par François Gaudreau
Institut Teccart 1994
Caractéristiques des gens motivés
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La motivation : deux points de vue
Pour l'administrateur, un employé motivé est un employé qui désire réellement accomplir son travail de la meilleure façon possible et qui le démontre par ses efforts, sa collaboration, sa ponctualité, son dévouement, etc.
Ce type de motivation comprend donc deux aspects : un aspect purement psychologique que nous ne pouvons pas observer directement (le désir, l'intention, la volonté de bien faire) et un aspect plus concret et plus facilement observable (1'effort sous toutes ses formes).
Pour le psychologue, le mot motivation prend un sens beaucoup plus large puisqu'il se réfère à tous les comportements humains qui sont orientés vers un objectif et qui sont volontaires, c'est-à-dire qui ne sont pas purement automatique comme le réflexe du genou et de la pupille.
De façon plus précise, les psychologues cherchent à expliquer pourquoi un individu fait quelque chose plutôt que de ne rien faire ; pourquoi il fait A plutôt que B ; pourquoi il met une grande intensité dans certains actes et très peu dans d'autres ; pourquoi il poursuit ou cesse une activité quelconque.
De façon très générale, le processus fondamental de la motivation est le suivant : à cause d'un besoin insatisfait (le besoin de nourriture), un individu ressent une certaine tension, un certain inconfort (la faim), ce qui le pousse à faire quelque chose (s'extirper de son fauteuil et se rendre au réfrigérateur, en vue d'atteindre un certain objectif (engloutir un restant de pizza de la veille) qui satisfait le besoin, diminue la tension et ramène l'individu à son point de départ (le fauteuil) jusqu'à le cycle recommence.
Nous pouvons appliquer ceci au monde du travail ; il suffirait de remplacer certains mots par d'autres dans l'exemple ; c'est-à-dire écrire « besoin d'argent » au lieu de besoin de nourriture, « fournir un rendement élevé » au lieu de « s'extirper de son fauteuil », « obtenir une augmentation de salaire » au lieu d' « engloutir la pizza ». Dans les deux cas, le processus fondamental reste le même.
Deux théories : Maslow et Herzberg
Les théories de la motivation peuvent être classées en deux groupes. Le premier groupe comprend plusieurs tentatives d'énumérer, de définir et de classifier les principales forces internes qui entraînent l'individu à agir ; c'est ce que nous nommons les théories des besoins de l'être humain.
Le deuxième groupe inclut les théories qui visent à expliquer comment ces forces internes ou besoins interagissent avec l'environnement pour amener l'individu à faire une chose plutôt qu'une autre et à agir avec intensité plutôt qu'avec nonchalance ; c'est ce que nous nommons les théories des processus de motivation.
Il existe dans chacun des deux groupes plusieurs théories. Pour l'atelier nous étudierons, pour le premier groupe, la théorie d'Abraham Maslow qui est basée sur la hiérarchie des besoins. C'est celle qui est la plus utilisée dans les milieux de la gestion. Et, dans le deuxième groupe, nous étudierons la théorie des deux facteurs de Frederick Herzberg.
Théorie de Maslow : Besoins de l'être humain [3]
La théorie de Maslow comprend deux éléments distincts : une classification des besoins humains en cinq catégories et le principe d'une hiérarchie entre ces cinq catégories.
Besoins secondaires
5. Actualisation [Réussite]
4. Estime
3. Appartenance
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Besoins primaires
2. Sécurité
1. Physiologiques
A) Classification des besoins humains [catégories]
Selon Maslow, les besoins fondamentaux de l'être humain peuvent être regroupés dans les catégories suivantes :
Les besoins physiologiques :
avoir des relations sexuelles, manger, boire, dormir, faire de l'exercice,
se reposer, se loger, se vêtir.
Les besoins de sécurité :
se sentir raisonnablement à l'abri des menaces et des dangers présents et
futurs ; vivre sans peur, dans un environnement protecteur, sûr, ordonné,
structuré, stable, prévisible (non pas menaçant, anarchique, insécure) ; avoir
une philosophie ou une religion qui permet de donner un sens aux choses et
aux événements.
Les besoins d'appartenance et d'amour :
donner et recevoir de l'affection, de l'amitié, de l'amour ; avoir des
contacts intimes et enrichissants avec des amis, un conjoint, des parents,
des enfants ; faire partie intégrante de groupes cohésifs et où on se sent
accueilli à bras ouverts : un club, une équipe, des collègues de travail, un
clan, une tribu, une « gang ». Cela veut dire ne pas être seul, rejeté,
étranger, oublié.
Les besoins d'estime :
qui se divisent en deux parties :
Estime de soi par soi :
le besoin de s'aimer soi-même, d'être fier de ce qu'on est et de ce
qu'on fait ; le besoin de se sentir fort, compétent, indépendant des
autres, capable de faire face au monde et à la vie, capable de réussir
ce qu'on entreprend.
Estime de soi par les autres :
le besoin d'être respecté et admiré par les autres ; le besoin d'avoir un
certain prestige, une bonne réputation, un statut social élevé ; le
besoin d'être félicité, apprécié, reconnu.
Les besoins d'actualisation
[Réussite]
:
utiliser et développer tout notre potentiel et tous nos talents ; devenir
tout ce qu'on est capable de devenir ; mettre à contribution tous les
éléments de notre personnalité : intelligence, imagination, aptitudes et
habiletés diverses, capacités physiques et autres ; s'améliorer de toutes les
façons possibles.
B) La hiérarchie des besoins. [priorité]
Ce principe de la hiérarchie des besoins est un élément essentiel de la théorie de la motivation de Maslow ; laquelle comprend les propositions suivantes :
L'être humain est motivé par le désir de satisfaire ses besoins : c'est ce qui le pousse à agir.
Un besoin satisfait ne constitue donc pas une source ou un facteur de motivation.
Lorsqu'un besoin (surtout l'un des trois premiers) est gravement insatisfait, il prend toute la place et fait oublier tous les autres : l'homme qui crève de faim ne pense qu'à cela.
L'individu dont tous les besoins seraient insatisfaits serait motivé d'abord et uniquement par les besoins inférieurs, selon l'ordre dans lequel ils apparaissent.
Il faut qu'un besoin inférieur soit relativement satisfait avant que le besoin qui est au-dessus de lui dans la hiérarchie ne devienne une force prépondérante et motivante.
La satisfaction d'un besoin inférieur enlève donc un élément moteur ou motivateur, mais elle ouvre la voie à un autre besoin qui prend, automatiquement quoique graduellement, sa place comme source de motivation.
Quelques remarques supplémentaires, et parfois oubliées, au sujet de Maslow:
Il a reconnu la possibilité de nombreuses exceptions à la hiérarchie proposée. Il mentionne, par exemple, le cas de certains individus dont les besoins d'estime ou d'actualisation sont prépondérants même lorsque leurs besoins inférieurs ne sont pas satisfaits.
Il admet que la vie (un milieu dur et sans amour, le chômage, un travail extrêmement monotone ou épuisant) peut "tuer" les besoins supérieurs de certains individus et les amener à ne rechercher que des satisfactions très primaires. Vivre dans la pauvreté et l'insécurité pendant des années pourrait également amener une fixation au niveau des besoins inférieurs.
Il ne prétend pas que sa hiérarchie s'applique à toutes les cultures, mais il croit tout de même que l'être humain possède plusieurs traits et besoins fondamentaux, cachés sous une foule de différences superficielles.
Ses derniers écrits suggèrent que le besoin d'actualisation, loin de disparaître ou de diminuer lorsqu'on le satisfait, peut au contraire augmenter dans la proportion même où il est comblé: plus la personne se réalise, plus elle a envie de le faire.
Théorie de Herzberg : Processus de la motivation
Dans les années 60, Frederick Herzberg élabora une nouvelle théorie de la motivation. Herzberg classifia d'abord les besoins établis par Maslow et en déduisit que deux types de facteurs pouvaient agir sur ces besoins : 1. les facteurs d'hygiène et 2. les facteurs de motivation.
A) Sa méthode de recherche
À l'origine, on demanda à 200 ingénieurs et comptables de plusieurs entreprises des environs de Pittsburgh de raconter des incidents ou des événements qu'ils avaient vécus à l'usine ou au bureau et qui avaient augmenté ou diminué considérablement leur satisfaction au travail. Par la même occasion, on demandait à chaque répondant d'indiquer quel effet ce niveau exceptionnellement élevé ou faible de satisfaction avait eu sur son rendement, sur ses relations avec d'autres et sur son bien-être personnel.
B) Les résultats
En examinant et en classant les réponses obtenues, Herzberg s'aperçut que certains éléments ou facteurs mentionnés dans les incidents étaient presque toujours associés à de la satisfaction et presque jamais à de l'insatisfaction. Ces facteurs étaient les suivants :
la réalisation ou 1'accomplissement d'une chose difficile
la considération ou la reconnaissance reçue des autres à la suite d'un effort ou d'un succès
le travail lui-même
la responsabilité associé au poste qu'on détient
l'avancement vers un poste supérieur
la croissance personnelle.
D'autres facteurs, par contre, étaient presque toujours associés à de l'insatisfaction et presque jamais à de la satisfaction :
les politiques et procédures de l'organisation
la supervision reçue
le salaire
les relations avec le patron et les collègues
les conditions de travail.
En somme, lorsque les répondants mentionnaient 1'un des facteurs énumérés dans la première liste (le travail lui-même), c'était ordinairement pour s'en féliciter et pour expliquer comment ce facteur avait contribué à leur satisfaction et à leur motivation. Et lorsqu'ils mentionnaient un facteur tiré de la deuxième liste (le salaire), c'était presque toujours pour s'en plaindre et pour expliquer l'effet négatif que ce facteur avait eu sur leur niveau de satisfaction et de motivation.
C) Théorie
Ces découvertes devaient amener Herzberg à formuler les propositions suivantes :
L'inverse de "insatisfaction" n'est pas "satisfaction" et (vice-versa), mais bien une sorte de point neutre qu'on pourrait appeler simplement "absence d'insatisfaction ou de satisfaction".
Les facteurs qui causent la satisfaction ne sont pas les mêmes que ceux qui causent l'insatisfaction.
Donc, les facteurs de motivation ou facteurs-moteurs sont surtout reliés au contenu de la tâche : le travail lui-même, les réalisations qu'il permet et, qui apportent fierté et reconnaissance, les responsabilités qu'il comporte, l'accomplissement de soi, les chances de promotion, le développement et l'épanouissement personnel, etc.
Exemple : un employé peut travailler dans un environnement où les conditions matérielles ne sont pas très intéressantes (bas salaire, pas de bureau, pas de secrétaire, pas de téléphone) et se sentir, malgré tout, très satisfait grâce à d'autres facteurs de motivation inhérents à sa tâche comme le fait d'appartenir à un groupe jeune et dynamique, d'avoir des défis de taille [2].
Et les facteurs d'hygiène ou de maintenance sont reliés surtout au contexte dans lequel s'accomplit la tâche : la supervision reçue, les conditions de travail, nos relations avec les autres (les collègues, subordonnés, supérieurs hiérarchiques), la politique organisationnelle et administrative, etc.
EN RÉSUMÉ
Herzberg croit que les facteurs de motivation sont toujours une source de satisfaction ; alors que les facteurs d'hygiène n'amèneront jamais la satisfaction, c'est-à-dire le plaisir. Par conséquent, les facteurs d'hygiène peuvent être souvent une source d'insatisfaction.
Un bon environnement peut tout au plus faire disparaître l'insatisfaction et créer une situation neutre à partir de laquelle d'autres besoins pourront être comblés.
Caractéristiques des gens motivés
On observe que les personnes capables de satisfaire leurs besoins sont réceptives et attentives à elles-mêmes et à leur environnement. Ces personnes sont généralement débordantes de vitalité et d'énergie, sans pour autant être stressées, et elles manifestent rarement des tensions négatives ou de la fatigue au travail.
Les gens qui voient à la satisfaction de leurs besoins ne sont pas nécessairement égocentriques. Au contraire, ce sont des gens qui souvent, parce qu'ils sont comblés, auront beaucoup à donner à leur entourage. Par contre, quand on n'arrive pas à se satisfaire soi-même, il est difficile d'être généreux à l'égard des autres.
Maslow a établi une liste des caractéristiques de la personne motivée et qui se réalise en tant qu'individu :
Elle s'accepte comme elle est ;
Elle est originale et a un esprit créateur ;
Elle est naturelle et sans prétention ;
Elle n'est pas parfaite ;
Elle a des perceptions justes des choses et en est consciente ;
Elle se penche sur des problèmes extérieurs à elle ;
Elle a un sens éthique très développé ;
Elle aime se retrouver seule et être un peu à l'écart ;
Elle est spontanée dans sa pensée et sa conduite ;
Elle aime tous les plaisirs de la vie ;
Elle respecte les conventions et s'intègre à la culture de la société.
On peut être motivé par son travail pour plusieurs raisons et toutes ces raisons sont bonnes. Les sources de motivation varient d'un individu à l'autre.
la nécessité (ex.: temps de crise)
l'amour de son travail
l'appréciation de son entourage (ex.: contact avec les gens qui ont besoin d'aide)
le sentiment d'appartenance (ex.: Un ouvrier de la construction trouve son travail difficile, mais son insatisfaction est neutralisé par la bonne humeur et l'ambiance qui règnent à son travail. Le groupe de copains fait qu'il prend plaisir à travailler.)
la poursuite d'un but (ex.: amasser de l'argent pour faire un voyage)
l'altruisme (ex.: médecin sans frontière)
la passion
Pour terminer ce premier volet, il faut prendre soin de sa motivation. La motivation c'est comme l'amour. C'est un sentiment vivant, qui bouge et évolue dans arrêt. Il ne faut pas croire la motivation acquise pour la vie, comme l'amour.
Pour cultiver sa motivation, il faut voir les côtés positifs de sa situation et réfléchir à ses avantages. Le fait d'être positif ne suffit pas ; il faut bouger, faire des efforts, ne pas rester sur place à attendre que les choses arrivent par elles-mêmes. Il faut aussi vendre ses compétences, son savoir, sa détermination. Et pour que la motivation au travail reste vivante, il faut agrémenter son quotidien, mettre un peu de fantaisie et de nouveauté. Vous devez respecter votre travail et votre milieu de travail, et être capable de vous respecter vous-même à l'intérieur de ce contexte.
[1] François Gaudreau, Notes de l'atelier Connaître la profession de TECHNOLOGUE, Institut Teccart, 1994.
[2] Voir le texte F. B. Facteurs déterminant le choix d'un emploi.
[3] Voir le texte F. B. Besoins fondamentaux.