par
Parce
qu'il se sentait faible et démuni devant l'immensité, l'humain s'est créé des
dieux aux multiples pouvoirs. Il poussa son besoin de transcendance jusqu'à
concevoir un Dieu unique, Super-Dieu possédant les attributs les plus
extraordinaires. Il y avait là comme un programme pour l'humain : se
regarder inlassablement dans ce miroir fantastique et essayer d'y ressembler.
À
mesure que les sciences et techniques se sont développées, les magies
surnaturelles sont devenues courantes et plus personne aujourd'hui ne s'étonne
que l'on s'arrache à la mort quotidiennement. L'ubiquité par nos voitures,
l'Internet et l'avion, l'intemporalité par nos médiathèques, la félicité par
notre infinie liberté, aucun des fabuleux attributs de Dieu ne nous est plus
inconnu. « Dieu est devenu superflu » disent les scientistes férus de
vérité. « Pas si vite, disent les moralistes, Dieu est un miroir de bonté
et de sagesse auquel l'humain est loin d'être arrivé. Pourquoi se priverait-on
d'un miroir qui nous a été si utile pour progresser? Ne couperions-nous pas
ainsi la branche sur laquelle nous sommes assis? »
Nous
sommes maintenant passés dans une nouvelle phase de la marche laïque et athée,
inaugurée par
Ainsi
donc les philosophes du « penser par soi-même » nous expliquent
maintenant comment Dieu a besoin de s'humaniser et de sortir de son complexe de
Superman pour aider notre « vivre ensemble ». Retranché dans ses
derniers quartiers, le Dieu moraliste serait-il déjà mort? Lorsque l'humain se
sera véritablement approprié moralité et bonté, pourra-t-il enfin prétendre
pouvoir se passer de l'idée encombrante de Dieu?
C'est-ce
que les athées moralistes nous proposent avec une spiritualité philosophique
exigeante : toujours garder son esprit en éveil et affronter
courageusement les questions que la vie nous pose à tout moment. Cette
spiritualité active s'oppose à la spiritualité dogmatique. La première est
exigeante, la seconde reposante. Sommes-nous faits pour la tyrannique liberté
de la constante remise en question qu'exige la philosophie? Ne serions-nous pas
davantage attiré par le repos dogmatique d'une pensée arrêtée et apaisante?
Au-delà
des questions de déisme ou d'athéisme, il y a d'abord à trancher si on préfère
davantage l'exigeante liberté ou l'esclavage reposant. Ces deux mondes
s'affrontent en nous comme s'affrontent l'enthousiasme et l'ennui.
Mais
qu'ont-ils donc tous ces philosophes qui voudraient, sous couvert de la pensée
active, que tout le monde pense comme eux? Beau paradoxe! Pourquoi le paisible
téléspectateur devrait-il être réveillé de sa mort imagée? Les foisonnantes
activités intellectuelles n'ont-elle pas créé plus d'ennuis que les paisibles
assemblées de moutons présents à la messe? Pourquoi les philosophes à l'esprit
bouillonnant ne devrait-ils pas se contenter de diriger le monde endormi par le
marketing? Ont-ils si peur d'assumer leur génie qu'ils voudraient que tout le
monde soit génial comme le capitaine d'un bateau voudrait que tous les
passagers tiennent la barre en même temps? Laissons dormir les masses! Le
sommeil ne menace personne.
Mais
chacun n'est-il pas seul sur son navire?...