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2002-01-25 |
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Corps et Âme © 2002 |
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La libération de l'homme [1] |
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SOMMAIRE |
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Le XXe siècle a vu la sexualité se libérer, les femmes s'émanciper, les distances s'envoler, la société des loisirs s'installer, la croissance personnelle se développer, la famille traditionnelle éclater au profit de la famille nucléaire, le divorce se démocratiser, la mondialisation germer et la guerre des sexes s'amorcer. Cette guerre des sexes se manifeste tant au plan du couple, avec l'augmentation effarante des divorces, qu'au plan social, où l'on voit les femmes réagir négativement aux apports traditionnels des hommes. À entendre les féministes extrémistes, l'homme serait le grand responsable de tout ce qui va mal sur cette terre. L'homme serait le côté sombre de l'humanité, alors que la femme en serait le côté lumineux, celle qui sait mieux que lui comment les choses devraient fonctionner. Il faudrait donc que la femme prenne non seulement le contrôle de la famille, de l'éducation des enfants, de la gestion des soins, mais qu'elle prenne aussi le contrôle économique et politique de la société pour qu'advienne une véritable civilisation humaine. Pour y arriver, le féminisme a tout d'abord incité les femmes à prendre le pouvoir exclusif de leur sexualité et de leur maternité : « Cessons de faire des enfants et libérons-nous de nos chaînes (soutien-gorge et mariage). Vive l'amour libre ! » Sans cette émancipation féminine, le mouvement hippie n'aurait pas eu lieu. Puis, le féminisme a encouragé les femmes à envahir les domaines traditionnellement réservés aux hommes : le travail extérieur, les sciences, la politique et le monde des affaires. Entrées par la porte d'en arrière, les femmes ont réussi à révolutionner le monde du travail, à grimper les échelons hiérarchiques et à faire voter des lois dites de « discrimination positive ». Elles cherchent maintenant à établir, de gré ou de force, la parité, et non seulement l'égalité des droits et des chances. Pour pouvoir ainsi « s'élever » et sortir de leur « esclavage », les féministes utilisent deux stratégies contradictoires : la première consiste à minimiser les différences entre les hommes et les femmes en associant l'égalité à la similarité. Tout ne devient qu'une question de culture et d'éducation : donnez aux filles la stimulation nécessaire et elles feront, une fois adultes, tout ce que les hommes peuvent faire et le feront, probablement, mieux. La psychologie culturaliste, basée sur la théorie du conditionnement, leur a fourni les arguments nécessaires à l'établissement de ce courant. L'homme et la femme, le père et la mère, s'ils sont identiques, deviennent alors interchangeables. L'un ou l'autre pourrait même remplir indifféremment les tâches de l'un et de l'autre. L'autre stratégie consiste à « démoniser » l'homme : le rabaisser pour démontrer la supériorité du sexe féminin. Au lieu de minimiser les différences, on les accentue pour mieux dénoncer les aspects négatifs de la masculinité et, par le fait même, le porteur de la masculinité : détruire le message et le messager. Dans ce courant, les féministes exploitent l'Histoire pour dénoncer toutes les horreurs commises par les hommes, particulièrement celles faites à l'encontre des femmes. Elles exploitent la biologie pour confirmer que le masculin n'est qu'une déviation du féminin, déviation dont les femmes auraient avantage à se passer au plus tôt. Elles exploitent aussi la psychologie pour démontrer que le sexe féminin est le véritable sexe fort. Elles exploitent les sciences pour confirmer le bien-fondé de leurs objectifs. |
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Il est temps que ces exagérations cessent. La survalorisation et l'égocentrisme cupides des exigences et des normes féministes provoquent des conséquences que l'on ne peut qualifier que de catastrophiques. L'extrémisme féministe est en train de devenir la nouvelle dictature : remplacer le patriarcat par le matriarcat, guérir une injustice en créant une autre injustice, faire payer aux méchants tout ce qu'ils ont fait aux victimes. Or la discrimination ne peut jamais être positive, elle se fait toujours au détriment d'un autre. La disparition des caractéristiques masculines ou féminines ne peut que nuire à l'évolution de l'humanité. Sataniser son partenaire ne peut mener qu'à la solitude et l'isolement, comme nous le démontre le fait que de plus en plus de femmes vivent sans conjoint. Que l'on me comprenne bien ! Il n'est absolument pas question pour moi de revenir en arrière et d'enfermer à nouveau les femmes dans l'esclavage maternel et les hommes dans l'esclavage du pourvoyeur. Je suis pour l'égalité des êtres, des droits et des chances et c'est justement parce que je suis pour l'égalité que j'écris cet article : pour tenter de rétablir l'équilibre entre les sexes, pour tenter d'augmenter la connaissance, la compréhension et l'harmonie entre l'homme et la femme, pour faire disparaître les iniquités, qu'elles soient causées par l'homme ou par la femme. Mon intention est de vous démontrer que les deux courants féministes décrits ci-dessus ne peuvent mener qu'à un cul-de-sac et à une guerre des sexes interminable. |
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Je suis favorable à la liberté de choix des femmes, et des hommes. Je suis favorable au travail égal, salaire égal. Je suis favorable à la sexualité librement consentie. Je suis favorable à l'éducation pour tous, sans discrimination quant au sexe, la race, la culture ou les opinions politiques. Tout comme je suis favorable à la séparation du pouvoir religieux et du pouvoir politique, non pas pour que la religion soit contrôlée par l'État, mais pour que l'État ne puisse plus jamais tomber sous l'emprise d'un quelconque fanatique, homme ou femme. Je suis aussi favorable aux interventions qui permettront d'arrêter les guerres entre les peuples (et les génocides) pour des questions de divergences d'opinion. Tout comme je suis favorable aux législations qui permettront, non pas de réprimer, mais de contrôler la prostitution, les drogues, la vente d'armes. Je suis contre toute coercition. Je suis contre toute violence. Je suis contre la peine capitale. Je suis contre tout fanatisme. Je suis contre les mutilations sexuelles. Je suis pour et contre tout ça parce que je suis pour la vie et la liberté. J'aurais aimé avoir écrit le texte déclamé par Laine Hanson, dans le film La Candidate : « Je ne me cache pas d'être une athée, mais ça ne veut pas dire que je n'ai aucune conviction religieuse. Non, ma religion, c'est celle qui a émancipé les esclaves, qui a donné le droit de vote aux femmes, à qui nous devons de vivre libres, comme nulle part ailleurs. Ma religion, c'est cette vaste chapelle démocratique dont personne n'est exclu et je n'ai nul besoin d'un dieu pour me dicter mes préceptes moraux : j'écoute mon âme, mon esprit et mon coeur. » Telle est ma profession de foi. J'ai foi en l'homme, j'ai foi en la femme, j'ai foi en notre avenir. |
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Si, comme dans tout processus adolescent normal d'acquisition de l'identité, la première étape consiste en l'affirmation par la négative, je crois que le féminisme est allé assez loin dans les dénonciations. Il serait maintenant temps que le féminisme, aidé du mouvement des hommes, passe à la deuxième étape, soit celle de l'affirmation positive. Il serait temps qu'hommes et femmes cessent de vivre dans un perpétuel face-à-face pour apprendre à vivre côte à côte, main dans la main. Le féminisme doit s'adoucir et les femmes cesser d'avoir peur de leurs partenaires masculins. Le mouvement de libération de l'être humain devait avoir lieu : il a commencé par le mouvement de libération des femmes. Merci, Mesdames ! C'est maintenant aux hommes de se mettre en marche pour l'amélioration des relations homme-femme et de la société dans son ensemble. Ce mouvement masculin devra toutefois éviter de tomber dans l'erreur de la dynamique action-réaction qui explique les raisons qui ont motivé les femmes à désigner les hommes d'un doigt dénonciateur et à les accuser d'être responsables de l'exploitation des femmes, présentées comme d'innocentes victimes. Les femmes ne sont pas innocentes. Elles sont coresponsables de l'état actuel de l'Humanité, elles sont coresponsables de leur état. |
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La dynamique action-réaction dit qu'une personne réagit à l'action de l'autre. Cette dynamique émet comme prémisse que la personne qui réagit n'est jamais coupable et que la personne qui agit est responsable de tout. Dépendamment des résultats de l'action, ceux qui agissent sont des héros ou des zéros, des libérateurs ou des destructeurs, des gagnants ou des perdants. La compilation des erreurs inévitables des personnes qui agissent, plutôt que la compilation de leurs succès, a permis aux féministes d'accuser les hommes d'être les méchants, d'aliéner les femmes, de les exploiter et d'abuser d'elles. Ajoutez à cette compilation la tendance des féministes à la généralisation hâtive et vous comprendrez pourquoi tous les hommes se sont retrouvés sur le banc des accusés. Les femmes ont donc commencé à agir. Que feront les hommes ? Vont-ils, après quelques siècles de réactions, se révolter à leur tour et accuser les femmes d'avoir perverti l'Humanité. Vont-ils réagir au féminisme intégriste par un « hominisme » intégriste ? Où vont-ils profiter du fait que de plus en plus de femmes se prennent en main pour amorcer, pour eux-mêmes et entre eux, un véritable mouvement de libération des hommes ? Vont-ils réussir à profiter des bienfaits de l'émancipation féminine pour se remettre fondamentalement en question et vérifier, pour eux et entre eux, s'ils veulent continuer d'être l'homme qu'a été le père de leur père depuis le début des temps ? |
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Les hommes ont mauvaise presse actuellement. Les hommes sont en déroute. Notre société entretient de nombreux préjugés contre eux. Mais, contrairement aux canons du féminisme extrémiste, le mâle humain ne possède pas le monopole du côté sombre de l'humanité. Pour n'importe quel observateur neutre, il est facile de faire la preuve : 1. Que le sexe féminin constitue le véritable sexe de base, que le masculin constitue une spécialisation du féminin pour remplir certaines tâches essentielles à la survie et à la vie et, donc, que le patriarcat est un mythe. 2. Que les femmes sont capables de dire autant de conneries sur les hommes que ces derniers ont pu en dire sur elles. 3. Qu'à l'heure actuelle, les hommes sont victimes de multiples préjugés nuisibles à leur image, à l'éducation de leurs enfants, à la paix sociale et au bonheur des femmes. 4. Que les femmes peuvent être aussi, sinon plus, violentes que les hommes. 5. Que le divorce et le suicide des hommes sont intimement reliés. 6. Que la survalorisation des normes féminines au détriment des normes masculines entraîne elle aussi des horreurs, particulièrement dans le champ de la sexualité. |
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Il est tout aussi facile de démontrer que les hommes de bonne volonté, conscients de ce qu'ils sont, peuvent vivre heureux tout en remplissant leurs diverses missions biologiques et psychologiques. L'homme doit cesser de se définir en fonction des attentes des femmes et être conscient : 7. Qu'il existe une réelle différence entre la féminité et la masculinité et que nous avons avantage à (re)valoriser ces deux polarités. 8. Que pour atteindre l'équilibre, l'homme doit harmoniser les quatre dimensions de sa vie : profession, partenariat, paternité et vie privée. 9. Que l'homme vit dans une réalité objective complémentaire à la réalité subjective des femmes. 10. Que l'homme, en tant que père, a un rôle de toute première importance à jouer dans l'éducation des enfants pour la survie et le bonheur de ses enfants et de l'espèce humaine. 11. Que l'homme doit « prendre sa place » dans le couple, tout en tenant compte des attentes féminines, pour aider sa femme à s'occuper davantage de son propre épanouissement, et du sien par la même occasion. 12. Que le mouvement des hommes pour un monde meilleur est bel et bien amorcé et qu'il existe de plus en plus de ressources pour aider les hommes qui ont des difficultés à vivre leur identité. Ce n'est qu'en se reconnaissant, en étant totalement lui-même, et en continuant d'agir que l'homme pourra conserver sa fierté et susciter le respect et la confiance de sa partenaire, respect et confiance nécessaires à son épanouissement et à ses performances. |
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[1] Texte paru dans le défunt magazine Corps et Âme le 25 janvier 2002. |
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