061008

Mauvaise foi écologique

par François Brooks

Le discours écologique m'apparaît comme un discours de mauvaise foi collective. Nous assassinons, chacun de nous, par nos comportements quotidiens individuels et collectifs, la planète et ses écosystèmes alors qu'un discours médiatique incitatif en appelle à notre sens écologique pour arrêter le massacre. Certaines pétrolières nous présentent même une publicité qui prétend à l'engagement environnemental. Aussi bien dire Hitler se vantant d'humanisme dans les camps de la mort.

 

Comment voulez-vous que j'élève ma voix pour grossir ce concert de mauvaise foi. La situation me fait penser à un pays où le « Tu ne tueras point » ne serait renforcé d'aucun impératif policier. Un peu comme si on avait érigé des panneaux dans le Rwanda de 1994 pour inciter les meurtriers à tuer moins, j'avais dénoncé la « Campagne Toyota « Changeons l'avenir », l'année dernière dans un texte qui, à mes oreilles, ressemblait à « Tuons la planète moins vite »

 

Non, vraiment, je n'ai rien d'autre à dire. Il faut des lois coercitives très sévères pour ramener l'humain à un comportement collectif écologique. Cette visée est aux antipodes de la société de consommation qui, par définition, consiste à envoyer la planète au rebus le plus rapidement possible. Nos problèmes écologiques n'en sont pas. Je les vois plutôt comme des problèmes de valeurs. Quand nous donnerons à notre vie un sens autre que des valeurs de consommation, d'ubiquité et d'individualisme, le problème se résoudra de lui-même. En attendant, il faudrait instaurer des mesures punitives très sévères pour enrayer le fléau. Mais quel pays s'y prêtera le premier alors que tous les autres le regarderont sans bouger? Nous savons qu'encore tout récemment, les États-Unis comptaient pour 80% de la pollution mondiale alors qu'ils ont refusé de s'engager sur l'accord de Kyoto.

 

Pensez donc! Au Québec, on vient tout juste d'interdire de fumer dans les restaurants. Rien que pour mettre en force cette mesure, le débat a duré 30 ans depuis que nous avons les preuves scientifiques irréfutables des dommages imputables au tabac sur la santé. Et encore que la santé soit d'ordre personnel. Pensez-vous que les gens vont se mobiliser massivement pour la cause écologique alors qu'en bons individualistes, ça leur a pris autant de temps pour régler un problème qui les concerne personnellement?

 

Mais après tout, il faut s'y faire. Alors, j'en fais une affaire personnelle. Dans la mesure du possible, j'agis : mon style de vie n'a aucun péché écologique sur la conscience. Je vis sans voiture, je roule à vélo 365 jours par année etc. Pour le reste, je fais en sorte que la réalité soit celle que je désire, comme le proposait Descartes dans sa Morale provisoire, au moment de son épochê : « M'attarder à changer mes désirs plutôt qu'à changer l'ordre des choses.». Pourrais-je trouver la sérénité autrement? Et ceux qui entonnent le discours écologique, je les renvoie à la « Fable des abeilles » de Mandeville en attendant que nous ayons la sagesse de mettre en force une police efficace inspirée de la philosophie du grand Machiavel.