2004-10-21 |
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Et re-haine des cols bleus |
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À l'ère de la Publicité manipulée, ce n'est plus l'opinion publique qui est motrice, mais un consensus fabriqué prêt à l'acclamation. Habermas, L'espace public, 1962. Depuis une semaine, des quidams me harcèlent. On klaxonne sans raison. Les quatre occupants de la voiture sont des jeunes dans la vingtaine qui s'amusent à me narguer : « Tu veux-tu un oreiller ? » Je reste coi. « T'as l'air fatigué... ». Prolongement du harcèlement médiatique. Ils profitent de l'arrêt au feu rouge pour déverser la haine que les journaux ont recommencé à produire depuis qu'on nous a imposé la sentence arbitrale — décret de travail sur lequel nous avons exprimé notre désaccord cette semaine. A-t-on saboté ou saccagé quelque chose ? Non. A-t-on arrêté de travailler ? Non. Avons-nous déclenché la grève ? Non plus. Pourtant, chaque citoyen a été mis en alerte par une presse qui n'en finit plus de nous rapporter les faits à la Tullius Détritus dans l'album d'Astérix La Zizanie . A-t-on dit aux gens que mon salaire était réduit alors que les pompiers, les policiers et les cols blancs ont tous signé une convention négociée avec des augmentations de 11.7 % ? Non. A-t-on dit aux gens que l'arbitre avait cédé à toutes les demandes de la Ville sans tenir compte de celles du syndicat des cols bleus qui, pour la plupart, ne coûtaient rien ? Non. A-t-on dit aux gens pourquoi la Ville de Montréal est revenue subitement sur l'entente de principe du 9 juillet 2003 alors qu'un accord négocié était à deux doigts d'être signé ? Non. La Ville est restée muette, et les journalistes ont passé le fait sous silence. Tout a commencé à l'époque du maire Bourque qui, sans avoir augmenté les taxes pendant six années consécutives, avait signé des ententes avec les cols bleus pour augmenter la productivité au bénéfice de tous. Dans la même veine, il avait élaboré une autre idée géniale : « Une île, une ville ». Le temps qu'il vende son idée au gouvernement du Parti Québécois de l'époque, l'opposition est élue, autant au Provincial qu'au Municipal. Le nouveau maire Tremblay se trouve dans l'inconfortable situation de gérer des fusions auxquelles il est opposé. Au provincial, Jean Charest s'était engagé à effectuer la défusion par promesse électorale. Bref, en trois ans, boom économique aidant, les taxes municipales ont augmenté trois fois, et je subis maintenant une baisse de salaire rétroactive qui fait que je n'aurai récupéré mon salaire actuel qu'en novembre 2007. J'aimerais qu'on m'explique le calcul qui m'impose une baisse de salaire dans l'« uniformisation » des conventions collectives alors que la nouvelle Ville de Montréal vient d'accorder des augmentations de 20 000 $ à ses nouveaux maires. Parce que, administrativement parlant, la nouvelle Ville de Montréal n'a pas fusionné. Elle a éclaté en 27 arrondissements et villes tous indépendants, avec chacun un maire et un budget distinct, le tout chapeauté par une superstructure appelée Montréal et un super-maire, M. Tremblay, qui est encore plus loin des cols bleus qu'aucun maire de l'ancienne Ville ne l'a jamais été. M. Bourque savait gérer les cols bleus avec la collaboration ; le maire Tremblay ne gère que par confrontation. Les fusions rentables prévues par l'ancien maire se sont transformées en coûteuse administration par une démocratie aveugle qui ne sert en rien les intérêts, ni des citoyens, ni de l'administration actuelle, ni des cols bleus. Mais qui donc profite de l'imbroglio ? Depuis bientôt quinze ans, les cols bleus tirent la sonnette d'alarme en pointant du doigt les intérêts conflictuels avec entrepreneurs privés. Évidemment, une presse privée, vendue à des intérêts privés, ne cesse de claironner son discrédit sur le groupe de travailleurs qui dénonce l'arnaque. Si les taxes municipales augmentent sans cesse, ce n'est sûrement pas à cause des salaires des cols bleus. La privatisation va bon train. On impose aux 6 000 cols bleus de la nouvelle ville de Montréal une sentence arbitrale, avec un plancher d'emploi de moins de 4 000 travailleurs — le même que celui de l'ancienne Ville de Montréal. Pourtant, avec les fusions, et un plus grand territoire à couvrir, il y aura davantage de travail. On engagera le privé alors que la régie interne est plus efficace et moins coûteuse. La mathématique journalistique généralise des exemples fallacieux. Les cols bleus sont des parasites dont il faut se débarrasser, alors que sous l'administration Bourque, nous n'avons jamais été aussi productifs. Mais si le citoyen doit payer une administration municipale qui en chapeaute une deuxième qui engage à son tour une autre administration privée qui emploie des travailleurs au privé, comment peut-il avoir les services à prix raisonnable ? En fait, par attrition, on va se débarrasser d'un groupe de travailleurs compétents et bien traités, qui font un travail dans des conditions acceptables, pour les remplacer par une couche administrative supplémentaire privée coûteuse et superflue. L'augmentation des taxes le prouve. Comment se fait-il que ceux qui manipulent l'information arrivent à convaincre les citoyens qu'ils ont besoin de trois niveaux d'administration ? Je vis ces conflits de l'intérieur, je me désole devant la campagne de presse anti-cols bleus qui sévit actuellement, et qui transforme chaque citoyen « bien informé » en harceleur potentiel. Harcèlement, mépris et ostracisme au travail sans rapport avec mes actes. Heureusement, la nouvelle loi du 1er juin 2004 contre le harcèlement en milieu de travail me protège. Il faut que le lynchage médiatique cesse. Sinon, les journalistes s'exposent à des poursuites. |
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