par Michel Onfray
La Révolution française n'est pas si égalitaire que ça! Il y a des révolutions françaises. La Révolution française, c'est une espèce de bombe à fragmentation, ça fait du meilleur et du pire. Ça fait la Révolution française qui a triomphé : le libéralisme. C'est la pensée bourgeoise de la propriété, et pas de l'égalité. Donc, c'est la propriété qui triomphe dans la Révolution française, et les propriétaires s'en sortent, les aristocrates s'en sortent... à peu près, les bourgeois s'en sortent absolument. C'est une révolution qui est une révolution bourgeoise, la Révolution française. Au détriment de l'égalité.
L'égalité, évidemment, elle aurait rendu possible l'abolition de l'esclavage, la possibilité pour les femmes d'être les égales des hommes ; quand même, le droit de vote pour les femmes, c'est le Général de Gaulle [1944], vous vous rendez compte! C'est vrai que cette pensée là n'est pas allée assez loin à cette époque là. Mais ça c'est le grand retour du refoulé de la philosophie qui a écrit des tonnes de sottises sur les femmes. Et si vous cherchez vraiment les textes, vraiment féministes, qui nous disent « voilà : une femme égale un homme point à la ligne, et puis quand une femme est nulle, elle est nulle aussi », parce que c'est aussi ça l'égalité. Quand Ségolène Royal pense qu'une femme c'est bien parce que c'est une femme, elle est aussi nulle que les hommes qui disent qu'une femme c'est nul parce que c'est une femme. Il n'y a pas d'essence de la femme. Une femme nulle c'est une femme nulle, elle est nulle. C'est pas parce que c'est une femme qu'elle doit être bien. Cet espèce de délire qui suppose que la parité ça ferait obligatoirement mieux les choses parce que les femmes feraient mieux les choses, c'est une espèce de sexisme à l'envers, et si le sexisme est nul, le sexisme à l'envers, c'est tout aussi nul.
Donc l'égalité veut que une femme, ça vaut un homme. Donc, quand elles sont bien, il faut leur dire, et puis quand elles sont pas bien, il faut leur dire aussi. Et ne jamais arguer du fait qu'elles soient femmes pour les féliciter ou pour le leur reprocher. Et si vous cherchez des pensées comme celle-ci, on n'en trouve pas beaucoup, on n'en trouve vraiment très peu. Beauvoir, bien sûr, mais... et pour cause, mais très peu d'hommes ont été capables d'avoir ces pensées là, et si vous regardez chez Foucault, chez Deleuze, chez Derrida, c'est toujours problématique un petit peu. Le phallogocentrisme de Derrida, c'est pas aussi simple que ça.
Moi, c'est pas un problème pour moi, la question des femmes. Je suis dans une logique d'égalité totale. Peu importe qu'on ait une couleur, une religion ou je ne sais pas quoi, peu importe, il n'y a pas d'essence des êtres, il n'y a que des existences. Mais si on veut vraiment sauver les personnages qu'il faut lire sur ce sujet là, évidemment Diderot, sur ce tout petit texte [Sur les femmes], mais surtout Condorcet [...]
[1] Extrait de Michel Onfray, Contre-histoire de la Philosophie 8, CD-12, [02], Michel Onfray - Groupe Frémeaux Colombini - France Culture © 2007. Cours donnés à l'Université Populaire de Caen en 2006.