Les cartomanciennes tombent en désuétude ; quiconque désire connaître l'avenir fréquente Future Shop.
C'est l'endroit où la liberté se détermine.
À la lecture, l'horoscope laisse encore de nombreuses possibilités, mais Future Shop c'est le choix de la certitude.
Aucun magasin ne porte une dénomination plus honnête.
En y entrant, nous savons avec assurance de quoi demain sera fait :
regarder la télévision,
écouter la musique,
jouer sur l'ordinateur.
Nous savons aussi que nous devrons consacrer un temps minime pour l'entretien de ces possessions,
et bien entendu, le travail requis pour l'argent des achats.
Chaque acquisition précise l'avenir.
Mes collections de CDs, DVDs et livres s'accumule.
Le désir de les écouter, revisionner, lire et relire, prend une place croissante.
Mon destin se détermine.
La société de consommation a ceci de rassurant qu'elle fabrique des êtres prévisibles.
Nous achetons l'avenir, et travaillerons pour payer le crédit.
Tout ceci dans une atmosphère de fête qui laisse croire que nous sommes tout à fait libres de faire comme bon nous semble.
Aucune coercition, que la gentille publicité toujours amicale et complice des désirs fabriqués.
Faut le faire ! Se laisser enchaîner de plein gré et en redemander !
Désirer acheter encore et toujours davantage, voilà bien la seule liberté que la marchandisation de l'époque nous laisse.
On ne fait plus d'enfants ;
les femmes sont trop occupées à travailler et magasiner l'avenir.
Pas le temps de faire de ce que je voudrais ;
j'ai acheté le moment présent il y a déjà quelques années en signant pour l'hypothèque de ma maison,
l'achat de l'automobile, les voyages, les meubles. Plus le temps de marcher, ni de bricoler, ni de rencontrer
les amis ni même de devenir père, et encore moins de réfléchir.
Ne plus vendre sa vie, racheter son temps, ne pas savoir ce que le futur réserve ;
voilà la liberté ! Mais quelle angoisse que d'ignorer l'avenir !
Future Shop nous en délivre.
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