Dommage au cerveau
(2)
(Voir aussi
Dommage
au cerveau (1).)
par François Brooks
Que faire quand les médias s'emparent de notre sérénité et nous privent de notre lucidité?
Comment se défendre des médias?
* * *
Au travail, je vis avec de joyeux lurons qui lancent un ragot toutes les semaines pour se payer la tête du badaud crédule. M. Béliveau avait fait pareil avec son émission Surprise sur prise. Mais il semble que les plaisanteries les plus drôles soient les plus courtes. Que penser de cette presse qui nous abreuve de ragots qui sollicitent sans arrêt notre sens de l'indignation?
Mme Carole Savard de Salaberry-de-Valleyfield arrive à point nommé. Elle reproche aux animateurs de tribune de la culpabiliser après que les nouvelles dont elle s'abreuve l'aient mise dans un état de colère permanent. Le journal La Presse publie sans hésiter [1] le commentaire de cette médiaspectatrice qui refuse la culpabilisation imposée par certains organes de presse qui voudraient voir les gens chaque fois manifester dans les rues après leurs innombrables dénonciations. On pensait être sortis de la culpabilisation du confessionnal! Quarante ans plus tard c'est pire! Mme Savard constate qu'elle est devenue omniprésente. En s'attaquant aux prêtres et à leurs organisations, avons-nous visé les bonnes cibles? Qui osera dénoncer les médias, grands prêtres modernes détenant le monopole sur le formatage de nos cerveaux?
Voyons deux cas où notre sens de l'indignation est vivement sollicité, le premier contre le religieux et le second, contre l'appareil gouvernemental. Nous essaierons de voir en chemin comment nous en déprendre.
Mon oncle Pierre m'envoyait récemment un diaporama Révoltant!!! avec ce commentaire laconique :
Suite à notre conversation d'hier sur la tolérance et non-ingérence. Il y a matière à réfléchir?
À première vue, l'observation attentive des images du diaporama Révoltant!!! ne concorde pas avec le discours qui l'accompagne. J'y avais trouvé 12 aspects minant sa crédibilité. Les voici :
Sauf le nom du photographe et du journal, le diaporama ne contient aucun détail circonstanciel (nom des personnes, lieu, ville, année) pourquoi? L'anonymat est le premier indice du canular. Doit-on se rallier aussi vite à une telle propagande anti-islamique sans prendre la précaution de vérifier?
Le texte est truffé de fautes. Quelle est la qualité morale de l'incendiaire qui l'a rédigé? (C'est peut-être un préjugé de ma part mais les gens qui massacrent le français écrit témoignent à mon sens d'un jugement fragile. Si la politesse des rois est la ponctualité, la politesse du messager est de respecter l'auditeur et prendre au moins la peine de mettre une majuscule au mot « Iran » et en début de phrase ; de même que faire des phrases complètes en respectant un minimum de grammaire.)
En cas de vol, la loi coranique recommande de couper la main et non pas d'écraser le bras. Le châtiment effectif consiste à couper seulement 4 doigts de la main et non pas toute la main (voir ce lien).
Est-ce que l'application de cette loi en Iran concerne les enfants en bas âge? Comment se fait-il qu'on n'en ait jamais entendu parler avant?
Rien ne semble religieux dans la mise en scène. Une telle « punition » ne devrait-elle pas servir d'exemple et s'exécuter dans une grande place publique plutôt que dans un lieu étroit entre deux automobiles? Pourquoi la justice iranienne se servirait-elle d'un tacot pour exécuter sa sentence? Pourquoi écraser avec une automobile, véhicule inexistant au temps de la rédaction de la Loi coranique?
Que dit le speaker aux badauds? Annonce-t-il un tour de fakir? Un traitement ésotérique pour une maladie incurable? Quel est le véritable contexte de l'image?
Le reste de la structure de l'automobile est invisible dans le diaporama qui ne montre qu'un close-up sur la roue et l'enfant. La roue porte-t-elle tout le poids de l'auto? S'agit-il d'un trucage photo?
L'enfant du diaporama n'est pas maintenu de force mais semble consentant (il n'a visiblement pas envie de fuir).
On a mis sous son petit bras une couverture repliée qui constitue un coussin épais dans l'intention évidente de ne pas déchiqueter son bras contre le pavé.
Nous savons que les os d'un enfant de cet âge sont constitués à plus de 50% de cartilage mou. Bien que l'exercice soit évidemment souffrant, le bras va-t-il être blessé gravement? Rien n'est moins sûr. On a déjà vu un fakir survivre à un enterrement de six mois.
S'agirait-il d'une école de cirque? On a déjà vu des magiciens couper des femmes en deux. (Les féministes ont-elles monté aux barricades pour autant?)
Dernier fait, et non le moindre, comment se fait-il que ce photographe (journaliste) sensationnaliste ne nous ait pas montré l'image du bras sanguinolent après avoir été écrasé? Ceci aurait pourtant été la preuve évidente de la « cruauté » dénoncée. Ce point, plus que tous les autres me fit douter de la concordance de l'image et du discours.
De plus, j'ai quelques amis musulmans et un exemplaire du Coran chez moi que j'ai la chance d'avoir lu. Il contient, comme la Bible, 99% de textes de sagesse, beaucoup de poésie, d'innombrables répétitions et 1% de pratiques questionnables. Mais nulle part je n'ai lu la recommandation d'une telle cruauté envers les enfants.
Ces quelques réserves sur le diaporama m'ont incitées à faire une
petite recherche qui m'a permis de trouver le fond de l'histoire. Voyez le fond
de l'histoire sur ce lien au
site Hoax-Slayer :
http://www.hoax-slayer.com/child-stealing-bread-iran.shtml
En êtes-vous surpris? Désolé? Êtes-vous insulté d'avoir engagé vos bons sentiments pour condamner une religion qui pourtant, ici, n'est pas en cause? Vous sentez-vous manipulé? Ne vous en faites-pas, un grand esprit comme Jean-Paul Sartre s'y est laissé prendre aussi avec le communisme soviétique. Il épousait alors une idéologie meurtrière avec les meilleurs sentiments du monde. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'il a réalisé son erreur : une ignorance qui refuse de se voir comme telle.
Le canular est à l'esprit humain ce que le virus est à l'ordinateur. Il semble ici qu'on vous a bien eu. Vous avez été victime d'un pernicieux canular. Mais comment pourrions-nous éviter à l'avenir de nous y laisser prendre? Permettez-moi de vous suggérer quelques antidotes.
1. NE RIEN FAIRE - Il se peut que vous éprouviez un réel plaisir à exprimer votre indignation. C'est un jeu de société (voir Éric Berne, Des jeux et des hommes) extrêmement répandu et encouragé par les médias actuels dont les thèmes principaux sont l'abus des enfants, l'exploitation de la femme, la violence masculine, le racisme, le fanatisme religieux (et les maudits cols bleus ). Rien de très nouveau dans cette sempiternelle lutte où l'on met en scène les bons (nous) contre les méchants (eux), ceux-ci variant selon les époques. On nous incite (nous excite) à prendre parti. Ce jeu rencontre son paroxysme si on peut combiner plusieurs méchancetés à la fois. Ici, c'est le pied! : on a combiné trois méchancetés : enfant-violence-religion. Ceci nous permet, comme le dit le philosophe Deleuze, de lancer La plainte. Personnellement dans ma Typologie du discours, je l'appelle le Commentaire. C'est l'une des quatorze catégories d'activités du discours. Si ce genre d'activité vous amuse, ne faites rien ; vous perdriez la jouissance que vous apporte ce jeu ; persistez et signez. Avec un peu d'habileté vous trouverez sans peine les arguments rationnels pour justifier vos positions et continuerez à faire tourner la roue « indignation ».
2. COMPRENDRE - Si toutefois ce jeu vous lasse et que vous préféreriez regagner votre crédibilité et augmenter votre compréhension du curieux monde dans lequel nous vivons, je vous recommande de lire Comprendre les médias de Marshall McLuhan en gardant à l'esprit qu'il faut faire l'effort de ne pas tomber dans La théorie des complots. (voir aussi Théorie des complots (2) : creusons un peu.)
3. SE PROTÉGER - Ensuite, si le canular est à l'esprit humain ce que le virus est à l'ordinateur, comment pouvons-nous les détecter et s'en protéger? Paradoxalement, notre incompréhension (ignorance) participe à nous faire complice de la « méchanceté » que nous dénonçons. Ce diaporama est virulent en ce sens qu'il se propage en se servant de notre bon sens pour nous faire agir le mal. Il cherche à escamoter notre jugement critique pour nous transformer en chevaliers justiciers acteurs du mal que nous dénonçons. C'est le mal suprême : il se sert de nos bons sentiments pour agir. (L'enfer est pavé de bonnes intentions.) Le texte de Rob Rosenberger : Virus informatique et le "syndrome de la suffisance" nous donne quelques indices pour comprendre les mécanismes de propagation virale dans les réseaux d'ordinateurs et s'en protéger. Il est étonnant de constater à quel point l'analogie avec les esprits humains est fidèle.
4. APPROFONDIR - Enfin, si vous désirez approfondir, je vous recommande de creuser du côté de Richard Dawkins et de son concept de mème explicité par Pascal Jouxtel. C'est peut-être le système philosophique le plus génial des 30 dernières années. Il est très peu connu et on commence à peine à voir son utilité. Mais pour cela, il faut consentir à une nouvelle révolution copernicienne de la pensée et comprendre que nous ne sommes pas libres des idées qui nous habitent mais que ce sont elles qui nous agissent. Selon la mémétique, nous ne serions que les supports passif dont elles se servent pour se répliquer. Ce concept philosophique est peu populaire parce qu'il s'oppose à l'idéologie de la liberté qui est actuellement très en vogue. Mais quand vous avez vu le diaporama Révoltant!!!, étiez-vous libre de ne pas vous indigner devant ce qu'il suggérait? Est-ce vous-même qui avez agi librement votre indignation ou est-ce l'idée qu'elle suggérait qui vous a agi? La liberté n'est pas un privilège octroyé par une charte des droits mais un héroïsme dont peu de gens ont la force de se prévaloir. L'influence médiatique est aujourd'hui si puissante qu'il est difficile de s'y soustraire.
Pour terminer, je vous laisse sur la Phrase choc de Pierre Bourdieu dans Philosophie Magazine de ce mois-ci : La télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d'une partie très importante de la population.
Merci de m'avoir donné l'occasion de cette réflexion.
Mes plus chaleureuses salutations.
Votre neveu François
Mais plus près de nous, d'autres médiatistes s'amusent aux dépens de nos neurones. Voyons comment Richard Martineau sollicite malicieusement notre sens de l'indignation à l'émission Les Francs Tireurs.
Il pose la
question ainsi :
Les criminels
qui obtiennent leurs revenus d'activités illicites doivent-ils payer l'impôt?
À la manière dont il présente les choses nous sommes conduits à une réalité incroyable. Mais en posant la question autrement, tout devient pourtant évident. Si sa question était plutôt : Les criminels qui obtiennent des revenus de leurs activités illicites sont-ils exempts d'impôts?, ne serait-il pas évident que les réponses du fonctionnaire sont sensées? M. Donald Soucy l'a probablement abordée dans son entrevue mais le montage télévisuel a été fait pour favoriser l'évidente absurdité et la courte vue dont nous abreuvent Les Francs Tireurs.
Martineau n'a examiné qu'un seul aspect des deux réponses possibles, le «non». Celui-ci aboutit à un raisonnement absurde, bien sûr, mais s'il avait examiné l'autre aspect, le punch de son émission devenait un pétard mouillé. En effet, s'il avait envisagé avec le fonctionnaire le «oui» : les criminels sont exempts d'impôts, d'évidence, cette alternative aurait été encore plus absurde. En faisant son devoir, le Ministère du revenu nous indique que tout revenu criminel est doublement criminel puisque nous savons bien que les criminels ne font jamais de déclarations sur leurs revenus illicites. Un criminel ne se déclare jamais criminel. L'absurdité provient de la question, non de la réponse.
En fait, bien des commerçants font du profit avec des activités discutables, à la limite de la légalité. Le fonctionnaire nous dit qu'il n'est pas là pour juger de la légalité mais pour appliquer la loi de l'Impôt sur le revenu. La légalité relève d'un autre département, elle ne fait pas partie de sa tâche. Tout le monde doit être honnête. Est-ce que chacun doit courir après les voleurs? Si un citoyen gagne un revenu, il doit payer l'impôt. Point. Le cas que Martineau met en scène ne se présentant jamais, sa question devient alors un problème théorique sans grande implication.
D'ailleurs, c'est le « pusher » au téléphone qui, à mon sens, était le personnage irréaliste, pas les réponses du fonctionnaire tenu par son devoir de confidentialité (sait-on d'ailleurs qui répondait véritablement à l'autre bout du fil dans cette mise en scène?). Ainsi les tueurs à gages et les vendeurs de drogues illégales sont toujours doublement criminels puisque non seulement leurs activités nuisent à la population mais ils ne contribuent pas à la charge fiscale en citoyens honorables.
L'aspect véritablement surréaliste que Martineau n'a pas pensé à soulever serait apparu s'il avait demandé à Donald Soucy la question suivante : Les condamnés qui n'ont pas déclaré les revenus illicites de leurs crimes sont-ils systématiquement poursuivi par le fisc? Ainsi donc, doublement criminels, le fonctionnaire aurait alors pu démontrer s'il remplit sa tâche consciencieusement. Mais s'il l'avait démontré, le pétard de Martineau aurait été encore plus mouillé. Ça, jamais Les Francs Tireurs ne nous l'auraient montré.
Plus loin, Martineau nous fait apercevoir la limite de sa question en admettant qu'il serait absurde de prendre de l'impôt sur les revenus d'un tueur à gages, même si d'un point de vue fiscal la question est claire. Mais il aurait été autrement intéressant de demander à Donald Soucy si un voleur professionnel est tenu de déclarer son revenu au fisc. À ce titre, il aurait alors pu démontrer en répondant par l'affirmative combien le fisc est consciencieux en allant chercher jusqu'à des redevances d'impôts sur les vols des criminels condamnés.
Cette présentation pose un autre problème moral. Certains crient à l'immoralité du gouvernement qui irait ainsi chercher des taxes. Comment, pensent-ils, le gouvernement pourrait-il être assez pernicieux pour profiter de l'argent sale? Je veux bien reconnaître son immoralité quand il prend l'argent du peuple, surtout lorsqu'il est mal utilisé, mais peut-on l'accuser d'immoralité s'il bénéficiait du produit du crime? Pourquoi le gouvernement dont la tâche essentielle est la redistribution de la richesse et le service public devrait-il s'abstenir d'aller chercher cet argent? Ne serait-ce pas un excellent moyen de le laver et d'alléger la charge fiscale des honnêtes citoyens? Le contraire n'est-il pas considérablement plus immorale? : ne prendre les impôts que des gens honnêtes (pour en exempter les criminels)?
Nous sommes à un moment de l'année où nos élus nous font sentir, par ces temps de crise économique, combien il est difficile de remplir notre devoir fiscal. Richard Martineau en profite pour faire œuvre de démagogie et nous vendre son point de vue étriqué. En bon sophiste moderne, il peut ainsi garder son emploi en jouant sur le plus petit dominateur commun de l'intelligence de la population qui se laisse séduire par ses courtes vues. Dans l'Antiquité les sophistes, dont Gorgias et Protagoras, jouissaient aussi d'une grande popularité. Ils aimaient bien se payer la tête des gens médusés comme les magicien aiment nous ébahir.
Mais comment se défendre du dommage au cerveau infligé par les « médiatistes » de tout poil qui se payent notre tête? Comment garder notre sérénité devant les situations qu'ils nous présentent? Peut-on les laisser jouer impunément avec notre sens de l'indignation et nous induire à des commentaires désinformés qui, après vérification, nous font passer pour les dindons de la farce? Qui suis-je si j'emboîte le pas dans des revendications dont je ne suis pas touché personnellement et qui ne m'enrôlent que par contagion médiatique?
Les philosophes Guy Debord et Marshall McLuhan nous ouvrent la voie d'une compréhension qui permet d'éviter ces pièges. Le premier nous suggère de ne pas oublier que les médias nous entretiennent l'esprit dans un monde où on manipule nos esprit à volonté. La quintessence de cette manipulation consistant à nous faire croire que nous agissons librement alors que l'univers médiatique dans lequel nous baignons nous suggère chacune de toutes les pensées qui nous habitent, que ce soit en plein ou en creux. Le second nous rappelle que la télévision n'est jamais rien d'autre qu'un instrument lumineux qui nous envoie le message qu'il n'est qu'un instrument lumineux et rien d'autre : c'est nous le maître. Nous avons à tout moment le loisir de tourner le bouton, et même de l'éteindre définitivement. À mesure que le temps passe j'en viens à comprendre l'aspect hautement addictif de la panoplie médiatique qui berce nos vies.
Après dix ans de désintox le monde a pour moi complètement changé. Je suis maintenant en mesure d'évaluer les ravages à nos cerveaux. Je constate chaque jour les empreintes médiatiques dans les esprits des gens qui me parlent. Mais il n'y a pas que du négatif. Dans un monde aussi peuplé, qui sait à quoi les esprits oisifs emploieraient leur temps? La panoplie médiatique est peut-être aussi l'instrument de paix le plus puissant jamais inventé. En effet que peut-on reprocher au téléspectateur assis tranquillement à donner son temps de cerveau aux images qui l'envoûtent? Un humain heureux de se tenir assis à donner librement son temps de cerveau à des images fabriquées pour le maintenir tranquille n'est peut-être pas libre mais il n'est certainement pas menaçant.
[1]
Carole Savard, Dans un état de colère permanent, La Presse © 28 avril 2009, page A19.
Page consultée le 4 mai 2009
:
J'entendais la semaine dernière un animateur de tribune téléphonique remarquer que la situation d'Omar Kadhr n'émouvait pas la population canadienne et québécoise puisqu'il n'y avait pas de manifestation dans la rue.
J'aimerais profiter de ce commentaire pour mettre en garde les journalistes et les commentateurs politiques de toutes sortes contre ce genre de raccourci logique. Il est frustrant de lire sans cesse qu'on mesure à l'aune des manifestations publiques l'importance que les citoyens sont censés accorder à une cause. Savez-vous que je vis dans un état de colère quasi permanent, comme la majorité de mes concitoyens, et que, si je sortais dans la rue pour manifester contre tous les sujets qui me révoltent et pour toutes les causes qui me tiennent à cœur, je vivrais dans la rue!
Or j'ai un travail et une vie familiale qui m'occupent amplement. Si je ne veux pas ajouter aux maux de notre société, déjà suffisamment éclopée, ceux des travailleurs et des parents en panne d'investissement professionnel et affectif, je dois donc prendre beaucoup de mon temps pour gagner ma vie et aimer les miens.
Puis-je cependant rappeler à tous et toutes que cet engagement ne signifie pas que je sois indifférente au comportement honteux et dangereux du gouvernement Harper, à la gouvernance aussi scandaleuse du gouvernement Charest, à ces innombrables liens étroitement malsains entre les «copains» du secteur privé et les «élus» qui doivent gérer le secteur public, à la corruption qui se camoufle au sein des municipalités et autres paliers de gouvernance, à la pratique répandue des bonus distribués à tous ces petits et grands cadres qui sont pourtant déjà pourvus d'un confortable salaire et qui n'ont de cesse de rogner sur celui de leurs employés ou subalternes, à la médiocrité de notre système d'éducation dont on en tait trop souvent les causes, à l'attitude irresponsable de ces nombreux travailleurs et citoyens qui refusent de payer leur quote-part d'impôt (êtes-vous capables de trouver un ouvrier qui fera les rénovations de votre maison pour un prix raisonnable avec facture?), à ces compagnies minières qui exploitent le sous-sol québécois sans nous payer des redevances décentes, à tous ces projets (autoroute 30, CHUM, autoroute Décarie, etc.) mal foutus, qui manquent de transparence, dont les factures ne cessent de gonfler mais que le «bon» contribuable devra assumer, à cette langue française qui décline emportant dans sa chute notre identité et notre histoire, etc.?
De grâce, cessez de culpabiliser les gens parce qu'ils ne sont pas dans la rue à crier leur indignation et leur rage, et réjouissez-vous qu'ils n'y soient pas parce que vous ne pourriez plus jamais circuler dans les rues de ce pays.
[2] Richard Martineau, Les Francs Tireurs - L'univers de la drogue, Télé-Québec © 14 mai 2008.