L'Interdit
de représentation :
propos sur l'Islam et le nom de Dieu
par François Brooks
et Naïm Hammami
L'interdit de représentation est peut être l'aspect religieux le plus fondamental qui soit. C'est le socle de toute religion ; c'est la principale divergence qui les distingue en deux grandes catégories fondamentales : celles qui acceptent la représentation et celles qui la refusent.
Les catholiques et taoïstes l'encouragent. Ils pensent que l'on doit rapprocher la divinité du peuple par des images et statues. Leurs lieux de culte en foisonnent. Chez les protestants et confucéens, on met l'accent sur la parole et le texte (le Verbe). Leurs églises et temples sont dépourvues de statues ; leur pratique religieuse recourt essentiellement aux écritures. Les musulmans poussent l'interdit de représentation plus loin. Chez eux, non seulement les statues sont prohibées mais on s'interdit aussi de dessiner les visages, qu'ils soient humains ou animaux. D'où les arabesques si florissant dans l'art islamique. Certains passages de la Bible poussent l'interdit de représentation jusqu'à prohiber le nom de Dieu. On le désigne alors par sa qualité spécifique de ne pouvoir être représenté ni par l'idole (statue ou fétiche), ni par aucun nom, c'est-à-dire par sa qualité même de ne pouvoir être réduit : on l'appelle l'Innommable, l'Éternel, Celui-qui-est. Mais pourquoi l'Islam, qui insiste sur l'interdit de représentation, se permet-elle de désigner Dieu par le vocable « Allah ». N'est-ce pas le réduire à une toute petite représentation vocale symbolique ?
Dans l'échange qui suit, Naïm Hammami a tenté de m'éclairer.
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2009-02-19
Bonjour,
J'ai lu avec attention votre article sur la Preuve scientifique de l'existence de Dieu. Je l'ai trouvé très intéressant, surtout la réponse que vous donnez en guise de conclusion à la personne qui vous demande si le but de votre réflexion consiste à prouver l'existence de Dieu ou de la non existence de l'atome.
Ma question est la suivante : avez-vous des connaissances sur la représentation de Dieu en Islam ? Il est dommage que vous ne vous référiez qu'à des sources bibliques sur votre site. Je suis sûr que soulever quelques points concernant l'image de Dieu en Islam aurait pu alimenter votre article.
Cordialement,
Naïm Hammami
2009-02-21
Je vous remercie de m'avoir lu aussi attentivement. Votre appréciation me touche beaucoup.
J'ai la chance d'avoir connu de très honorables personnes musulmanes dont un philosophe ami avec qui j'ai passé le souper mémorable du ramadan chez une amie parisienne dans les années 1990. Il m'a fait perdre, si j'en avais, tout préjugé défavorable envers cette religion.
La philosophie arabe est représentée sur Philo5.com par les fameux philosophes Avicenne et Averroès pour qui je nourris une grande admiration. Ils m'ont fait comprendre que cette foi n'empêche nullement la réflexion et que les excès de dogmatisme appartiennent aux humains davantage qu'aux religions qu'ils professent.
J'ai chez-moi un magnifique exemplaire du noble Coran qui m'avait été offert gracieusement par des musulmans au Salon du livre de Montréal il y a quelques années. Même si j'ai lu quelques sourates, je ne me considère aucune autorité pour le citer. Son langage poétique ne m'est pas assez familier pour que je puisse lui donner une interprétation valable. L'Islam n'étant pas ma religion maternelle, j'aurais peur de me tromper. C'est pourquoi j'ai jugé bon m'abstenir d'y référer dans le texte Preuve scientifique de l'existence de Dieu. Ceci dit, si vous aviez l'amabilité de m'indiquer dans quel sourate je pourrais trouver l'interdit de représentation ou de la reproduction de l'image de Dieu, je vous en serais reconnaissant.
Je sais que cette religion interdit la représentation, non seulement de Dieu, mais aussi de l'homme et, m'a-t-on dit, des animaux. C'est pourquoi l'art arabe consiste en une multitude d'arabesques aux lignes géométriques plaisantes mais non figuratives. Au-delà du dogme qui peut nous sembler irrationnel, on retrouve cette idée un peu partout chez les philosophes occidentaux, si peu religieux soient-ils. Je pense entre autres à Saussure, pionnier de la philosophie du langage, qui distingue nettement le Signifiant du Signifié. Ce faisant, il illustre très bien l'interdit de représentation en nous faisant comprendre que la chose est toujours différente de l'idée que l'on s'en fait, et c'est lui faire offense que de confondre celle-ci avec celle-là. À plus forte raison, quand on a compris l'idée de Dieu, il faudrait être idiot pour penser qu'on puisse le représenter sans se tromper. Mais cette erreur est courante du fait qu'on conçoit ici un Dieu personnel. S'il s'agissait d'un Dieu immanent, comme celui de Spinoza, cette erreur serait sans doute moins courante.
Ceci dit, le protestantisme a mis les pendules à l'heure avec Luther. C'est pourquoi on trouve les églises protestantes généralement plus austères que celles des catholiques qui n'en finissent plus de dessiner ou sculpter des représentations de Dieu et sa suite. Dans la culture chinoise on retrouve le même interdit de représentation dans le confucianisme où les temples ne sont remplis que d'inscriptions (le verbe, le nom). Celui-ci s'oppose au taoïsme populaire où on retrouve de nombreuses représentations des divinités alors que, paradoxalement, Lao-tseu dit bien dès le premier verset du Tao te king : « Le Tao dont on peut parler n'est pas le Tao Éternel » (et à plus forte raison le Tao qu'on pourrait sculpter). Ce qui me conduit à penser que l'image, la parole ou la sculpture sont autant de formes de représentations infidèles. Il n'y a rien qui vaille l'original. C'est peut-être de cette idée que vient la phobie du plagiat dans les écoles.
La bible interdit la représentation (Deutéronome 9:8 : le veau d'or) mais va plus loin : certains passages interdisent aussi de nommer Dieu. On parle de l'Éternel. Dans l'Apocalypse (1:8), il se présente ainsi : « ...je suis celui qui est... ». Dieu c'est celui que l'on ne peut nommer, c'est l'innommable de la théologie négative de Nicolas de Cues. Dieu, c'est aussi l'Être tant recherché par les philosophes qui n'en finissent plus de triturer l'être et le néant sans pouvoir l'expliciter clairement, parce que, quand on a dit être, on n'a pas encore dit être quoi ? ou être qui ? Et dire ce qu'est Dieu c'est se l'approprier effrontément en le limitant à l'idée qu'on peut s'en faire.
Me permettez-vous une question ? Si l'Islam interdit de représenter Dieu (et on comprend pourquoi puisque toute représentation serait injure) pourquoi les musulmans le nomment-ils abondamment ? Le nom d'Allah, compressé dans un petit vocable de cinq lettres n'est-il pas réducteur et, par là, injurieux ? Dans ce sens, la Bible n'a-t-elle pas raison de l'appeler l'Innommable, l'Éternel ?
Mes plus cordiales salutations.
François
Brooks
www.philo5.com
2009-02-21
Bonjour François,
Merci de m'avoir accordé une réponse.
Je vais m'efforcer de répondre aussi précisément que possible à vos questions. Je vais éviter d'entrer dans un discours philosophique ou impliquant des penseurs, car je ne maîtrise pas ce domaine et je vous laisse volontiers le monopole dans ce travail par respect pour votre savoir. Je vais néanmoins tenter de vous répondre en utilisant les connaissances que j'ai en ma possession, c'est à dire les connaissances liée à l'Islam.
La base de l'Islam, son fondement principal que beaucoup oublient au profit de choses bien moins importantes concerne le concept d'Unicité de Dieu. Vous savez aussi bien que moi que cette base tient sur une attestation d'Unicité Divine prononcée en ces termes : « Il n'y a de divinités que Dieu » en arabe phonétique : « La illaha ila Allah ».
Le problème c'est qu'aujourd'hui beaucoup de monde prononce cette attestation en la regardant à la surface sans entrer dans ses racines et son sens véritable. Pour en approcher son sens, il faut savoir que l'Unicité de Dieu tient sur 3 fondements de bases :
1. L'Unicité de Dieu dans l'Adoration,
2. l'Unicité de Dieu dans la Seigneurie
3. et l'Unicité de Dieu dans les noms et attributs.
Pour faire court et sans entrer dans les détails, je vais expliquer quelles sont les différences entre ces différentes Unicités.
1. L'Unicité de Dieu dans l'Adoration :
Elle prend sa base chez les créatures pour aller directement et sans intermédiaires vers Le Créateur. Celle-ci implique que tout acte d'adoration doit être consacré à Dieu, c'est à dire que l'on aime toutes choses en Dieu dans la mesure ou Il est à l'origine de toutes choses.
Voilà quelques versets du Coran que l'on peut donner à titre d'exemples qui justifient l'Unicité de Dieu dans l'Adoration :
C'est Toi [Seul] que nous adorons et c'est Toi [Seul] dont nous implorons secours. [Sourate 1: verset 5] [1]
Nous avons envoyé dans chaque communauté un messager [pour leur dire] : « Adorez Allah et écartez vous du Tagut » [toutes fausses divinités [2]] [...][Sourate 16: verset 36]
Je n'ai créé les djinns et les hommes que pour qu'ils M'adorent. [Sourate 51: verset 56]
2. L'Unicité de Dieu dans la Seigneurie :
Elle prend sa base chez Le Créateur pour aller directement avec ou sans intermédiaires vers les créatures. Celle-ci implique que tout ce qui régit le Monde, la Vie, le Destin, etc. tout cela vient Directement de Dieu. Ici on voit qu'il peut y avoir un intermédiaire car il y a la Loi de causalité qui entre en jeu. Toute chose arrive de Dieu certes, mais entre Sa Volonté et l'aboutissement de cette Volonté il y a souvent cette enchevêtrement de causes à effets. Pour prendre une image simple, Dieu a décidé qu'il y aurait une tornade au Texas, alors Il ordonne à un papillon situé au Brésil de battre des ailes.
Voila quelques versets du Coran que l'on peut donner à titre d'exemples qui justifient l'Unicité de Dieu dans la Seigneurie :
[...] Et lorsque tu lançais (une poignée de terre), ce n'était pas toi qui lançais : mais c'est Allah qui lançait [...] [Sourate 8 : verset 17]
Il [leur] dit : « Adorez-vous ce que vous-mêmes sculptez, alors que c'est Allah qui vous a créés, vous, et ce que vous fabriquez ? [Sourate 37 : versets 95-96]
Allah est le Créateur de toute chose et de toute chose Il est Garant. [Sourate 39 : verset 62]
3. L'Unicité de Dieu dans les Noms et Attributs :
Elle prend sa base chez Le Créateur et peut être déversée sur les créatures. Dieu S'est Lui-même qualifié par des noms et attributs, et Dieu a Lui-même indiqué que ses créatures disposaient de certains de Ses attributs, l'Homme étant la seule créature à disposer de tous les attributs de Dieu. La différence entre les créatures et le Créateur, c'est que le Créateur est en soi la source de Ses attributs, Il les a donc de manière absolue alors que les créatures n'en ont qu'une infime partie offerte par Dieu et qu'ils ne savent même pas contrôler pour la plupart d'entre eux.
Par exemple Dieu est Le Vivant comme il nous l'indique dans le Coran :
Et Place ta confiance en Le Vivant qui ne meurt jamais [...] [Sourate 25 : verset 58]
L'Homme aussi est vivant, vous et moi sommes vivant à l'heure ou j'écris ces lignes, nous possédons donc cet attribut. Mais saurions-nous le contrôler en contrôlant à souhait la vie et la mort de notre être ? Assurément pas, nous avons donc un attribut Divin, mais de manière à être reconnaissant envers Celui qui possède cet attribut dans sa forme la plus parfaite.
Nous pouvons donc nommer Dieu par les attributs qu'Il a Lui même utilisés pour se définir. Par contre il est totalement interdit de lui attribuer des attributs qu'Il ne s'est Lui même pas attribués. Par exemple la Bible nomme indirectement Dieu par un attribut, alors que dans Le Coran, Dieu se défend de cet attribut utilisé par les chrétiens pour Le définir :
Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu'il avait faite : et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu'il avait faite. [Genèse 2:2] [3]
Ici, la Bible donne donc implicitement un attribut à Dieu, celui de se reposer. Voilà ce qu'en dit Le Coran :
Votre Seigneur, c'est Allah, qui a créé les cieux et la terre en six jours, puis S'est établi « Istawâ » [4] sur le Trône. [Sourate 7 : verset 54]
Allah! Point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-Même « al-Qayyum ». Ni somnolence ni sommeil ne Le saisissent. À lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa permission ? Il connaît leur passé et leur futur. Et, de Sa science, ils n'embrassent que ce qu'Il veut. Son Trône « Kursiy » déborde les cieux et la terre, dont la garde ne Lui coûte aucune peine. Et Il est le Très Haut, le Très Grand. [5] [Sourate 2 : verset 255]
On peut donc voir que dans Le Coran, Dieu contredit l'utilisation de l'attribut du repos en indiquant que le septième jour de la Création Il ne S'est pas reposé mais Il S'est Istawâ (établi) sur Son Trône. Et en affirmant que nul somnolence ni sommeil ne le saisisse et que la garde de Son Trône ne Lui coûte aucune peine il exprime bien le fait que la fatigue ne fait pas partie de Ses attributs.
À partir de là, concernant l'interdiction dont vous faites référence contre la représentation de Dieu, il faut à mon sens faire la part des choses. Vous me demandez si la Bible n'a pas raison d'appeler Dieu l'Innommable, l'Éternel. Je vous répondrai oui et non. Pour être exactement je répondrai oui pour l'Éternel car comme nous l'avons vu Le Vivant qui ne meurt jamais fait partie des attributs de Dieu. Mais je répondrai non pour l'Innommable uniquement parce que ce n'est pas une notion à la porté de l'Homme. Vous serez d'accord avec moi si je vous dis qu'en disant de Dieu qu'Il est l'Innommable nous venons de le nommer... Par conséquent, comme je le disais, il faut faire la part des choses. Nommer Dieu : oui, car nous n'avons pas le choix. En disant Dieu nous le nommons, en disant Le Vivant ou L'Eternel nous le nommons et même en disant L'Innommable nous le nommons. Maintenant, il faut juste faire attention aux mots que l'on emploie pour Le nommer. C'est pourquoi dans l'Islam il y a la dimension d'unicité dans les Noms et Attributs, par ce fait nous utilisons un registre de Noms et Attributs représentant Dieu qu'Il a Lui même utilisé pour se représenter. Ces Noms ou Attributs ne reviennent qu'à Dieu Seul.
A partir de là il faut aussi être clair sur une chose, les Noms et Attributs de Dieu sont à utiliser sans restriction, dans la limite où on ne cherche pas à les interpréter. C'est l'interprétation de ces Noms qui réduit Dieu à la pensée humaine et non leurs utilisations. Un verset du Coran est très clair à ce sujet, surtout si on l'analyse un peu :
[...] Il n'y a rien qui Lui ressemble, et c'est bien Lui l'Audient, le Clairvoyant [qui Entend et qui Voit]. [Sourate 42 : verset 11]
Dieu dans un premier temps indique d'une manière claire et explicite que rien ne Lui ressemble. Un grand savant musulman, l'Imam Abou Hanifah, a expliqué la première partie de ce verset en ces termes : « Il est impossible que le Créateur ait une ressemblance avec Sa créature. Dieu est exempt de la forme, de l'image, de l'endroit, des directions, des membres, des limites, de la taille et du volume. Quoi que tu imagines en ton esprit, Dieu en est différent. Dieu, Rien n'est tel que Lui. » Et ce qui est très intéressant dans ce verset c'est le lien entre la première partie et la seconde. Dans cette dernière, Dieu indique aussi explicitement que l'ouïe et la vue font partie de Ses attributs. Et ce n'est pas pour rien que la première et la seconde partie s'enchainent.
Si on regarde attentivement, le fait que l'on nous interdise indirectement de réfléchir à comment est Dieu en nous indiquant que rien ne lui ressemble, c'est à dire que, quoi que l'on imagine, nous serons dans l'erreur. Et qu'ensuite, Dieu S'attribue deux choses qui sont d'une évidence pure pour l'Homme (la vue et l'ouïe) est une façon de nous faire comprendre que si ces attributs que l'on sait tous distinguer, si pour cela Dieu nous indique qu'Il ne les possèdent pas de la manière dont nous imaginons qu'Il puisse les posséder, qu'en est il alors des attributs bien plus difficile à définir tel que L'Omnipotent, L'Omniscient, etc. ?
On voit donc très clairement qu'il est interdit d'afficher une représentation de Dieu. Cette représentation, passant par l'analyse de la raison humaine, sera fatalement erronée et entraînera par là-même tous ceux qui la prennent pour vrai dans l'erreur. Mais la représentation absolue qui ne passe pas par la raison et qui prend source dans la parole même de Dieu est, elle, autorisée.
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Concernant l'interdiction formelle de faire des représentations imagés de créatures, elle ne concerne effectivement que l'être humain, l'animal et tout ce qui concerne l'invisible (comme Dieu, le Paradis, son Trône, etc.). Pourquoi ceux-là ? Pour la première catégorie (hommes, animaux) on se réfère à plusieurs Hadiths comme par exemple celui rapporté par Abû Hurayra (que vous pouvez retrouver dans le Sahih d'Al-Bukhari (n°5609) et dans le Sahih de Moslem (n°2111)) hadith rapportant que le Prophète Mohammed a dit que Dieu a dit :
Qui est plus injuste que celui qui s'est mis à créer comme Je crée. Qu'ils créent donc une graine! Qu'ils créent une fourmi!
Ou par exemple celui rapporté par Ibn Oumar (que vous pouvez retrouver dans le Sahih de Al-Bukhari (n°5607) et dans le Sahih de Moslem (n°2108)) hadith rapportant que :
Celui qui fait une représentation en ce monde sera puni et il sera exigé de lui le jour du jugement qu'il insuffle une âme dans ce qu'il avait fait ; il ne pourra pas l'insuffler.
En somme il est interdit de représenter l'homme ou l'animal car nous ne pouvons lui insuffler la vie, et malgré ça, ceux qui font ces représentations veulent toujours donner vie à leurs représentations. Celui qui veut imiter la création de Dieu, imite Dieu dans une chose qui Lui est réservé : La Création des être vivants. Il ne rend donc plus à Dieu Son Unicité dans la Seigneurie.
Pour la deuxième catégorie, celle liée à l'invisible (anges, l'au-delà, le Paradis, etc.) L'interdiction est la même que celle qui interdit de représenter Dieu : On ne sait pas à quoi ressemble ces choses, donc il est inutile de mettre en route notre imagination pour en tirer une quelconque image qui sera forcement erronée. L'idée est encore d'interdire formellement la représentation de tout ce qui concerne l'invisible pour éviter, que de générations en générations, ces représentations imaginaires prennent le statut de représentations imagés, pour au final prendre le statut de représentations véridiques. (qui n'a jamais imaginé Dieu comme étant fort et barbu après avoir contemplé la fresque de la Chapelle Sixtine ?)
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Pour terminer, je vais répondre à votre question concernant le nom d'Allah. J'espère que grâce aux différents points soulevés plus haut et l'explication qui suit, vous allez comprendre pourquoi le Nom « Allah » n'est pas réducteur et injurieux envers Dieu.
« Allah » est un mot qui, en réalité, est à l'origine la contraction de deux mots. Ces mots sont « El » et « Illah ». Le mot « El » correspond à l'article « Le » en français et mot « illah » indique « ce que l'on adore » ou « ce qui mérite d'être adoré » résumé en français par « divinité » ou « dieu ». Mais en arabe le mot « illah » est plus précis que le mot « dieu » en français parce que, quand on dit « dieu » en français on pense à ou aux entités, alors qu'en arabe quand on dit « illah » on pense à l'adoration que l'on voue, le fait de vénérer.
Tous les attributs de Dieu commencent par l'article « El ». Par exemple « Le Miséricordieux » se dit : « El Rahmen ». « El Illah » n'est rien d'autre qu'un attribut de Dieu, cet attribut étant « Celui, Le Seul, qui mérite l'Adoration ».
Et là, Dieu a eu une idée de génie (sans pléonasme) Il a contracté « El Illah » en « Allah ». Ainsi l'attribut concernant Son statut d'être L'unique à être adoré est le seul attribut qui n'est pas composé de deux mots, symbole transcendant de l'Unicité même de l'attribut dans le nombre de mots qui compose ledit attribut. L'attribut « Allah » est ainsi le seul qui résume les 3 types d'Unicités que l'on a vue plus haut. En français la différence entre un dieu et Le Dieu se joue uniquement sur utilisation des majuscules. Mais fondamentalement c'est le même mot qui est utilisé. Dans l'Islam, grâce au nom « Allah » il y a deux types de « dieu » : illah, qui concerne toutes les divinités, toutes les choses qui sont adorées en dehors de Dieu, et Allah, Le Dieu l'Unique. C'est également le seul attribut que personne ne peut utiliser pour se référer à autre que Dieu. Comme on l'a vu, je suis vivant, Dieu est Le Vivant. Je peux également être un dieu dans le sens « illah », c'est à dire qu'on peut me vouer un culte d'adoration bien que je sois un être humain (comme ceux qui sont fan d'une célébrité, etc. elles sont leurs « illaha »). Mais de la même façon que personne ne peut se prétendre « Le Vivant » rien ni personne ne peut se prétendre « Allah ».
Maintenant revenons au début, à l'attestation d'Unicité Divine : « Il n'y a de dieux que Dieu ».
En arabe cette attestation s'écrit de cette façon :
La (la négation en arabe traduite par « il n'y a »)
illaha (pluriel du mot « illah » qui indique « ce que l'on adore » ou « ce qui mérite d'être adoré » résumé en français par « divinité » ou « dieu »)
ila (en arabe cette particule indique « en dehors de quelque chose ou quelqu'un » un peu comme le « sauf » français)
Allah
Maintenant on comprend bien le sens de cette attestation, d'où elle tire son importance et pourquoi l'usage du Nom « Allah » est loin d'être réductrice, et que au contraire, c'est le seul nom qui, de par ses particularités, est sûrement le nom qui représente le mieux Dieu dans son absolu.
Suite à cette longue réponse j'espère avoir répondu à vos questions. Si vous avez d'autres questions n'hésitez pas, je suis ouvert à toutes questions et toutes réflexions.
Cordialement,
Naïm Hammami
[1] Tous les extraits proviennent du Noble Coran, Éditions Complexe Roi Fahd © 2003 (an 1424 de l'Hégire).
[2] Tagut : comprend diable, idole et toutes fausses divinités. (Ibidem, sourate 2, verset 258, p. 43)
[3] Bible de Louis Segond, 1910.
[4] Istawâ : « S'est établi ». Aucune interprétation exégétique n'est en mesure de donner le sens réel de cette expression car il est bien évident qu'Allah ne ressemble point à Ses créatures. (Ibidem, p. 157)
[5] « Al-Qayyum » : Ce mot
arabe n'a pas d'équivalent en français. Il signifie : celui qui n'a besoin de
rien alors que tout a besoin de Lui, qui ne dépend de rien alors que tout dépend
de Lui.
« Kursiy » : mot arabe qui signifie « siège » ; certains
commentateurs l'interprètent comme étant la science d'Allah. Il est prouvé
qu'Allah ne ressemble en rien à ses créatures. (Ibidem, p. 42)