« Philo sans fumée »
De juin 2007
Bonjour à tous!
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Un nouveau philosophe s'ajoute : Whitehead
Lectures de textes fondateurs de Bergson, Camus, Épictète, Simone de Beauvoir et Socrate
2. SUJETS DU MOIS : ATHÉE OU THÉOPHOBE?, ENSEIGNER DIEU DANS LES ÉCOLES et ÉNERGIE LIBRE À LIBÉRER
3. PHILOSOPHE DU MOIS : ROUSSEAU
4. LES NOTIONS ET LEURS RELATIONS : LA NOTION D'IDENTITÉ
5. QUELQUES LIVRES REMARQUABLES : TRAITÉ D'ATHÉOLOGIE et HISTOIRE UNIVERSELLE DE LA PENSÉE
6. MAGAZINE : CAUSE COMMUNE
7. RIRE ET S'ATTENDRIR : DEVENIR ATHÉE
8. PENSÉES DU MOIS : PAUL WATZLAWICK et ALFRED NORTH WHITEHEAD
9. POUR LES NOUVEAUX PARTICIPANTS... : Écrivez-moi vos réflexions...
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Ne manquez pas cet événement annuel où vous aurez l'occasion de passer deux jours dans un bain philosophique avec les enseignants des cégeps du Québec. Ces professeurs sont l'avant-garde de la philosophie au Québec ; ce sont eux qui pensent et dispensent à la jeune population leur initiation philosophique. Si on aime ou déteste ensuite cette discipline, ils y sont pour beaucoup. Comment faire la promotion des philosophes et de l'exercice philosophique auprès des jeunes citoyens qui vivent leur passage à l'âge adulte? Au programme, trois ateliers, 2 conférences, et beaucoup d'espace pour échanger entre collègues. Mais la NAPAC n'est pas fermée sur elle-même, tous les passionnés de philosophie peuvent en devenir membres et participer à ces échanges. Bienvenu à tous! (Cliquer ici pour le programme (fichier .pdf – 79k))
Whitehead est l'auteur de la célèbre citation qui dit que toute la philosophie occidentale n'est rien de plus qu'une note de bas de page ajoutée aux écrits de Platon. Il nous a donné la Philosophie du processus &. Essayons de voir l'originalité de sa «note en bas de page». Il voit le monde comme un processus de création permanente. Qu'est-ce que ça veut dire? Essayons de le comprendre en se le représentant par deux photographies prises à cinq secondes d'intervalle du même paysage dans lequel un élément a bougé. (Cliquez sur la photographie des quatre personnes à table.)[1] Le fond fixe, clair et distinct, c'est la permanence, la concrescence, le canevas constituant le décor fixe, la référence stable. L'élément (ou les éléments) qui a (ont) bougé, c'est le flux des choses, le procès en marche, la transition qui active l'existant particulier, la concrescence particulière. Le passé immortel (immuable) devient cause efficiente (effective) et va vers une transition de l'entité actuelle qui est poussée vers sa cause finale qui en est le but subjectif. Ceci est le procès (processus), l'action permanente par laquelle le monde procède et s'interprète comme une activité de création permanente.
Whitehead ne dit ici rien d'autre que Héraclite, mais pousse sa vision du monde dans un foisonnement d'observations vers un raffinement nouveau. Il élabore ainsi des concepts nouveaux (procès, concrescence) pour aider à penser la transition et la permanence du monde. Il nous offre une synthèse achevée de Héraclite et Parménide.
« Philo sans fumée » inaugure pour vous une activité nouvelle. À partir de ce mois-ci, et pour les bulletins à venir, je vous offrirai des extraits des grands textes fondateurs des philosophes. Graduellement, les 125 philosophes de Philo5 seront lus. Il s'agit de courts extraits (environ 5 minutes), mais incontournables. Si la lecture avec les yeux est parfois difficile, celle avec l'oreille nous donne une toute autre appréciation du philosophe. Elle ajoute vie et personnalise davantage leur présence humaine inaccessible dans leurs écrits.
Trois extraits avaient été publiés déjà depuis longtemps : Platon, Sartre et Sénèque. Ce mois-ci viennent s'y ajouter Socrate, Épictète, Simone de Beauvoir, Bergson et Camus.[2]
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Par les temps qui courent, l'athéisme semble avoir le vent dans les voiles. Je vois ici et là différents mouvements qui cherchent à se propager un peu comme une nouvelle religion cherche à se faire des adeptes. Ayant été élevé dans l'eau bénite, je n'ai, pour ma part, pas besoin de Michel Onfray (voir livres plus bas) pour m'indiquer les dérives dont je dois me protéger. Mais dans ce phénomène – qui présente le plus souvent tous les aspects d'un nouvel envahissement religieux – il m'est apparu que dans ses protagonistes, il existe des positions aussi variées que le nombre de ses prosélytes. Il existe non pas un, mais des athéismes. Dans le texte Athéisme ou théophobie?, j'ai essayé d'en tracer les enjeux philosophiques. La question qui pilote cette réflexion est la suivante : Comment peut-on être véritablement athée sans tomber dans une autre croyance? Il m'a semblé que le seul moyen, c'est d'avoir la souplesse philosophique d'adopter une position complémentaire à notre interlocuteur : questionner sa foi ou sa non-foi, ce qui, à mon sens, revient au même. En fait, le vrai athée serait selon moi celui qui n'adhère jamais à aucune religion, qu'elle soit positive ou négative ; mais est-ce possible? Ce serait le grand œuvre de la philosophie de nous y garder, mais le peut-elle? Je vous invite à lire mes réflexions sur le sujet et à me faire parvenir les vôtres que je suis curieux de connaître.
Voici un texte référence de Yvon Paillé, enseignant retraité du cégep de Trois-Rivières. À partir de la controverse états-unienne du « dessein intelligent », il a su éviter les pièges de la théophobie et proposer le « penser par soi-même » philosophique, espace où il y a de la place pour toutes les croyances, y compris l'athéisme.
L'énergie est partout emprisonnée sous des formes commercialisées. Pour la libérer, il faut payer. Payer ÉDF, Hydro Québec, Électrabel etc. Certains prétendent pourtant que nous pourrions la produire très facilement et gratuitement. Mais il y aurait un complot pour nous faire payer. J'ai assisté à une troublante démonstration. Doublement troublante. On faisait tourner des moteurs et chauffer un grille-pain avec un dispositif captant l'énergie libre mais ces « magiciens » sont restés hermétiques sur leurs procédés. Il en allait de leur survie... (?!?)
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Jean-Jacques Rousseau est reconnu pour être en quelque sorte l'un des pères de la Révolution française. Il y a une chose très importante à comprendre quand on parle de la Révolution française et de ses acteurs. Quand il s'est agi de penser la Révolution, personne ne pouvait se douter de ce qui adviendrait véritablement après que le processus fût enclenché. De nombreux philosophes y sont allés de leurs propres théories et ont donné le coup d'envoi. Rousseau est mort 11 ans avant qu'elle ne se déclenche il n'a donc jamais pu vérifier ses thèses. Si on considère ses théories aujourd'hui avec attention c'est à cause de leur réussite ; l'avenir lui a donné raison – encore que les nombreux soubresauts qui ont suivi pourraient aussi nous faire analyser cette « réussite » comme un échec. Nul ne pouvait savoir avant, ce qui adviendrait. On comprend l'Histoire a posteriori ; ceux qui la font ne la comprennent pas, ils essaient de pousser les événements au meilleur de leur connaissances. Ainsi, Rousseau a dressé les plans d'un « Contrat social » auquel il faut « croire » pour qu'il réussisse. Très différent de Hobbes qui, cent ans avant, avait aussi pensé un « Contrat social » à sa manière, Rousseau a pensé la Souveraineté populaire par le biais de l'éducation qui fait passer le jeune humain de l'état de nature à l'état civil.
D'ailleurs, cette Révolution n'est pas finie. Le royalisme avait créé une forme d'État assez prévisible dans ses possibles transformations qui étaient expérimentées depuis des millénaires dans de très nombreux pays. La Démocratie Républicaine Française est très jeune (un peu plus de 200 ans), très différente de celle des Anciens Grecs, et elle est loin d'avoir livré toutes ses surprises. On peut s'en rendre compte actuellement avec la formation de la Communauté Européenne qui nous presse à la réflexion. (Voir le magazine Cause commune plus bas.)
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Dans les notions et leurs relations,
Nous poursuivons ce mois-ci avec la notion d'identité :
Peut-on identifier plaisir, joie et bonheur? peur et angoisse? besoin et désir?
Chaque mot de la langue française comporte sa définition et son sens propre. Quand on écrit, une règle générale nous enjoint de ne pas répéter le même mot plusieurs fois dans deux phrases successives. Nous utilisons généralement un synonyme pour se conformer à cette règle de style. Mais le synonyme a-t-il une signification identique? Si chaque mot a son sens propre, l'application de la « bonne » règle de style ne trahit-elle pas notre pensée? Quelles concessions l'écrivain doit-il faire pour se conformer aux usages de sa langue? Peut-il ainsi mettre sur papier une écriture identique à sa pensée?
Je vous invite à me faire parvenir votre réflexion. Je me ferai un plaisir d'y faire écho.
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Traité d'athéologie, Michel Onfray
Éd. Grasset © 2005
Michel Onfray a beaucoup fait pour la philosophie : Université populaire libre et gratuite, diffusion de tous ses cours sur CDs disponibles partout ; nombreux essais philosophiques où il défend un matérialisme hédoniste athée. Ce livre a toutes les qualités que je demande à un écrivain philosophe : facile à comprendre, sans ambiguïté, bien argumenté, de belle écriture et pas trop long. Il essaie de défendre sa propre forme d'athéisme. Il postule l'inexistence de Dieu, la mortalité de l'âme et l'inexistence du libre arbitre. Pour Onfray, ces postulats valent mieux que ceux inverses des croyants puisqu'ils sont en quelque sorte « vérifiables ». Affichant clairement ses positions anti-foi, et usant d'un prosélytisme insistant, il sort cependant du strict cadre de la philosophie qui devrait plutôt nous inviter à penser par nous-mêmes par des questions auxquelles on devrait être invité à réfléchir. Ici, les croyants comme les athées risquent d'être renvoyés dos à dos et d'être renforcés chacun dans sa croyance. En effet, on se demande comment Onfray peut être assez naïf pour écrire ainsi : « ... le vicaire des Dieux monothéistes impose son monde pour se convertir plus sûrement jour après jour. Méthode Coué... Cacher sa propre misère spirituelle en exacerbant celle d'autrui, éviter le spectacle de la sienne en théâtralisant celle du monde [...], voilà autant de subterfuges à dénoncer. Le croyant, passe encore ; celui qui s'en prétend berger, voilà trop. » Comment peut-il ne pas se rendre compte immédiatement en écrivant ça que le croyant qui va le lire va tout de suite voir en lui le « berger des athées qui cherche à se convaincre lui-même » ? Dans son introduction, il écrit : « L'athéisme n'est pas une thérapie mais une santé mentale recouvrée. » Il me semble que si je voulais convaincre le camp adverse de mes positions, je m'y prendrais autrement qu'en traitant de malades ceux qui ne pensent pas comme moi.
C'est dommage, je me serais attendu de quelque chose de mieux d'un cerveau comme Onfray, pourfendeur des institutions aliénantes qui s'arrogent le privilège de penser à notre place. Il avait pourtant ici un bon sujet. Même s'il évite de diaboliser Dieu comme le font maladroitement plusieurs athées théophobes (voir plus haut le sujet du mois), il n'en prend pas moins une position d'autorité qu'il a pourtant coutume de dénoncer au nom de la liberté que chacun a de penser comme il l'entend. À lire si vous cherchez à vous convaincre de votre propre foi, qu'elle soit athée ou théiste.
Histoire universelle de la pensée de Cro-Magnon à Steevy, Basile de Koch
Éd. La table ronde. © 2005
De Koch est un redoutable satyrique. Redoutable parce que, je dois le confesser, j'ai parfois ri en le lisant. Redoutable parce qu'il connaît ce dont il se moque (il vous laissera froid si vous ne connaissez pas les philosophes). Redoutable encore parce que, en même temps que je riais, je réalisais que ce satyrique écrasait par ses coups de pieds mon château de sable philosophique : tout ce que je me suis appliqué à aimer depuis 20 ans ; chaque philosophe y passe à son tour, il n'en épargne aucun. Mais je voulais exposer mes idées au feu de la critique la plus extrême pour éprouver leur validité. J'ai donc laissé à Basile de Koch tout le loisir de jouer du lance-flamme de la dérision. Son action aurait peut-être été plus efficace s'il s'était armé de l'adresse du fin bistouri que de la grossièreté du marteau piqueur tous azimuts.
Il a cependant le mérite de rappeler aux philosophes de profession qu'ils doivent reconnaître leurs limites et éviter le dogmatisme qui les guette. Mais, par son ironie corrosive, il aura scié toutes les branches sur lesquelles il pouvait s'asseoir et par là même sera tombé dans la fange inévitable du Cro-magnon qui refuse toute culture en l'utilisant efficacement pour s'autodétruire. Ainsi, par effet adverse, chaque philosophe s'en trouve davantage humanisé et de Koch se retrouve seul dissous dans la corrosion de sa propre ironie. À lire avant tout si vous avez des comptes à régler avec la philosophie. « Il est très drôle, a simplement dit Luc Ferry, très drôle mais il n'est pas sérieux. »
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L'Europe réfléchie – La crise française
Cause commune – revue d'actualité réfléchie – # 1 – Printemps 2007
Voici une toute nouvelle revue de philosophie française. Ce serait plutôt un livre : 250 pages de textes, sans publicité ; 18 textes de fond dont deux d'étudiant(e)s nous invitant à penser la Communauté Européenne qui se dessine et la place que la France doit y occuper. Quelques analyses de livres et films clôturent cette première parution qui se veut un lieu d'échange pluraliste. Le dossier L'Europe réfléchie (9 textes - ~100pages) nous fait comprendre que la France dans l'Europe est à un point tournant de son histoire. Jamais encore une telle mutation n'avait été pensée. On y retrace entre autre l'évolution historique et les étapes que l'Europe a traversées depuis qu'elle porte son nom, l'âme de l'Europe, Kant et l'Europe, la démocratie etc. Le dossier La crise française nous invite à réfléchir sur les événements de soulèvement vécus il y a déjà quelque temps, notamment dans les banlieues. À l'opposé des analyses rapides parues alors dans les médias Cause commune prend un peu de recul pour mieux comprendre. Bref, une revue qui nous invite à penser et comprendre la politique française et européenne plutôt que la vivre passivement. Tous ceux qui sont intéressés à participer sont invités à soumettre leurs textes au directeur de la rédaction M. Pierre Dupuis causeco@orange.fr voici le lien du site Internet : http://www.causeco.fr/.
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Nous construisons le monde, alors que nous pensons le percevoir.
Paul Watzlawick (Citation No. 342)
Toute la philosophie occidentale n'est rien de plus qu'une note de bas de page ajoutée aux écrits de Platon. (All western philosophy is a footnote to Plato.).
Alfred North Whitehead (Citation No. 222)
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« Philo sans fumée » est le bulletin mensuel de Philo5.com. Vous êtes cordialement invité à y répondre en m'écrivant. vos réflexions. C'est un plaisir pour moi de vous lire.
Quelle source alimente votre esprit ?
[1] Merci à mes amis japonais M. et Mme Kosaku et Noriko Ueda et à ma charmante compagne d'avoir gracieusement prêté leur image pour cette présentation.
[2] Si vous désirez approfondir et retrouver les CDs, vidéos ou lectures complètes d'où proviennent ces extraits, référez-vous au bas de la page de chacune des fiches sur les philosophes. Je vous recommande d'utiliser le lecteur Windows Media de Microsoft et d'activer l'option pour afficher la « Pochette d'album ». Vous verrez ainsi l'image de provenance de l'extrait. (Sélectionner le bouton [Lecture en cours] -> [Clic de droite sur la souris] dans l'espace Visualisation -> Sélectionner [Pochette d'album])