernementalité », j'entends l'ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d'exercer cette forme bien spécifique, quoique très complexe de pouvoir, qui a
1. pour cible principale la population,
2. pour forme majeure de savoir l'économie politique,
3. pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité.

Deuxièmement, par « gouvernementalité », j'entends la tendance, la ligne de force qui, dans tout l'Occident, n'a pas cessé de conduire, et depuis fort longtemps, vers la prééminence de ce type de pouvoir qu'on peut appeler le « gouvernement » sur tous les autres : souveraineté, discipline, et qui a amené, d'une part, le développement de toute une série d'appareils spécifiques de gouvernement [et, d'autre part,] le développement de toute une série de savoirs. »[2]

En quatre siècles, le régime féodal vertical du paysan cheminant vers Dieu en passant par le seigneur, le chevalier, l'évêque et le roi, subit une mutation radicale où le savoir-pouvoir s'est distribué en gouvernementalité systémique organisée par la normalisation institutionnelle.

Le biopouvoir reconnaît cinq catégories de personnes : l'ignorant, le travailleur, le délinquant, le fou et le malade. Ce nouveau pouvoir instaure et maintient une série d'institutions (école, caserne, usine, bureau, prison, asile, hôpital) qui ont pour mission de normaliser le comportement des corps pour établir la sécurité, la croissance, l'équilibre et la pérennité de la société. L'individu est techniquement formaté pour répondre aux critères définis par une accumulation de savoir scientifique constitué en tant que sciences humaines.

Souci de soi

Le sujet social, ainsi constitué conduit à la dissolution de l'individu dans la masse. Dieu et l'Homme étant parties liées, la mort de Dieu annoncée par Nietzsche, conduit peut-être à la mort de l'Homme. Comment renouer avec l'essence de sujet libre et recouvrer l'âme de l'individu dissolu ?

Pour contrer la déshumanisation, il faut revenir à la culture de soi telle que pratiquée dans l'Antiquité gréco-romaine, notamment chez les stoïciens qui proposaient un ensemble de pratiques destiné au soin du corps et de l'âme : examen attentif de soi, régime de santé approprié, exercice physique sans excès, satisfaction mesurée des besoins, méditation, lecture, notes et accompagnement par un conseiller d'existence attentif (professeur, guide, ami, coach) en relation réciproque. Le souci de soi porte inévitablement au souci de l'autre, et restitue l'humanité dissolue par la gouvernementalité.

Sources

[1] Michel Foucault, Les mots et les choses, Gallimard © 1963, p. 323.

[2] Foucault 2004 : 111-112,
( Michel Foucault, Collège de France, leçon du 1er févr. 1978 — Pascale Laborier, La gouvernementalité.
Jean-François Bert ; Jérôme Lamy, Michel Foucault. Un héritage critique, Éditions du CNRS, 2014, p. 170.
halshs-01023787
)

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