2003-10-11 |
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Stratagèmes pacificateurs |
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SOMMAIRE |
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Je suis un intellectuel, c'est-à-dire un être qui attend passionnément qu'on le contredise. Amélie Nothomb, Les Combustibles, 1994. Il faut étouffer le penchant à l'injure avec plus de soin qu'un incendie. Héraclite Le débat est un combat, mais l'art de la guerre consiste aussi à ne pas anéantir l'adversaire. Si les 38 stratagèmes de Schopenhauer sont appliqués systématiquement, vous serez toujours vainqueur, mais détesté de tous. Cyrano l'a payé de sa vie. J'adore les luttes d'idées. Mais dois-je m'en priver ? Voici 22 stratagèmes destinés à épargner l'amour propre de l'adversaire, et qui vont peut-être vous sauver la vie. |
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Je suis toujours surpris par la goujaterie de notre époque. Le débat oral est, comme tout combat, une affaire d'honneur. Les formules de politesse impliquant le respect sont le cadre nécessaire. Il faut vouvoyer l'adversaire et l'appeler Monsieur, ou Madame. Même si le débat s'envenime, l'observation de cette règle fondamentale rappelle continuellement que nous choisissons délibérément de rester conviviaux. Le déshonneur est la première faiblesse à esquiver. Ce point d'honneur devrait indiquer dès le départ avec qui nous ne devons pas engager la conversation. Si l'interlocuteur refuse le vouvoiement, il ne faut pas débattre. |
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L'insulte est l'arme du faible ; c'est un aveu de fragilité ; elle est inadmissible. Le stratagème qui consiste à diminuer l'autre pour le dominer ne sert pas notre cause. Il est plus glorieux de perdre un combat devant un adversaire estimable que de le gagner face à un minable. Où est la noblesse de la victoire sur un minus ? Nous serons d'autant plus glorieux en valorisant l'adversaire, quitte à la surestimer. C'est d'ailleurs la valeur de l'adversaire qui alimente l'énergie à le combattre. Ceci vaut aussi pour le mépris et le harcèlement. Où est l'intérêt à engager le débat avec une personne méprisable ? |
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En réponse à une question provocatrice, je me suis souvent surpris de constater l'efficacité d'utiliser une autre langue. Le débat passe par la parole. Si, dès le départ, nous divergeons sur la signification des mots, il tombe à plat. Pour débattre, il faut être compris. Il n'y a rien pour désamorcer l'hostilité comme d'être incapable de comprendre l'interlocuteur. Si vos mots n'ont aucune emprise émotionnelle sur moi, inutile de débattre. C'est d'ailleurs le plus solide ciment dans ma relation amoureuse. Ma langue maternelle est le québécois et celle de ma compagne, le taïwanais. J'ai fait mes études en français et elle en chinois mandarin. Nous communiquons le plus souvent en français, rarement en anglais, mais chaque fois que l'irritation me gagne, la divergence linguistique la désamorce. En effet, comment pourrais-je savoir que ce qu'elle a dit correspond à ce que j'ai compris ? La barrière de la langue impose le respect. Si nous pouvions seulement nous apercevoir qu'en parlant la même langue, la signification des mots diverge ! On se croit familier, mais souvent nous ne parlons pas de la même chose. |
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Alors qu'il est plaisant de réfléchir par soi-même, les affirmations des autres ne sont-elles pas rebutantes ? Pourquoi ne pas faire confiance au raisonnement de l'adversaire ? Dans le débat, ne vaut-il pas mieux s'intéresser à la logique de l'autre que discourir en soliloque ? Si nous détestons nous faire imposer des idées toutes faites, comment se fait-il que nous en soyons si prodigues ? L'observateur sera-t-il davantage impressionné par un débat passionné, nourri de questions qui renvoient la balle, ou par les déclarations d'opinions péremptoires ? |
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Le Je est irréfutable. Rien de ce qui est affirmé par l'individu ne peut être contredit puisque l'expérience individuelle est absolue. Parler uniquement à la première personne du singulier et n'exprimer que mes sentiments personnels me protège de toute critique. C'est un privilège protégé par la Charte des droits et libertés. Il est impossible de contredire une position personnelle puisque le point de vue individuel est inaliénable. Je suis ce que je suis ; je n'ai pas demandé à naître. Je suis la conséquence de la somme des contingences qui m'a fabriqué jusqu'à aujourd'hui. Et personne ne peut me contredire puisqu'il n'y a rien de plus authentique que ma sincérité envers moi-même. Il se peut que je mente délibérément ou que je me mente à moi-même. Mais si je suis sincère et que mon interlocuteur ne cesse de me diaboliser avec suspicion et scepticisme, ces sentiments lui appartiennent, ils habitent en lui. Il cherche à les exorciser en les projetant sur moi. Dans ce cas, il est plus à plaindre qu'à blâmer. |
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Comme il est difficile de taire le discours intérieur alors que, sur la défensive, chaque argument adverse est perçu comme une attaque ! Comme s'il était sacrilège d'énoncer des paroles contraires à nos positions, nous refusons de laisser profaner notre esprit par des « croyances impies ». C'est ici que la plupart des débats se transforment en dialogues de sourds, en soliloques. Chacun répète son dogme pour se convaincre lui-même. L'écoute attentive est nécessaire à la pertinence des répliques. Les dialogues de sourds ne servent personne. En effet, à quoi cela sert-il de démontrer son point de vue si l'adversaire n'entend rien et divague dans une autre direction ? |
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Deux positions disqualifient les adversaires : a) L'interlocuteur trempe dans le domaine ; son opinion n'est donc pas crédible. En tant qu'initié, son avis est nécessairement biaisé par le parti-pris. « Vous travaillez dans le domaine, vous avez donc intérêt à adopter l'opinion corporative. » b) Étranger au domaine du débat, l'interlocuteur ne peut parler en connaissance de cause. Sa position n'est qu'une opinion personnelle sans valeur. « Vous n'êtes pas spécialiste. Votre ignorance des aléas du métier empêche une opinion éclairée. » Tout ce que nous affirmons s'inscrit dans le cadre de nos connaissances, lesquelles sont forcément subjectives et limitées. Refuser au non spécialiste de se prononcer sur un sujet qui le concerne serait aussi odieux que de taire un spécialiste sous prétexte que ses connaissances empêchent un regard objectif. La boutade populaire dit que le spécialiste sait tout sur rien, et que la généraliste sait rien sur tout. Mais chaque position n'a-t-elle pas le droit de s'exprimer ? Cette double réalité aide à resituer le débat dans le contexte relatif des connaissances limitées ou spécialisées des adversaires. |
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8. Distinguer la pensée de la personne Pour éviter de blesser, il faut distinguer l'idée de la personne qui l'émet. La personne est intègre, son être absolu, immuable (Parménide). Sa pensée, de même que ses actions sont changeantes (Héraclite). On peut influencer la pensée de quelqu'un ou sa manière de se comporter, mais on ne peut pas changer la personne constituée. Taille, couleur, origine, goût, sensibilités, intelligence, talents sont intrinsèques ; les remettre en cause constitue une attaque ad personam. Les gens ont tendance à s'identifier à leurs idées et réalisations de telle sorte qu'ils se cristallisent autour d'une manière d'être alors qu'ils sont pourtant libres de changer d'idée ou de comportement. Dans un débat, il faut questionner les idées, et non attaquer la personne. L'adversaire admettra volontiers que, sur le plan des idées, puisque l'expérience varie d'une personne à l'autre, chacun a droit à son opinion ; mais il se vexera à juste titre si l'on s'attaque à sa constitution. La nuance entre « Je m'oppose à ce que vous dites, je ne suis pas d'accord avec votre idée », et « Je m'oppose à vous, je ne suis pas d'accord avec vous » fait toute la différence. |
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J'ai toujours besoin de me rassurer sur l'opinion de l'adversaire sur sa propre force. À quel point il se sent à l'aise ou menacé par le jeu du débat. Que pense-t-il de moi ? Me voit-il comme un adversaire nul, amical, redoutable ou mortel ? J'avance alors un mauvais argument pour lui donner le plaisir d'avoir raison, et jauger son attitude. La réplique révèle de précieuses indications. Me considère-t-il comme un interlocuteur valable ? Quelle est l'intensité de son désir de vaincre ? A-t-il suffisamment de finesse pour comprendre l'astuce ? Cette feinte peut nuire à ma crédibilité, mais la réaction révèle sa position. S'il est bon joueur, il tournera la chose en boutade. J'aurai compris que ce débat nous amuse tous les deux. S'il le démolit rapidement, fier d'avoir pu l'écraser facilement, j'ai affaire à un adversaire sur la défensive, sérieux et fragile. S'il s'en sert ad nauseam pour appuyer sa thèse, et montrer ainsi que toute ma pensée est invalide, je sais alors que j'ai affaire à un croyant dont la structure de la foi est si précieuse qu'il ne peut admettre le débat. Ma position le menace ; c'est un prosélyte ; il exige que j'épouse sa manière de penser ; il n'y a pas de place dans son monde pour nos deux manières de le concevoir. Ce mauvais argument peut aussi stimuler le jeu. Il ne faut donc pas hésiter à se tromper, et faire voir que nous sommes confortables avec des arguments faillibles. Mais surtout à reconnaître que l'adversaire est brillant ; il a eu l'adresse de déceler la faille de mon raisonnement. L'astuce peut se répéter plusieurs fois dans le débat pour détendre l'atmosphère et rappeler la nécessité de conserver l'attitude amicale ludique qui permet souvent la fécondité de l'échange. |
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Les questionnaires d'examens du Ministère de l'Éducation nous ont inculqué le réflexe de se sentir fautif pour une mauvaise réponse. Même si le Code civil affirme (à tort) que nul n'est censé ignorer la loi, la méconnaissance n'est pourtant pas un délit. Socrate s'étonnait de constater que les plus ignorants étaient ceux qui prétendaient savoir à tort ce qu'ils ignorent manifestement. Leur faute n'étant pas l'ignorance, mais le refus de la reconnaître devant l'évidence. Il est pourtant si facile de désarmer l'adversaire en avouant tout simplement notre ignorance. J'ai même tendance à penser que l'ignorance avouée montre une certaine forme de supériorité sur la connaissance. On peut reprocher à quelqu'un de mal connaître, d'expliquer maladroitement, de trafiquer l'information, mais comment lui reprocher tout simplement de ne pas savoir ? |
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On rencontre parfois un adversaire qui prend le jeu trop sérieusement. Il s'emporte et devient menaçant. L'humour peut désamorcer le conflit. L'autodérision est une tactique gagnante. Elle détend l'atmosphère et recadre le contexte de la polémique : un jeu de paroles, rien qu'un jeu. Il faut évidemment distinguer humour, sarcasme et dérision. Sinon on risque au contraire de mettre le feu aux poudres. L'adversaire peut-il les distinguer ? |
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Savoir encaisser les coups fait partie des qualités d'un bon combattant. Vouloir les éviter systématiquement dénote une certaine fragilité. Désolé, Monsieur Schopenhauer, mais Avoir toujours raison est l'apanage du faible. On reconnaît l'immense fragilité lorsque l'adversaire examine chacune de nos phrases et trouve à les disqualifier toutes. Il considère chacune de nos pensées, chacun des termes de la construction de notre pensée, comme une menace. La personne trop méticuleuse perd son temps sur les détails ; l'enjeu du débat lui échappe. Mieux vaut encaisser quelques pertes et gagner la bataille. Convenir de ses torts permet souvent des rebondissements intéressants et avantageux. |
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Curieusement, la plupart des participants au débat veulent avoir le dernier mot. Pourtant, ils restent sur leur faim après l'avoir obtenu. Nous voulons avoir raison, mais l'absence de répartie indique seulement que l'adversaire s'est retiré du jeu — non pas qu'il a concédé la victoire. Avoir le dernier mot ne dit rien sur les raisons qui peuvent avoir incité l'adversaire à disparaître. Nos arguments l'ont-ils convaincu ? Est-il simplement à court d'arguments ou définitivement coincé ? Doit-il interrompre pour honorer un rendez-vous ? Est-il simplement las d'une discussion stérile qu'il juge finalement inutile ? L'adversaire sera d'autant plus médusé si vous lui avez donné une solide répartie. Il pensera que vous auriez pu trouver d'autres arguments, et refusera de croire que vous lui avez véritablement concédé la victoire. Appliqués avec emphase, les stratagèmes de Schopenhauer garantissent d'Avoir toujours raison, mais l'adversaire se lasse et s'éclipse. Où est le plaisir à jouer aux échecs avec Kasparov ? L'ennui, c'est que l'issue d'un débat fait presque toujours deux perdants puisque, la plupart du temps, on ne cherche pas à faire émerger la vérité sur une situation donnée, mais à gagner sur l'autre. Comment gagner alors que la vérité est si relative ? Alors, mieux vaut concéder le dernier mot avant que le débat ne s'envenime. |
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Il arrive parfois que la seule stratégie envisageable soit d'observer le silence, avant même que le débat commence. Cette attitude éteignoir gagne sur l'adversaire avant qu'il s'enflamme. Observer l'attitude souveraine du juge, d'une reine ou du sage est un stratagème régulateur nécessaire avec les personnes friandes de polémiques. Sans répartie, le maître de l'éristique n'aura jamais raison de vous. Le silence est un argument irréfutable. |
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Tout dialecticien cherche à faire croire que le débat qu'il propose est vital. Il s'étonnera que nous acceptions de vivre sans nous intéresser au sujet qui le préoccupe. L'éristique est un jeu parmi tant d'autres. Avouer notre manque d'intérêt pour la polémique nous met à l'abri des argumentations stériles. Évidemment, le débat est un jeu qui active les neurones et favorise la puissance réflexive. Mais le tennis n'est-il pas aussi intéressant ? |
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Le débat suscite souvent une montée d'adrénaline qui stimule agréablement. Quel plaisir d'échanger nos idées et se sentir intelligent ! Débattre sur un sujet d'actualité apporte et demande une grande quantité d'énergie. Cette activité fatigue aussi . Il faut parfois demander au partenaire d'arrêter ce jeu épuisant. Certains sujets exténuent juste à l'idée de les aborder, comme on se sent écrasé devant une tâche rebutante. Si l'on rencontre un partenaire particulièrement coriace qui cherche le moindre pou et ne veut concéder sur rien, le débat bouffe notre énergie. Au lieu de stimuler, il fatigue. De guerre lasse, mieux vaut abandonner que de forcer et s'irriter. |
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Il arrive parfois que l'adversaire, à court d'arguments, déclare : « On sait bien, tu as toujours raison ! » sur le ton du reproche. Peut-on avoir tort d'avoir raison ? C'est l'aveu qui sonne le glas de la partie. Si l'on a joué avec noblesse, équité et respect mutuel, on ne peut évidemment pas nous reprocher d'avoir raison puisque le débat est le jeu de la raison rationnelle. L'embêtant, c'est que cette fin de partie laisse aux adversaires un sentiment mitigé. Quel type de victoire ? À quelle profondeur l'adversaire a-t-il été blessé ? Le perdant porte la rancoeur et le gagnant redoute les représailles. La sagesse populaire porte à terminer la discussion sur une boutade. Au Québec, aussitôt que l'irritation se manifeste, on dit : « on parle pour parler » pour rappeler que la discussion n'est qu'un essai d'idées. Après tout, n'est-il pas plus important d'apprécier le partenaire que de gagner sur lui ? Quelle que soit l'issue de la partie, c'est grâce à sa vigilance que j'ai testé mes idées. Il mérite l'estime. Ceci est pour moi l'équivalent du salut respectueux à la fin du combat dans les arts martiaux. Ce salut rappelle à notre adversaire que, quelle que soit l'issue du combat, nous ne serions rien sans lui. Il a vitalisé mes idées, révélé mes forces et mes faiblesses, il m'a permis de mieux me connaître, il a valorisé mon existence. |
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La première règle implicite du débat concerne l'engagement au principe de non-contradiction selon l'enseignement d'Aristote. Les adversaires peuvent formuler tout ce qu'ils veulent en observant la cohérence. Interdit d'affirmer que le blanc est noir, que oui est non ou que le vrai est faux. Raisonner c'est discerner, c'est ordonner le chaos en vertu des connaissances admises. Le jeu consiste à se policer mutuellement sur la logique argumentaire. Mais est-ce que ça suffit pour garantir la vérité à l'issue d'un débat ? Certains s'attaquent systématiquement à la validité de nos arguments. La logique a ceci de paradoxal qu'elle peut aussi bien démontrer sans faille — ou tout au moins en apparence —, une chose et son contraire. Zénon d'Élée montre les limites de la rationalité avec l'expérience de pensée d'Achille et la tortue. Mais Kant a monté la limite ultime en établissant que l'existence de Dieu est tout aussi irréfutable qu'indémontrable. Et Gödel l'a formalisé mathématiquement avec le principe d'indécidabilité. Certains arguments relèvent davantage de la foi que de l'aboutissement d'un raisonnement cohérent, même si nous prétendons être convaincus (!!!) du contraire. Le bon sens ne va pas toujours de pair avec la logique. La plupart des arguments se basent sur des postulats admis. Dégager les présupposés de nos opinions est un travail philosophique colossal et incessant. Après avoir établi sa propre existence, Descartes a ensuite eu besoin de prouver l'existence de Dieu avant d'aller plus loin. Sans Dieu pour garantir le monde, son système philosophique s'effondre. Si un adversaire est pris en défaut dans sa logique, il pourra toujours remonter en amont dans les prémisses de la discussion pour remettre en cause les évidences initiales. En fait, remonter sans cesse aux causes initiales aboutit toujours au principe du Premier moteur immobile d'Aristote. Mettre en cause systématiquement tous les faits ne vaut pas mieux que d'admettre d'emblée, sans preuve valable, des prémisses douteuses. La logique implacable nous enferme dans un système de réflexion où rien d'autre n'existe qu'une parfaite mécanique infaillible, faisant oublier qu'elle est avant tout une prison dans laquelle nous sommes notre propre geôlier, gardien de la foi en cette logique. |
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L'animal trop blessé n'a plus rien à perdre ; la rage l'emporte, ses forces décuplent, il devient redoutable. Les arguments vrais et cinglants de Cyrano blessaient ceux qui osaient le défier. Le maître de la polémique avait toujours raison, mais il instilla la haine fatale. Sun Tzu recommandait de toujours laisser une issue à l'ennemi. Pourquoi pas donner raison à l'adversaire quitte à lui fournir des arguments sans valeur pour qu'il ait le plaisir de les démolir ? Quand on joue, il faut être prêt à perdre, mais certains ne l'entendent pas ainsi. La blessure narcissique les porte à frapper. Mieux vaut perdre une joute que passer 24 heures à l'Urgence. « Tu as raison » est un argument irréfutable. « La paix vaut mieux que la vérité » (Voltaire). |
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Dans certains débats, la victime attire davantage de sympathie que le rhétoricien implacable qui écrase systématiquement les arguments de l'adversaire. Les observateurs humanistes ont un penchant naturel envers le faible. Gagner une joute oratoire est une chose. S'attirer la sympathie des témoins peut être un gain préférable. On exhibera alors une blessure victorieuse, témoignant de la méchanceté (du manque de noblesse) de l'adversaire. J'ai perdu la partie, mais gagné la sympathie des observateurs qui, bonnes âmes, éprouvent toujours le désir de consoler le faible en qui ils se reconnaissent naturellement. |
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Si l'échange vous a appris quelque chose, vous n'êtes pas perdant. Au contraire, le perdant gagne toujours davantage. Fort de ses erreurs, il tirera l'enseignement nécessaire à perfectionner sa stratégie. Dans un autre débat, il saura éviter les pièges qui l'ont mené à sa perte. Par contre, en flattant son narcissisme, le gagnant risque de stagner et s'affaiblir par excès de confiance en soi. |
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Après tout, la dialectique n'est qu'un jeu de langage (Wittgenstein). Rien de vital, un simple jeu. C'est « parler pour parler » comme nous disons au Québec. Inutile de s'en servir pour harasser ou humilier. Comme pour le sport, les jeux de hasard ou un hobby, si le jeu ne vous amuse plus, faites autre chose. Si vous êtes plus doués, prenez soin de l'adversaire. Sans lui, vous n'auriez pas développé cette habileté. Il est le complément indispensable à votre adresse. Il participe à votre gloire. Il est fragile et précieux. |
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Bien entendu, chacun de ces stratagèmes peut être considéré comme une feinte fourbe. Le joueur sincère ne peut convaincre le malicieux de sa bonne foi. Puisque le malicieux ne voit le monde qu'à travers le filtre de sa vision, comment saurait-il reconnaître la bonne foi ? |
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