020916

Doute et certitudes

par François Brooks

Comme il m'est difficile de penser sous forme de questions! Comme il m'est difficile de garder une attitude scientifique, reconnaissant l'intérêt de la falsifiabilité! Chaque jour je baigne dans la pensée « convictionnelle », religieuse. Quand je pose des questions, mes interlocuteurs ne cessent de me présenter leurs certitudes, leurs vérités, comme si mes questions les appelaient à m'instruire, à m'évangéliser. Est-ce si difficile d'accepter le doute et faire place à la curiosité? Est-ce si difficile de laisser flotter dans nos échanges un libre espace pour la réflexion et l'étonnement, sans s'identifier à ces pensées qui nous envahissent à notre insu?

 

Est-ce si difficile de vivre à la première personne du singulier? Depuis que Nietzsche a annoncé la mort de Dieu, partout des surhommes qui parlent à la première personne du pluriel sont apparus.

 

Manuel de Diéguez pense que le cerveau de l'homme est avant tout un cerveau religieux. Cette conviction n'est-elle pas elle-même religieuse, puisque générée par un cerveau?[1]

 

Comment faire naître le doute dans un esprit aveuglé par ses propres convictions? La pensée boucle sur elle-même et s'annule lorsqu'elle propose de tuer les meurtriers, d'interdire de penser, de critiquer les critiqueurs ou d'affirmer avec toute la conviction du monde que toute religion devrait être bannie.

 

Pire, où est ma liberté d'être ce que je veux être si je critique les critiqueurs? Ne suis-je pas dicté par leur pensée s'ils induisent en moi ce que je ne veux pas être et que je dénonce chez eux? Est-il possible de ne pas être noyé dans le comportement ambiant, et si oui, comment y parvenir? Merci Wittgenstein de m'avoir dit que la philosophie doit montrer l'issue de la « bouteille à mouche » qu'est le langage.

 



[1] Lire la lettre de Manuel de Diéguez en réaction avec ce texte et la mémétique de Richard Dawkins : « Manuel de Diéguez et Richard Dawkins »