010529

Paix, consommation et hiérarchie

par François Brooks

L'Amérindien qui déclare qu'on lui a volé ses terres tombe en contradiction avec les principes même de ses ancêtres qui pensaient que l'homme appartient à la terre et non le contraire. Comment peut-il tenir ce discours sans reconnaître qu'il est acquis aux valeurs marchandes du « colonisateur »? Dès lors, où est donc son identité culturelle?

 

On a beau crier sur tous les toits qu'on a une identité culturelle distincte, mais quand on a tous adhéré aux mêmes valeurs marchandes et technologiques, on fait partie de la même culture. Que celle-ci se traduise dans mille langues ou dans une, quand le mot d'ordre est : Sois paisible avec tes voisins, consomme autant que tu peux, respecte la propriété privée, les lois et la hiérarchie, nous faisons tous partie de la même culture. Que tu sois habillé BCBG, punk ou en moine tibétain, ces apparences extérieures ne sont que des costumes qui expriment nos états d'âme ou notre place dans la hiérarchie. Rien d'autre.

 

On sait bien maintenant que la couleur de la peau, la race n'y est pour rien dans l'identité culturelle. On le constate davantage maintenant depuis qu'on voit ces jeunes têtes de noirs et d'asiatiques parler le québécois sans accent comme "toé pis moé".

 

Bien sûr, nos façons de parler sont différentes d'une personne à l'autre et d'un groupe à l'autre mais elles illustrent bien plus notre provenance et notre statut social que notre identité culturelle. Dans toutes les cultures, il y a différents niveaux de langage.

 

Si je suis Québécois et que je clame haut et fort que j'ai droit à un statut particulier, c'est pas tant que ma culture diffère de celle des Ontariens que j'ai peur d'être envahi par la langue anglaise et ne plus pouvoir utiliser mon vocabulaire maternel pour me faire comprendre. C'est vrai qu'à Toronto on pense les choses un peu différemment mais on y chérit les mêmes valeurs qu'ici : paix, consommation et hiérarchie.

 

Certains prétendent que nos valeurs les plus fondamentales sont la liberté et la démocratie. Je me demande bien qui se sent véritablement libre à vivre dans un monde où mille panneaux et publicités nous hypnotisent chaque jour à faire croire que notre bonheur dépend de nos consommations? (Ceci ne répond à aucune de mes trois définitions de la liberté[1].) Qui pense que nos politiques sont vraiment élus démocratiquement alors que nous sommes soumis à une propagande de presse et des lobbies économiques qui nous indiquent comment il faut voter sur un bulletin de vote où il n'y a que des partis de droite représentés?

 

Peut-être d'autres cultures sont-elles possibles mais pourraient-elles cohabiter paisiblement? J'en doute. Je tiens pour preuve que chaque fois que deux façons de concevoir la survie d'un peuple se sont confrontés, une guerre a dû trancher pour décider laquelle serait adoptée. Et à mesure que nos moyens de communication ont fait rapetisser la planète, la culture marchande a imposé le respect de la hiérarchie et apporté la paix mondiale.

 

Certains se flattent de nous faire croire que notre plus grande valeur est la vie humaine, mais sous ces vœux pieux, ils oublient que l'économie est garante de cette vie que l'on sublime. Sans valeur économique une vie ne vaut pas grand chose. Il n'y a qu'à penser à la guerre du Koweït et à celle du Rwanda. La première n'a pas tardé à mobiliser tout le monde à cause des enjeux économiques du pétrole. Dans la seconde, on a laissé tuer un million de personnes parce que l'Afrique endettée n'intéresse personne. Démontrez qu'une région du monde a une valeur marchande, une population économiquement exploitable et vous trouverez facilement un investisseur prêt à "voler à son secours".

 

Mais cette culture marchande a peut-être une limite : l'écologie. Verrons-nous surgir une autre culture quand tout sera consommé?

 



[1] 

1.     Pulsion : Je fais ce que je veux quand je veux

2.     Intention : Je fais ce que je décide de faire en vue d'une fin à atteindre

3.     Possibilité : Je fais ce que je pense être bien même si d'autres pensent que c'est mal