001008
par François Brooks
Les funérailles des hommes publiques m'ennuient. Celles de Pierre Trudeau sont conformes à la norme. Pendant une semaine, les médias et une bonne partie du peuple se sont laissés envoûter par le désir d'avoir voulu qu'il fût un grand homme[1]. Peut-être le fut-il. Je pense que c'est l'histoire qui le dira et qu'il est encore trop tôt pour le savoir.
Pierre Trudeau a peut-être sauvé la Confédération Canadienne en faisant de notre pays une nation bilingue. Mais il nous faudrait vivre l'autre option pour le savoir véritablement. L'avenir le dira peut-être[2]. Il a sorti la Loi des chambres à coucher par le Bill Omnibus et aidé à démarquer ce qui relève du domaine public de ce qui relève du privé. Les homosexuels lui doivent une chandelle. Il a fait le contrepoids contre un nationalisme québécois qui aurait pu tout faire sauter, qui sait? Il a promu le multiculturalisme et la tolérance. Bravo! Par contre, il nous a laissé une dette publique faramineuse que nous paierons encore dans cinquante ans[3]. Peut-on dire qu'un dirigeant fait du bon travail lorsqu'il s'octroie des fonds quasi-illimités sur le dos des contribuables présents et à naître? J'espère qu'il a fait du bon travail parce qu'au prix qu'il nous a coûté, moi aussi j'en aurais fait du bon à sa place.
Mais pourquoi ne veut-on pas voir ceux qui meurent, tels qu'ils furent véritablement : avec autant de bons côtés que de mauvais? Aurions-nous, en ce qui concerne les hommes publics, un relent pharaonique? Avons-nous besoin de penser que ceux qui nous ont dirigés furent animés de qualités divines? Peut-être est-ce une propriété admirable de notre nature humaine de vouloir que ceux qui nous précèdent aient été bons et que nous nous servons de cette projection comme modèle pour nous améliorer. Si c'est cela, alors tant mieux. Les flagorneries sans bornes adressées aux défunts ont un but louable mais elles ne m'ennuient pas moins.
[1] J'ai même vu une larme perler des yeux de ma blonde qui regardait le cortège funèbre défiler à la télévision. Elle qui ne s'émeut pourtant jamais de rien.
[2] Et si c'est vrai, nous ne voudrions pas le savoir puisque nous tenons à la survie du français au Québec. Et si c'est faux, la souveraineté du Québec n'est peut-être pas une mauvaise affaire. Seule l'expérience vérifie et pour vérifier, il faut risquer l'expérience. Mais si nous ne sommes pas trop mal avec ce que nous avons cela vaut-il la peine de risquer. Alors, mieux vaut croire que Trudeau avait raison sur ce point. Mais croire n'est pas savoir. Non mais si le risque est trop grand, peut-être vaut-il mieux croire que savoir. (Lire le texte : 001008 Croire et savoir.)
[3] Laquelle s'est encore gonflée après son départ de la scène politique.