2006-02-02 |
||||
Écologie vs Évolution |
||||
SOMMAIRE |
||||
Le réchauffement climatique est réel — il est causé par l'homme et c'est un problème important. Mais ce n'est pas la fin du monde. Le principal défi environnemental du XXIe siècle est la pauvreté. Lorsque vous ne savez pas d'où viendra votre prochain repas, il est difficile de tenir compte de l'environnement dans 100 ans. Ce n'est pas parce qu'il y a un problème que nous devons le résoudre, si le remède coûte plus cher que la maladie initiale. Bjørn Lomborg Le darwinisme montre que l'évolution de la vie procède par cycles sans fin en trois étapes : 1. Reproduction, 2. Mutation et 3. Adaptation/Sélection. D'abord, la chose vivante se copie elle-même. Ce faisant, il arrive parfois qu'elle mute à cause d'une erreur aléatoire dans la copie. Les rejetons luttent ensuite pour la survie : ils s'adaptent à leur environnement ou meurent. Ceux qui s'adaptent se reproduisent à nouveau et ainsi de suite. Sur une période extrêmement longue, la vie d'une cellule initiale, apparue fortuitement, a produit une myriade d'espèces dont la majorité n'a pas survécu, mais il en reste encore ~8,7 millions. On estime actuellement que les plus anciennes traces de vie sur Terre remontent à ~3,8 milliards d'années. Pendant tout ce temps, la vie a traversé plusieurs périodes où les écarts thermiques furent considérables. La vie sur terre se perpétue dans les conditions les plus difficiles ; elle n'a pas besoin de l'homme pour se conserver. De nouvelles espèces disparaissent et apparaissent continuellement, mais il faut savoir que nous sommes loin de les avoir toutes découvertes. L'originalité de la théorie de Darwin consiste à considérer la Création comme un processus dynamique évolutif toujours en marche, alors que le traditionnel récit biblique la considère comme un phénomène pratiquement instantané (7 jours), dont l'homme est au sommet d'une hiérarchie qu'il est nécessaire de conserver. La communauté scientifique reconnaît aujourd'hui le darwinisme parce qu'il explique le processus de l'évolution de toutes les espèces vivantes de manière satisfaisante pour la raison. Mais la théorie choque la vanité parce que l'humain occupe une place minuscule dans l'immense champ de la vie. Certains scientifiques prétendent reconnaître le darwinisme, mais ils déforment la théorie, et placent encore l'homme au sommet statique de l'évolution qu'ils souhaitent stopper pour en prendre le contrôle. |
|||||
Hubert Reeves, scientifique québécois dont je respecte la notoriété, fait vibrer la corde sensible avec le livre Mal de terre en attirant l'attention sur le fait que « quand des espèces animales ou végétales disparaissent, il est déjà trop tard ». Je sens dans cette opinion l'expression d'un désir de participer à la Création divine en stoppant le darwinisme pour que s'installe un Paradis terrestre où les créatures — telles qu'elles sont actuellement — participent d'un équilibre parfait qu'il faudrait conserver à tout prix. Je veux bien adhérer au principe de précaution, mais si l'on étudie attentivement la thèse darwiniste, l'on s'aperçoit que l'évolution de la vie ne procède pas de bons sentiments, mais par une force en marche sur laquelle notre emprise est moins importante que nous le souhaitons. Compte tenu du fait que, parmi toutes les espèces vivantes que la Terre a vu défiler depuis 500 millions d'années [1], il n'en reste actuellement qu'une infime proportion, j'aimerais bien que Hubert Reeves me dise quand aurions-nous dû arrêter l'évolution pour entrer dans une période de conservation perpétuelle ? Quelle époque serait la plus parfaite ? La nôtre ? Pourquoi faudrait-il mettre toutes nos énergies pour contrer la sélection naturelle ? Quel immense budget devrons-nous investir, et pourquoi faire ? Même si c'était souhaitable, est-ce possible ? Sinon, sur quels critères devons-nous opérer la sélection qui, jusqu'à présent, était naturelle ? Pourquoi la sélection humaine serait-elle préférable à la sélection naturelle ? Et puis, si la sélection naturelle est inéluctable, l'humain, qui en fait partie et cherche à s'en affranchir, ne va-t-il pas nécessairement y contribuer à son insu ? Mon sentiment ici est que l'humain, quoi qu'il fasse, ne peut échapper à la sélection naturelle, et que son action, quelle qu'elle soit, fait partie de la nature, bien qu'il s'enorgueillisse d'y avoir échappé. Comment pouvons-nous prétendre que nous sommes l'espèce ultime qui doit dominer ? Peut-être devrons-nous disparaître pour faire place à d'autres, mieux adaptées. [2] Si l'activité humaine produit une pollution qui dépasse nos capacités d'adaptation, n'est-ce pas normal que l'espèce s'effondre ? Et finalement, lorsque l'on observe notre immense pouvoir de prédation sur la planète, comment ne pas voir l'évidente mauvaise foi de l'écologiste qui s'inquiète pour notre espèce alors qu'elle écrase les écosystèmes au bénéfice de sa propre multiplication ? Certains prétendent que l'humain est le cancer de la planète. Les cellules cancéreuses qui, refusant de mourir, détruisent l'organisme qui les nourrit favorisent pourtant la sélection naturelle. Bref, toutes les espèces qui se sont adaptées à l'environnement survivent. La Nature aura toujours le dernier mot. L'homme est un être vivant comme les autres. L'effort considérable pour y échapper montre notre vivacité. La multiplication du genre humain est le produit d'artefacts technologiques astucieux qui consistent à utiliser les énergies fossiles épuisables. À terme, la population va s'effondrer, mais pas disparaître. Elle sera simplement réduite à la quantité d'énergie disponible, telle que modélisée il y a déjà 50 ans par les courbes de Meadows. Du strict point de vue écologique, les guerres, génocides, famines, épidémies et cataclysmes aident à rééquilibrer la Nature qui fonctionne en synergie. En s'affranchissant des régulations naturelles par les découvertes médicales, l'hygiène, le développement agricole et la collaboration mondiale, le triomphe de l'espèce sur le système écologique qui l'a engendré, dans une planète finie, va paradoxalement produire son effondrement. En fait, l'humain cherche la croissance infinie et l'immortalité, mais on n'échappe pas aux lois de la Nature qui imposent l'équilibre dynamique. L'immortalité de l'individu, d'une civilisation ou d'une espèce est une vision statique de l'esprit, une vision mystique. Hubert Reeves tient-il un discours scientifique ou bien celui d'un croyant qui enseigne la Genèse biblique où il est écrit que Dieu a confié à l'homme le soin de dominer toutes les espèces (Ge. 1, 26) ? Pourquoi refuse-t-il de voir que sa foi mène à l'impasse ? Sommes-nous véritablement animés d'un noble dessein réaliste, ou ne serions-nous pas plutôt engagés, à notre insu, dans une Sainte Croisade, aveuglés par une conception irréaliste de la vie, et surtout imbus d'une vanité démesurée ? |
|||||
Bjørn Lomborg m'inspire davantage. Certains croient qu'il encourage le laisser-faire, mais c'est tout le contraire. Je cite : « Les choses vont mieux, ce qui ne veut pas forcément dire qu'elles vont bien. Au cours de cette description, je vais devoir remettre en question les idées reçues sur l'effondrement des écosystèmes, car elles sont tout simplement en décalage avec la réalité objective. [...] « Mais attention ! le fait que l'immense majorité des indicateurs montrent que le sort de l'humanité s'est grandement amélioré n'implique pas que tout soit encore entièrement satisfaisant. [...]
« Exagération et bonne gestion. « Déclarer que nos peurs les plus courantes ne sont pas fondées ne signifie pas pour autant qu'il faille négliger l'environnement. Loin de là. Il serait bienvenu de se pencher sur la gestion de nos ressources et de s'attaquer à des problèmes tels que la gestion de la forêt et de l'eau, la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique. Mon objectif est de fournir les informations nécessaires pour savoir où faire porter les efforts en priorité. Je m'appliquerai à démontrer tout au long de cet ouvrage que bien souvent, les solutions proposées sont tout à fait inefficaces. Ces informations indiquent qu'il ne s'agit pas d'abandonner toute action, mais qu'il y a lieu de concentrer notre attention sur les problèmes les plus importants et les plus urgents. » [3] |
|||||
Et pour ma part, comment est-ce que je m'arrange, avec l'hystérie écologique ? Je vis sans voiture personnelle, je mange peu de viande et je voyage rarement. Mais je ne jette la pierre à personne. Peut-on blâmer l'individu qui suit le courant populaire ? Qui peut prétendre détenir la vérité ? Reeves lui-même reconnaît que nous nageons dans l'incertitude quant aux conséquences véritables des catastrophes annoncées. On me félicite parfois « de faire l'effort de vivre sans voiture », mais je n'ai aucun mérite. Au contraire, je devrais faire de gros efforts pour m'en encombrer. La voiture n'est pas une nécessité ; elle est avant tout une habitude : au mieux un encombrement, au pire un instrument d'addiction qui asservit. Je jouis d'une foule de bénéfices, dont le malin plaisir de taquiner la plupart des écolos qui ne le sont que dans le discours. La culpabilité n'a aucune emprise sur moi ; je considère le problème sous un aspect plus fondamental : vivre sans voiture, c'est vivre libre. Comment peut-on réduire sa vie à s'engouffrer dans une petite caisse de métal et s'astreindre à suivre attentivement le Code de la route en gardant les mains sur le volant et l'attention fixée sur la ligne blanche ? Comment peut-on y passer tant d'heures chaque jour dans les embouteillages à chercher une déviation pour éviter les voies en réparation et tourner en rond pour trouver un espace de stationnement ? Pire ! Comment peut-on travailler une partie importante de la semaine pour gagner l'argent qui paye la chose qui culpabilise et nous entrave ? Sans parler des risques d'accident, des rendez-vous au garage, des tracasseries administratives et du nettoyage qui grugent le temps libre. L'automobile a provoqué, et entretient, de toute évidence, une folie collective dans un monde pourtant obsédé par la liberté. Si la majorité veut s'astreindre à cette dépendance, grand bien leur fasse ; j'ai autre chose à faire. La diminution de la pollution est bien sûr un effet secondaire utile, mais comment convaincre les gens à agir autrement quand ils pensent l'automobile personnelle comme une nécessité ? Comment s'évader d'une telle chimère alors que les urbanistes ont structuré les cités pour en favoriser la multiplication et que le martelage publicitaire favorise partout sa représentation si bien que le piéton et le cycliste font figure de ti-counes vulnérables inadaptés ? Pour moi, la pollution n'est pas le sujet ; c'est une question d'affirmer sa liberté comme vivre sans fumer. Tant que les gens croiront ne pas pouvoir faire autrement, ils pollueront. À regret, et en se culpabilisant, mais ils pollueront. Je serais d'ailleurs curieux de comparer ma consommation de kérosène à celle des plus virulents écologistes. Ceux qui croient si important de se produire sur toutes les tribunes ne manquent pourtant pas une occasion de prendre l'avion pour porter leur message aux quatre coins du globe alors que les moyens de communication actuels rendent les déplacements désuets. Je souscris donc au principe de précaution d'Hubert Reeves, le pied léger et le sourire aux lèvres ; non comme le pécheur repentant qui s'abstient péniblement, mais comme un homme qui croit que la vie offre des activités bien plus intéressantes que s'abrutir au volant d'une voiture. Les prêtres-écologistes catastrophistes annoncent l'Apocalypse alors que la planète change doucement de visage d'une époque à l'autre par une évolution naturelle sur laquelle nous n'avons en réalité aucun pouvoir significatif. Pour se perpétuer, l'espèce humaine doit s'intégrer à la nature, pas la dominer. |
||||
[1] Voir le très instructif site de Pierre-André Bourque, Planète Terre, © 2004 (page consultée les 2 mars 2023). [2] Une des solutions au Paradoxe de Fermi suppose que si nous n'avons pas déjà détecté au moins un signal de vie extraterrestre intelligente, c'est que l'homo sapiens n'est pas constitué pour évoluer davantage. Arrivée à un certain point, la sélection naturelle provoque l'effondrement qui empêche d'accéder au développement technologique nous permettant d'effectuer des communications à l'échelle galactique. [3] Bjørn Lomborg, L'Écologiste sceptique, Le cherche midi © 2004, p. 21-23.
|
||||