par
Gilbert Natan[1]
Je cite François, après qu'il
ait parcouru différentes définitions de la Réalité :
« Il m'est
bien difficile alors de concevoir « la réalité » comme quelque chose
de spécifique et d'absolu. Selon mon interlocuteur, et la situation dans
laquelle je me trouverai, elle entrera dans l'une ou l'autre de ces cinq
catégories. La réalité n'est-elle pas, somme toute, très relative? Quelle est
la vôtre? »
mais oui, François, très
relative ! :
Bien sûr, avec l'âge et un peu de raison, il me semble
évident que la réalité est très relative! Je dirais même plus : La
réalité, le réel, existe probablement, mais
nous n'avons aucun moyen de le connaître dans son entier.
Nos sens sont trompeurs et notre
science incomplète, constamment remise en question, et souvent inabordable pour
le non initié : Le plus grand biologiste du monde sera incapable de
comprendre les bases de la physique contemporaine, alors...!
En fait, chacun d'entre nous
aborde ce qui l'entoure sous un certain angle, à travers un prisme qui lui est
propre. Je m'explique : si je porte des lunettes qui ne laissent passer
que le rouge et focalisent sur les objets proches, tandis que toi tu en portes
qui ne laissent passer que le jaune et focalisent sur les objets éloignés, et
qu'enfin un aveugle nous accompagne, quelle description ferons nous chacun de
la même rue ?
Eh bien voilà, c'est évident, le
réel est unique mais apparaît différemment pour chacun de nous. Mais il y a
pire! Parce que l'histoire des lunettes, c'est encore du rationnel. Mais quand
le cerveau n'arrive plus à séparer les sensations rêvées de celles qui sont
effectivement perçues, la notion de réalité devient carrément virtuelle! De
cela j'ai deux expériences personnellement vécues :
La première, je l'ai vue dans ma
trentième année, quand ma grand'mère, assise dans son fauteuil, se croyait en
Alsace et parlait en patois avec des membres de sa famille d'alors ! Du pur
virtuel ! La seconde est plus récente. Une jeune femme que je connais bien a eu
une profonde dépression. Durant cette période elle entendait et voyait des
choses qui sont restées dans sa mémoire comme vécues effectivement. Elle est
guérie, mais toujours persuadée d'avoir vu et entendu ces choses qu'elle et
nous savons pertinemment qu'il est impossible que cela se soit passé ! Encore
du virtuel pur, mais vécu comme une réalité !
Faire triompher sa perception de la réalité !
Maintenant, peu de gens ont eu
la chance que nous avons eue de grandir à l'ombre de multiples expériences et
lectures éclairantes. La majorité des hommes et femmes du globe sont encore à
l'âge de l'adolescence et des certitudes. L'adolescence, c'est l'âge où
certains jeunes sont prêts à mourir pour faire triompher leurs certitudes.
Après, l'instinct de conservation les empêche de se laisser tuer eux-mêmes,
mais ils sont prêts à tout pour faire triompher leurs certitudes. Enfin, ceux
qui se sont trop engagés durant leur vie dans la défense de thèses
scientifiques ou philosophiques ou religieuses ne peuvent plus se déjuger sans
s'avouer la perte de sens de toute leur existence !
Et voilà, n'est-ce pas pour cela
que nous rencontrons tant d'incompréhension, tant de mépris pour peu que nos
idées ne coïncident pas avec celles de nos contemporains ?
À propos de mépris
N'oublions jamais l'histoire de
Pasteur : il avait eu l'idée révolutionnaire de l'intervention d'agents
infectieux dans l'aggravation des plaies. Cette idée, c'était une autre
approche d'une réalité pourtant observable par tous. Mais il dérangeait l'ordre
établi des connaissances. L'Académie des Sciences a tout simplement argué qu'il
n'était pas médecin pour rejeter ses idées... et oui, il n'était que chimiste!
Aurait-il été médecin, on aurait trouvé autre chose, par exemple, seulement
médecin de province!
(Je ra
Gilbert Natan
par François Brooks
Cher Gilbert
Merci de votre
participation. J'ai lu votre texte avec délice. Vous savez écrire pour captiver
mon attention : raccord pertinent, exemples intéressants puisés dans votre
expérience personnelle, réflexion honnête et cohérente. Voici comment ce texte
a prolongé ma cogitation sur le sujet.
Vous affirmez : « ...le réel est unique mais
apparaît différemment pour chacun de nous. » Je vois cette affirmation comme
la phrase clef de votre thèse. Mais quelle est la réalité? Qui en décide si
chacun de nous la perçoit différemment? Doit-on se référer à quelque chose
d'universel qu'on pourrait a
Spinoza (un
polisseur de verre Juif Hollandais) avait peut-être défini le Dieu le plus
parfait qui serait peut-être une référence universelle à LA réalité. Il avait
donné Dieu comme une substance intemporelle ayant une infinité d'attributs.
Mais de ce Dieu de Spinoza, aussi universel soit-il, qui peut prétendre avoir
véritablement accès à cette (sa) « réalité »?
Je n'arrive pas à
résoudre ce paradoxe qui voudrait qu'on trouve une réalité universelle alors
que chacun ne dispose que d'une fenêtre personnelle restreinte comme accès à
celle-ci. D'où, pour moi, la nécessité d'introduire le respect comme valeur de
base universelle. C'est-à-dire une attitude que j'a
Je vous remercie
Gilbert de votre fidélité à Philo sans
fumée. Vous êtes pour moi un précieux partenaire de réflexion.
Mes plus amicales
salutations
[1] M. Gilbert Natan est informaticien. Il dirige le Musée historique informatique virtuel Bull (Fédération des Équipes Bull) : http://users.skynet.be/g.natan/Histoire/jeucadre9.htm