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Intention de « Philo sans fumée »
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Une lettre d'Hélène Jutras, alors étudiante de 19 ans, publiée dans le journal Le Devoir en 1994, m'avait frappé. Elle osait dénoncer l'inculture de la société québécoise : « Les valeurs que je préconise, disait-elle, le savoir, le développement intellectuel, ne se retrouvent pas ici. » Après avoir publié Le Québec me tue, elle fut trucidée par les médias — premiers acteurs dans notre alimentation culturelle collective. L'Inquisition n'est jamais très loin. Bien sûr, son sort fut moins cruel que de celui de Bruno, mais l'effet fut analogue. On la somma de quitter le Québec ou de se taire. Elle disparut définitivement de l'espace médiatique. Une brève conversation téléphonique me convainquit de sa totale rétractation. Je partageais son sentiment, mais, instruit de son expérience, j'ai compris qu'il est inutile de déclarer l'inculture du peuple. Après tout, la culture est une affaire personnelle ; chacun choisit le domaine d'activité qu'il préfère. Je choisis néanmoins de répondre à son touchant cri du coeur en m'inspirant de Descartes qui recommande de « tâcher toujours plutôt à changer mes désirs que l'ordre du monde ». Je pris l'engagement personnel d'agir sur ma propre inculture. * * * Philo sans fumée est né du désir de se meubler l'esprit et de partager le fruit de mes activités intellectuelles. Devant l'océan de produits culturels auquel nous expose la société actuelle, il est difficile de savoir où regarder. Les valeurs démocratiques égalitaires laissent croire que tout est d'égale valeur. Peut-être. Après la mort, ne retournons-nous pas tous en poussière ? Mais la vie ne serait-elle pas plus agréable avec l'esprit mieux meublé ? À Philo sans fumée, nous pensons que l'écrit a une valeur supérieure aux autres médias puisqu'il met directement en contact avec l'esprit de l'auteur. Ce média nous branche aux époques les plus anciennes comme aux plus récentes. Il est aujourd'hui à portée de tous, simple, abordable ; jamais le savoir n'a été aussi bon marché. Cependant, nous nous désolons souvent de ce que nous lisons. L'esprit des « écriveurs » est fréquemment confus. La diffusion est si facile que quiconque le désire, peut être publié ; d'où l'embarras du choix. Il faut lire une quantité phénoménale de texte pour en débusquer la substance qui pourrait souvent se résumer en quelques phrases. De plus, les classiques font malheureusement pâle figure à côté des nouveautés qui sont toujours présentées comme un impératif de consommation. Nous avons décidé d'agir en nous rencontrant une fois par mois pour partager notre vie intellectuelle. À tour de rôle, nous présentons aux participants les livres, articles de journaux ou autres sources qui alimentent le discours intérieur. Nous essayons par ce moyen de valider ou non nos pensées. Nous tentons de mieux nous comprendre. Nous poursuivons simplement la quête de Socrate : Connais-toi toi-même. |
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