« Philo sans fumée »
de novembre 2006
Bonjour à tous!
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Un nouveau
philosophe s'ajoute : Guy Debord
Textes originaux de Alain (Émile Chartier) et Scheler
Philo5 a maintenant son babillard
2. SUJETS DU MOIS :
1.
MARCHANDISATION DE L'ÊTRE, 2. QU'EST-CE QUE
3. PHILOSOPHE DU MOIS : PASCAL
4. LES QUESTIONS PHILOSOPHIQUES : QUESTIONS TYPIQUES : « À quelle condition...? »
5. QUELQUES LIVRES
REMARQUABLES :
LES SITUATIONNISTES,
6. MAGAZINE : MÉDIANE et COURRIER INTERNATIONAL
7. RIRE ET S'ATTENDRIR :
8. PENSÉES DU MOIS : BILLON, MARTINET et HABERMAS
9. POUR LES NOUVEAUX PARTICIPANTS... : Écrivez nous pour participer...
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Guy Debord est-il
un philosophe? Mais en qui d'autre pourrait-on reconnaître une pensée
contestataire aussi bien ficelée? Quand je vois le punk sur le coin de ma rue,
dois-je lui dénier toute pensée structurée comme le missionnaire niait l'âme du
« sauvage », ou ne puis-je essayer de reconnaître les structures de
pensée qui le constituent? Quel penseur pourrait-il me faire comprendre cet
être humain régi principalement par ses plus fondamentales pulsions? Debord et
le situationnisme m'ouvrent alors une fenêtre. Les slogans chocs de Mai 68 me
reviennent : « Il est interdit d'interdire!», « Ne travaillez
jamais! », « Jouir sans temps mort et jouir sans entraves! ».
Dadaïsme, anarchisme, marginalisme, nihilisme, surréalisme et subvertionnisme
se justifient alors chez les vandalistes, hippies, punks et contestataires de
tout poil et se confondent alors aisément avec les situationnistes de
Debord : une philosophie qui avait alors dénoncé la spectacularisation,
réification de l'être devenu marchandise et à quoi s'opposait la dérive et la
psychogéographie théorisées alors comme la façon idéale d'affirmer sa vie. On a
répudié Debord mais son ouvrage La
société du spectacle m'a laissé troublé par une vision aussi lucide
de son époque et de celle que nous vivons.
Je
vous offre ce mois-ci les textes fondateurs de la pensée philosopĥique de
deux philosophes
1. Alain (Émile Chartier) : Raisonner
.
C'est un philosophe dont la manière d'écrire est aujourd'hui si répandue chez les chroniqueur
journalistiques qu'elle n'est pas évidente au premier abord. C'est un style que
j'utilise abondamment dans mes propres textes. On se demande ce qu'il peut bien
avoir de philosophique dans une pensée qui critique tout ce qu'elle regarde.
Mais il faut distinguer deux types de critiques : celle qui prêche et
celle qui questionne [1]. La première nous dit ce que
l'on devrait penser et la seconde nous invite à examiner par le questionnement ce
que nous pensons déjà. C'est à cette dernière que s'inscrit notre philosophe
Alain. Quand il dit « Penser c'est
dire non!», au contraire des contestataires qui veulent révolutionner le
monde, il veut tout simplement raisonner. Il nous invite à nous interroger sur
les convictions qui motivent nos diverses opinions pour les éprouver au feu de
la négation. Exercice éprouvant mais qui nous permet de distinguer
immédiatement le philosophe du prosélyte : le premier sait que la vérité
est un état de grâce fuyant qu'il importe de remettre toujours en question si
nous voulons rester vivant alors que le second pense qu'il connaît la vérité et
nous propose d'adopter la sienne pour instaurer une paix dogmatique mortelle.
Mais en bout de compte, c'est souvent notre propre attitude qui décide de
l'intention du billet que l'on lit.
2. Max Scheler :
Sympathie
.
Voilà un philosophe qui nous oriente en établissant l'échelle des différentes valeurs de la sympathie. À partir
du plus bas niveau, Scheler ordonne la sympathie comme une progression
graduelle allant de la fusion (premier niveau) jusqu'à l'amour acosmique de
Dieu en passant par la reproduction affective, la participation affective et
l'humour de l'humanité. J'ai été surpris d'y découvrir l'exacte discours de
l'éducation que j'ai reçue en ce qui concerne l'amour en général et la
sexualité en particulier. C'est un philosophe qui n'a plus la cote mais ô
combien important pour nous aider à comprendre d'autres époques. Et qui sait si
son échelle de valeurs redeviendra pas populaire un jour?
Vous pouvez maintenant afficher vos événements philosophiques sur le nouveau Babillard Philo5. Si vous ne vous sentez pas très familier avec la procédure, vous n'avez qu'à me communiquer les détails, je les épinglerai au babillard pour vous. Mettez votre événement en valeur en m'envoyant une image et le site où vous le publiez. Puisque, en moyenne, Philo5.com est visité près de 30 000 fois par mois voilà une façon de faire connaître vos activités philosophiques, qu'elles soient ponctuelles ou périodiques. J'attire à nouveau votre attention sur le colloque de l'UNESCO concernant les nouvelles pratiques philosophiques qui y est affiché. Si vous habitez une partie du monde qui vous empêche d'y être présent, imprimez-vous quand même le programme. À lui seul, il vaut la peine. On y trouve un foisonnement d'activités qui nous présentent des idées tout à fait nouvelles et nous présentent les prémisses de concepts d'avenir.
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Je vous invite ce mois-ci à me
partager votre réflexion sur 3 sujets :
Pourquoi acceptez-vous de payer pour
vous mettre en relation avec les autres?
2. QU'EST-CE
QUE LA PHILOSOPHIE
Et pour vous, c'est quoi?
Ces temps-ci, je
travaille à Pointe-aux-Trembles (quartier de Montréal où foisonnent les
pétrolières). J'ai été saisi par l'affichage gigantesque affirmant l'engagement
écologique des employés de Petro-Canada.
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Pascal était mathématicien. Il est bien connu pour ses Pensées dont Achille Talon se repaissait J et que Voltaire critiquait copieusement. Pour aider son père qui était commissaire aux impôts, il mit au point, à l'âge de 19 ans, la première calculatrice mécanique. Un boulier aurait sans doute fait l'affaire, mais la sienne avait l'avantage de la convivialité : elle permettait d'additionner et de soustraire en effectuant automatiquement les retenues grâce à un système ingénieux. Sa plus étonnante contribution à la philosophie, à mon sens, c'est d'avoir démontré l'avantage statistique de la foi en Dieu. Nous admettons aujourd'hui que chacun est libre de croire ou non à sa guise. La foi, aujourd'hui assimilée à la fumisterie, est souvent fui parce que le croyant est considéré comme un naïf auquel on refuse de s'identifier. Mais Pascal pourrait bien vous démontrer votre tort. Et si c'était vous le naïf? En prenez-vous le pari?
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Question qui sème le soupçon...
Dans les types de questions possibles, nous avions choisi de les examiner sous l'angle théologique :
Les types de questions sur Dieu
(Je répète que ceci est un exercice philosophique et non pas une étude sur la foi en Dieu. Si j'ai choisi ce thème, c'est qu'il est universel et peut par la suite se prêter à n'importe quel autre sujet. Dieu n'est ici qu'une variable générale commode. J'espère que ceux qui ont la foi sensible sauront faire abstraction de leurs connotations personnelles pour profiter de la richesse de l'exemple.)
Dieu n'est-il rien d'autre qu'une illusion?
Dieu est-il vraiment tout puissant?
Toujours juste?
À jamais éternel?
L'unique fondement de la transcendance
des valeurs?
Le doute sur
l'existence de Dieu est peut-être l'aspect le plus tenace qui soit. D'ailleurs,
dans quelque domaine que ce soit, l'être humain est un être de doute. Combien
de fois nos sens nous ont-ils abusés? Effets d'optiques, et illusions variées,
notre esprit n'est tranquille qu'après avoir vérifié. Descartes nous
en a appris quelque chose dans sa Méthode .
Plus que par nos sens, c'est souvent les autres qui nous trompent. Il faut
alors être doublement suspicieux quand on recherche la vérité. On vous pose ici
des questions qui laissent entendre qu'il pourrait en être autrement.
Essayez-vous de répondre à chacune de ces questions mais toujours en appuyant
votre réponse d'un argument positif et négatif, de telle sorte que vous
appuyiez la thèse dans un temps et que vous la réfutiez dans l'autre.
Exercez-vous à vivre le doute.
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Les situationnistes, Laurent Chollet
Éd. Découvertes Gallimard © 2004
Qu'est-ce qu'un situationniste? Au Québec, ce vocable est peu connu et ne
réfère à rien de familier. Nous avons bien vécu, comme à Paris, les années de
contestations à la fin des années soixante, mais ici c'est plutôt le phénomène
hippy qui s'est imposé pour désigner ce mouvement. En France, pays où la pensée
et l'intellectualisation ne font pas peur, la contestation promouvait bien la
farniente et les paradis artificiels, mais ils n'était pas gratuits. Ils
s'enracinaient dans une théorie très articulée expliquant le refus de la
société spectaculaire qui transformait la moindre de nos activités en
marchandise. Les situationnistes proposaient
La Société du Spectacle (1967), Guy Debord
Éd. Gallimard / Folio # 2788 © 1992
« Il faut lire ce livre en considérant qu'il a été sciemment écrit
dans l'intention de nuire à la société spectaculaire. Il n'a jamais rien dit
d'outrancier », déclare Debord dans son Avertissement pour la troisième édition française. Il m'a rappelé
que la plupart des philosophes étaient des contestataires lucides à qui le
temps a donné raison. Et ils sont d'autant plus méritants qu'ils aient dû
affronter la réprobation de leur époque. e pour. Jugez par vous-même :
(4) Le spectacle n'est pas un ensemble d'images,
mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images. (9) Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. (12) Le spectacle se présente comme une énorme
positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que « ce
qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît ». L'attitude qu'il exige
par principe est cette acceptation passive qu'il a déjà en fait obtenue par sa
manière d'apparaître sans réplique, par son monopole de l'apparence. J'en
passe et des meilleures...
Propos impertinents (1906-1914), Alain
Après lui, on a lu
beaucoup plus virulent, mais il faut se mettre dans le contexte qu'à cette
époque l'ordre établi ne se critiquait pas aussi vertement qu'aujourd'hui.
« D'abord massacrer les lieux communs », telle est l'ambition du
jeune philosophe Alain qui attaque, chaque matin, dans
De 1906 à 1914, le philosophe Alain signera 3083 chroniques écrites avec virulence! Ce livre contient 43 textes choisis pour leur lucidité et leur impertinence qui se sont attaqués à l'injustice et à la bêtise du monde.
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Médiane – Magazine philosophique québécois 1er numéro – Octobre 2006
Le Québec se prépare à vivre la dernière
phase de la mutation dans l'enseignement moral et religieux depuis le rapport
Parent des années 60 qui avait proposé de remplacer l'enseignement religieux
par une vision humaniste et pluraliste. Avec le nouveau programme Éthique et culture religieuse, à partir
de septembre 2008, 216 heures au primaire et 250 heures au secondaire seront
consacrées à l'étude de l'agir humain et du vivre-ensemble. Il aura fallu près
de 50 ans pour compléter la réforme. Ce
programme vise trois grandes compétences : 1. Manifester une compréhension
éclairée du phénomène religieux ; 2. Se positionner, de façon réfléchie,
au regard d'enjeux d'ordre éthique ; 3. Pratiquer le dialogue dans la
perspective du vivre ensemble. On avait d'abord espéré transformer l'enseignement
moral et religieux en enseignement de la philosophie mais cette option, telle
quelle, n'a malheureusement pas été retenue. Il s'agit d'inculquer des
principes moraux laïques aux enfants plutôt que de leur apprendre à penser par
eux-mêmes. Bien sûr, la philosophie sera mise à contribution puisque l'éthique
et la discussion en sont des domaines inhérents. De plus, on n'a pas voulu
fermer la porte complètement à la religion mais celle-ci sera désormais
présentée comme une option personnelle qu'il faut comprendre (et tolérer).
Voici un dossier important que
couvre très bien cette nouvelle revue qui vient combler un grand vide au
Québec. Ce nouveau bébé de 130 pages dont la modeste présentation a choisi de
faire l'économie de la couleur et des mises en pages aux graphismes séduisants,
fait une large place à la philosophie scolaire, aux dissertations, aux comptes
rendus de films et de livres. Espérons que les prochaines livraisons sauront
accorder une place aussi à Diogène sans toutefois concéder au populisme. Une revue
philosophique dans laquelle on ne donne pas la parole aux philosophes me laisse un
peu sur ma faim. Parler des philosophes c'est bien, mais les écouter parler, ce
serait encore mieux.
Courrier International – HORS SÉRIE – Été 2006
Je n'achète jamais le journal.
J'ai l'impression de lire toujours les mêmes nouvelles. Lire les (mêmes) titres
en tête des journaux quand je passe au dépanneur acheter mon litre de lait
suffit à me confirmer que je vis dans un monde sécurisant qui ne change pas.
Mais je le regrette parfois parce que je sais que dans l'épaisseur de
En voici un parmi d'autres. Sous
le mot Têtu, on retrouve un article
sur Justo Gallego, 80 ans qui travaille à
construire de ses propres mains une cathédrale depuis 1961. Pas un monument
miniature. Non. Un édifice grandeur nature à Mejorada, près de Madrid qui
s'étend sur
Et vous, à votre mort, quelle
cathédrale votre foi vous aura-t-elle permis de bâtir?
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La vraie force de l'intelligence n'est pas de comprendre les choses
compliquées, mais de les dépouiller de ce qui les empêche d'être simples.
Pierre Billon (Citation No. 325)
Quand on
songe combien il est naturel et avantageux pour l'Homme d'identifier sa langue
et la réalité, on devine quel degré de sophistication il lui a fallu atteindre
pour les dissocier et faire de chacune un objet d'étude.
André Martinet, Élément de linguistique générale (Citation No. 326)
À l'ère
de
Jürgen Habermas, L'espace public (Citation No. 327)
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« Philo sans fumée » est le bulletin mensuel de Philo5.com mais c'est aussi une rencontre mensuelle organisée le premier vendredi de chaque mois. Vous êtes cordialement invité à y participer. Pour être invité, écrivez-nous.
Si vous n'habitez pas Montréal et que nos rencontres vous intéressent, vous pouvez encore nous écrire vos réflexions. Elles seront communiquées au groupe et viendront enrichir notre échange. Qu'elle soit épistolaire ou en personne, nous vous remercions de votre présence.
Quelle source alimente votre esprit ?
[1] La critique peut aussi être un jeu de société (le
« bitchage ») décrit par Eric Berne dans Des jeux et des hommes, (Stock © 1975) mais là n'est pas mon propos.