Chaque mot du dictionnaire
(nom,
adjectif,
verbe,
etc.)
porte non seulement sa propre Définition,
mais aussi la trace plus ou moins marquée de tous les autres termes qui lui attribuent sa place,
et se posent comme différants.
La signification d'un terme ne se comprend qu'à partir d'autres termes dont il diffère ;
elle n'est jamais fixée définitivement, mais toujours différée.
On pense comprendre la valeur d'un terme parce qu'on lui attribue une relation spécifique à tous les autres termes que l'on connaît.
Mais notre compréhension se borne à notre propre expérience toujours limitée et fluctuante.
La différance est le travail de la pensée qui se fraie un chemin dans l'illusion de la présence
statique de l'étant,
pour découvrir le jeu systématique des différences qui engendrent le mouvement fluide de la réflexion.
L'étant est statique, rationnel et raisonnable ; l'existence est fluide, confuse et folle.
Déconstruire n'est pas démolir
Le symbole écrit renvoie à autre chose que la trace sur le papier.
Cette trace contient une différance qui la vide d'elle-même lorsqu'on la compare à ce qu'elle représente.
Ce qu'elle représente est absent. Cette absence est un vide, une symbolisation de la présence de l'objet réel.
Ce vide est la possibilité même de l'organisation du langage et de ses signes arbitraires qui représentent toujours une absence.
Le langage est une construction de sens à partir de signes dont nous avons perdu la trace du processus d'assemblage.
Il faut déconstruire le langage pour comprendre de quoi il est fait.
Déconstruire n'est pas démolir.
C'est éplucher jusqu'à l'os chacune des couches qui constituent l'architecture d'une structure pour la comprendre.
Déconstruire le langage, c'est examiner ses matériaux un par un (nom, sujet, verbe, préposition, etc.)
et analyser les différents rapports (grammaire, sens, cohérence, paradoxe, etc.) qui les juxtaposent.
Le don est impossible
Tout retour annule le don ; le don implique l'oubli.
Pour qu'il y ait don, on ne doit pas en connaître l'origine, autrement, il y aurait une réappropriation narcissique. Le don
est ce qui doit « interrompre le cercle économique du même ». (Donner le temps, p. 174.)
« Le don donne le temps [...] La chose [donnée] n'est pas dans le temps,
elle est ou elle a le temps. » (Ibid., p. 60.)
Le temps et le don comportent une similarité . Le temps est toujours présent alors qu'il comporte le passé et l'avenir.
Le don s'annule dès qu'il y a retour ; le don véritable est impossible à actualiser puisqu'il provoque toujours une réaction.
7 paradoxes de l'enseignement de la philosophie
1.
La philosophie est une discipline libre, insoumise, mais elle comporte une mission d'autocritique.
2.
La philosophie ne doit pas être enfermée dans sa discipline, mais elle est une spécialité unitaire et spécifique.
3.
La recherche ou le questionnement philosophique ne peuvent être dissociés de l'enseignement, mais il est impossible d'enseigner la philosophie.
4.
Il faut des institutions spécifiques à cette discipline impossible et nécessaire, inutile et indispensable, mais la philosophie dépasse les institutions.
5.
Le maître est indispensable, mais il doit respecter l'autonomie de l'élève.
6.
La philosophie nécessite plusieurs années d'apprentissage, mais elle s'acquiert souvent d'expériences intuitives furtives instantanées.
7.
Il faut concilier la nécessité d'un maître — l'hétérodidaxie — à la non moins nécessaire autodidaxie de l'élève.
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