par Rupert Riedl
Extrait de « Die Strategie der Genesis » et de « Evolution und Erkenntnis »
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Les sciences n'ont ni pris conscience des effets rétroactifs des effets sur les causes, ni des mouvements circulaires des conditionnements systématiques entre les différents couches à organisation complexe, et nous finissons par nous retrouver entre demi-théories de l'évolution, demi-vérités, dans les contradictions entre idéalisme et matérialisme, nature et culture ou bien corps et âme, contradictions qui, dans leur ensemble, sont responsables du dilemme de notre civilisation.
La genèse agit avec un antagonisme hautement ambivalent entre contingence nécessaire et nécessité contingente. À travers toutes ses couches elle se conserve, et cela commence comme hasard, comme indétermination, mais s'achève comme créativité, comme liberté. Et elle croît constamment, et elle naît comme nécessité, comme détermination, mais s'achève comme loi et ordre, comme direction, comme sens d'un développement possible. [3]
Les mers primordiales naissent par conséquent comme un système de distillation surdimensionné, chaud et obscur, parcouru d'énergie. La conséquence nécessaire en est la formation de liaisons organiques de plus en plus riches en énergie et leur accumulation dans le distillat. [4]
Ce monde est bien sûr une conséquence nécessaire de l'explosion originaire, mais seulement une parmi les milliards de conséquences possibles. Dieu joue aux dés, mais il observe aussi, comme nous le verrons maintes fois, les lois naissant de son jeu. [5]
L'harmonie du monde n'est pas une fiction, mais elle n'est pas non plus préétablie. Elle est post-établie, c'est une conséquence de ses systèmes en croissance. Son sens, là où il s'établit, est une conséquence des couches de ses conditionnements de formes.
C'est la loi de l'entropie, la deuxième loi fondamentale de la thermodynamique. Elle affirme que tout ce qui consiste en matière doit passer de l'ordre au désordre, ou bien – ce qui est la même chose – que toute production d'ordre à l'intérieur d'un système doit être payée par la production et la mobilisation d'une grande quantité de désordre.
Toute production d'ordre à l'intérieur de notre segment de vie, voire toute offrande de vie créative n'existerait en dernière analyse que pour quitter à nouveau, dégradée à l'état de molécules, d'atomes et, enfin, d'ondes longues cette planète durant le contre-rayonnement nocturne, pour réchauffer – en favorisant une sorte de mort de la chaleur – des particules inconnues de poussière intergalactique en leur conférant un mouvement chaotique minimalement accru : « ...jusqu'à ce que tu reviennes à la poussière dont tu es fait. »
Le fait de réduire le monde à un rapport de plus en plus simple de causes nous permet bien sûr de pouvoir le penser de plus en plus aisément, mais nous empêche en revanche de voir l'ensemble de ses systèmes. Cela a déjà été montré par Paul Weiss. Le monde se scinde en homme et nature, nature et culture, corps et âme, Dieu et monde.
Quelque soit le réel que contiennent les gigantesques bibliothèques des sciences, il n'est toujours que prévision vérifiable, que description de la loi et de l'ordre.
Si ce cosmos était un système fermé, on se demanderait tout de suite où, dans le tourbillon des brouillards primordiaux, l'ordre aurait bien pu se cacher, de manière qu'il ait pu créer dans ce monde, tout en continuant à se dégrader depuis des milliards d'années, un ordre qui nous reste toujours insaisissable. [10]
L'ordre ne peut être payé que par de l'ordre et, comme nous le verrons, l'élévation à un ordre supérieur ne peut être payé que par la dégradation à un ordre inférieur. Cela se confirmera jusqu'aux plus hautes formes connues de l'ordre, jusqu'à la création des mammifères, du coup de poing paléolithique et du gothique. [11]
L'ordre, c'est loi multipliée par application. C'est simple, mais ce n'est pas facile à comprendre. [12]
La genèse met un ordre par elle-même et fixe des buts par elle-même ; elle est post-final, si on veut. Elle ne contient pas de sens qui lui soit inhérent, pour autant elle n'est pas restée dépourvue de sens, mais partout où elle en possède un, elle s'est créée son sens par elle-même, comme nous les hommes nous l'avons fait. [13]
Non seulement l'ordre de notre pensée calque celui de la nature mais aussi l'acquisition de notre savoir par une démarche créative se révèle être une imitation des processus de transformation dans le devenir créatif de la nature. [14]
Doit-on présupposer un esprit immatériel, pourvu d'idées, existant avant et au-dessus des choses matérielles, une harmonie préétablie de ce monde, une impénétrable intention d'un créateur, à la volonté duquel nous avons une modeste participation dans une chaîne de buts subalternes? Ou bien toutes les choses de ce monde sont-elles de nature matérielle et le monde des idées n'est-il que le douteux produit secondaire d'une connaissance empirique et tout ce qui n'a pas encore été exploré est-il encore explorable?
[1] Extrait de Martin Frommelt, CREATION, Cinq constellations concernant la création, Site Internet page CREATION, 1998.
[2] Rupert Riedl, Die Strategie der Genesis (La stratégie de la genèse), Piper Verlag München/Zürich © 1976/1984, page 9.
[3] Ibid., page. 10.
[4] Ibid., page. 110.
[5] Ibid., page. 111.
[6] Ibid., page. 11.
[7] Ibid., page. 22.
[8] Ibid., page. 32.
[9] Ibid., page. 33.
[10] Ibid., page. 103.
[11] Ibid., page. 107.
[12] Ibid., page. 110.
[13] Ibid., page. 119.
[14] Rupert Riedl, Evolution und Erkenntnis. Antworten Auf Fragen Aus Unserer Zeit (Évolution et connaissance. Réponses à des questions de notre temps), Piper Verlag München/Zürich © 1982/1985/1987, page 12.
[15] Ibid., page. 39.