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Croire et savoir

par François Brooks

 

savoir

faire

croire

 

 

passé

présent

futur

 

« Le hasard n'existe pas » déclarait avec assurance mon ami Tejumo lors d'une conversation la semaine dernière.

 

Bien entendu, si on se place du point de vue de ce que nous savons de notre passé, nous pouvons facilement expliquer les choses en observant les causes antérieures et les effets qui ont suivi. Quand on a vécu une expérience, nous savons ce qui s'est passé.

 

Mais qu'en est-il de ce que nous n'avons pas encore vécu? Pouvons-nous affirmer que dans l'avenir, tout est prévisible. Les déterministes le pensent. Mais dans l'avenir, rien n'est déterminé puisque notre volonté d'agir sur les choses peut orienter les événements de façon différente selon nos décisions futures. Et cette volonté sera influencée par des facteurs aléatoires : peut-on prévoir notre humeur, la température qu'il fera et les événements qui se présenteront dans un mois? Si je suis frappé par une automobile demain, ma vie entière peut être transformée.

 

Je pense alors que mon ami Tejumo a raison s'il parle du passé mais s'il parle de l'avenir, je pense au contraire que c'est le hasard qui prévaut. À mon sens, la certitude (le déterminisme) appartient au passé et la foi (le hasard) appartient au futur. La foi relève d'un désir que nous avons à déterminer notre avenir selon nos pulsions actuelles. L'incertitude fait peur, alors nous alignons nos pensées sur des croyances en un avenir rassurant. Nous vivons à la frontière des deux, dans le présent, influencés par les certitudes de nos connaissances acquises dans le passé et la foi que nous avons en un avenir qui se déroulera selon notre volonté actuelle. Mais puisque notre volonté actuelle est soumise au passé (ce que nous savons) et à l'avenir (ce que nous croyons) il y a toujours une part de certitude et une part de foi dans notre existence. Favoriser l'un au détriment de l'autre, c'est vouloir s'aveugler de son passé ou de son avenir.

 

* * *

 

Voici un exemple dans le domaine de la politique :

 

Pierre Trudeau vient de mourir et certains prétendent qu'il a assuré la survie de la langue française au Québec en promulguant la loi sur les langues officielles au Canada. Cette loi fait du français une langue officielle au même titre que l'anglais dans tout le pays.

 

Est-ce vrai? Nous voudrions bien le croire mais comment pourrions-nous le savoir hors de tout doute?

 

Si c'est vrai, nous ne voudrions pas le savoir puisque nous tenons à la survie du français au Québec. Et si ce n'est pas le cas, la souveraineté du Québec n'est peut-être pas une mauvaise affaire. Seule l'expérience vérifie et pour vérifier, il faut risquer l'expérience. Mais si nous ne sommes pas trop mal avec ce que nous avons cela vaut-il la peine de risquer? Alors, mieux vaut croire que Trudeau avait raison sur ce point. Mais croire n'est pas savoir. Non mais si le risque est trop grand, peut-être vaut-il mieux croire que savoir.

 

* * *

 

Voilà bien le mot lâché : risque. Quand on sait, il n'y a aucun risque ; quand on croit, il y a toujours de l'incertitude. Le savoir appartient au passé et la foi appartient à l'avenir. Le hasard existe mais nous avons aussi des certitudes. L'un et l'autre me font agir dans le présent. Mon ami Tejumo, il faut avoir confiance.