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1966, 1973, 1979, 1980 |
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Lacanisme |
« Je ne parle jamais de la liberté. » (F. Wolff, J. Lacan Parle - Louvain, 1972)
Amour « L'amour, c'est offrir à quelqu'un qui n'en veut pas quelque chose que l'on n'a pas. » « Il n'y a pas de rapports sexuels. » « Aimer, c'est essentiellement vouloir être aimé. » « L'amour est un genre de suicide. » « La femme n'ex-siste pas. » Culpabilité « Ce n'est pas le mal, mais le bien, qui engendre la culpabilité. » Désir « Le désir de l'homme trouve son sens dans le désir de l'autre. » « On ne se pose de questions que là où on a déjà la réponse » Dieu « Je mets au défi chacun d'entre vous que je ne lui prouve pas qu'il croit à l'existence de Dieu. »(Le Monde, 23 janv. 1987) « Dieu a-t-il un sexe ? » Langage « L'inconscient est structuré comme un langage » « Voilà la grande erreur de toujours : s'imaginer que les êtres pensent ce qu'ils disent. » « L'inconscient, c'est le discours de l'Autre. » « Dans le langage, notre message nous vient de l'Autre, sous une forme inversée. » « Les paroles entraînent une dette ineffaçable. » « La loi de l'homme est la loi du langage. » « Si vous avez compris, vous avez sûrement tort. » « Là où ça parle, ça souffre. » Psychanalyse « La psychanalyse est un remède contre l'ignorance. Elle est sans effet sur la connerie. » « Le débile soumis à la psychanalyse devient toujours une canaille. » Réel et vérité « Le réel, c'est quand on se cogne. » « L'analyse ne change rien au réel. » « Il n'y a pas de vérité qu'on puisse dire toute. »(Lettre mensuelle École de la Cause freudienne, Avr. 1982) Sujet « Le sujet de l'inconscient est à situer comme ex-sistant ; c'est-à-dire situé à une place excentrique. »(Écrits) « C'est d'abord dans l'autre que le sujet s'identifie. »(Écrits) « Je pense à ce que je suis, là où je ne pense pas penser. » |
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Stade du miroir [1] La conception du stade du miroir que j'ai introduite à notre dernier congrès, il y a treize ans, pour être depuis plus ou moins passée dans l'usage du groupe français, ne m'a pas paru indigne d'être rappelée à votre attention : aujourd'hui spécialement quant aux lumières qu'elle apporte sur la fonction du je dans l'expérience que nous en donne la psychanalyse. Expérience dont il faut dire qu'elle nous oppose à toute philosophie issue directement du Cogito. Peut-être y en a-t-il parmi vous qui se souviennent de l'aspect de comportement dont nous partons, éclairé d'un fait de psychologie comparée : le petit d'homme à un âge où il est pour un temps court, mais encore pour un temps, dépassé en intelligence instrumentale par le chimpanzé, reconnaît pourtant déjà son image dans le miroir comme telle. Reconnaissance signalée par la mimique illuminative du Aha-Erlebnis, où pour Köhler s'exprime l'aperception situationnelle, temps essentiel de l'acte d'intelligence. Cet événement peut se produire, on le sait depuis Baldwin, depuis l'âge de six mois, et sa répétition a souvent arrêté notre méditation devant le spectacle saisissant d'un nourrisson devant le miroir, qui n'a pas encore la maîtrise de la marche, voire de la station debout, mais qui, tout embrassé qu'il est par quelque soutien humain ou artificiel (ce que nous appelons en France un trottebébé), surmonte en un affairement jubilatoire les entraves de cet appui, pour suspendre son attitude en une position plus ou moins penchée, et ramener, pour le fixer, un aspect instantané de l'image. Cette activité conserve pour nous jusqu'à l'âge de dix-huit mois le sens que nous lui donnons, — et qui n'est pas moins révélateur d'un dynamisme libidinal, resté problématique jusqu'alors, que d'une structure ontologique du monde humain qui s'insère dans nos réflexions sur la connaissance paranoïaque. Il y suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l'analyse donne à ce terme : à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image, — dont la prédestination à cet effet de phase est suffisamment indiquée par l'usage, dans la théorie, du terme antique d'imago. L'assomption jubilatoire de son image spéculaire par l'être encore plongé dans l'impuissance motrice et la dépendance du nourrissage qu'est le petit homme à ce stade infans, nous paraîtra dès lors manifester en une situation exemplaire la matrice symbolique où le je se précipite en une forme primordiale, avant qu'il ne s'objective dans la dialectique de l'identification à l'autre et que le langage ne lui restitue dans l'universel sa fonction de sujet [...] [...] le stade du miroir est un drame dont la poussée interne se précipite de l'insuffisance à l'anticipation — et qui pour le sujet, pris au leurre de l'identification spatiale, machine les fantasmes qui se succèdent d'une image morcelée du corps à une forme que nous appellerons orthopédique de sa totalité, — et à l'armure enfin assumée d'une identité aliénante, qui va marquer de sa structure rigide tout son développement mental. Ainsi la rupture du cercle de l'Innenwelt [monde intérieur] à l'Umwelt [environnement] engendre-t-elle la quadrature inépuisable des récolements du moi. |
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Si la psychanalyse doit se constituer comme science de l'inconscient, il convient de partir de ce que l'inconscient est structuré comme un langage. [2] Parlêtre [3] Joyce le Symptôme à entendre comme Jésus la Caille : c'est son nom. Pouvait-on s'attendre à autre chose d'emmoi : je nomme. Que ça fasse jeune homme est une retombée d'où je ne veux retirer qu'une seule chose. C'est que nous sommes z'hommes. LOM : en français ça dit bien ce que ça veut dire. Il suffit de l'écrire phonétiquement : ça le faunétique (faun...), à sa mesure : l'eaubscène. Écrivez ça eaub... pour rappeler que le beau n'est pas autre chose. Hissecroibeau à écrire comme l'hessecabeau sans lequel hihanappat qui soit ding ! d'nom dhom. LOM se lomellise à qui mieux mieux. Mouille, lui dit-on, faut le faire : car sans mouiller pas d'hessecabeau. LOM, LOM de base, LOM cahun corps et nan-na Kun. Faut le dire comme ça : il ahun... et non : il estun... (cor/niché). C'est l'avoir et pas l'être qui le caractérise. Il y a de l'avoiement dans le qu'as-tu ? dont il s'interroge fictivement d'avoir la réponse toujours. J'ai ça, c'est son seul être. Ce que fait le f...toir dit épistémique quand il se met à bousculer le monde, c'est de faire passer l'être avant l'avoir, alors que le vrai, c'est que LOM a, au principe. Pourquoi ? Ça se sent, et une fois senti, ça se démontre. Il a (même son corps) du fait qu'il appartient en même temps à trois... appelons ça, ordres. En témoignant le fait qu'il jaspine pour s'affairer de la sphère dont se faire un escabeau. Je dis ça pour m'en faire un, et justement d'y faire déchoir la sphère, jusqu'ici indétrônable dans son suprême d'escabeau. Ce pourquoi je démontre que l'S.K.beau est premier parce qu'il préside à la production de sphère. L'S.K.beau c'est ce que conditionne chez l'homme le fait qu'il vit de l'être (= qu'il vide l'être) autant qu'il a — son corps : il ne l'a d'ailleurs qu'à partir de là. D'où mon expression de parlêtre qui se substituera à l'ICS de Freud (inconscient, qu'on lit ça) : pousse-toi de là que je m'y mette, donc. Pour dire que l'inconscient dans Freud quand il le découvre (ce qui se découvre c'est d'un seul coup, encore faut-il après l'invention en faire l'inventaire), l'inconscient c'est un savoir en tant que parlé comme constituant de LOM. La parole bien entendu se définissant d'être le seul lieu, où l'être ait un sens. Le sens de l'être étant de présider à l'avoir, ce qui excuse le bafouillage épistémique. L'inconscient montre la structure d'un langage [4] L'inconscient est cette partie du discours concret en tant que transindividuel, qui fait défaut à la disposition du sujet pour rétablir la continuité de son discours conscient. [...]
L'inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué
par un blanc ou occupé par un mensonge : c'est le chapitre censuré. Mais la vérité peut être retrouvée ; le plus souvent déjà elle est
écrite ailleurs. À savoir : Qui parle ? [5] L'inconscient, à partir de Freud, est une chaîne de signifiants qui quelque part (sur une autre scène, écrit-il) se répète et insiste pour interférer dans les coupures que lui offre le discours effectif et la cogitation qu'il informe. Dans cette formule, qui n'est nôtre que pour être conforme aussi bien au texte freudien qu'à l'expérience qu'il a ouvert, le terme crucial est le signifiant, ranimé de la rhétorique antique par la linguistique moderne, en une doctrine dont nous ne pouvons marquer ici les étapes, mais dont les noms de Ferdinand de Saussure et de Roman Jakobson indiqueront l'aurore et l'actuelle culmination, en rappelant que la science pilote du structuralisme en Occident a ses racines dans la Russie où a fleuri le formalisme. Genève 1910, Pétrograd 1920 disent assez pourquoi l'instrument en a manqué à Freud. Mais ce défaut de l'histoire ne rend que plus instructif le fait que les mécanismes décrits par Freud comme ceux du processus primaire, où l'inconscient trouve son régime, recouvrent exactement les fonctions que cette école tient pour déterminer les versants les plus radicaux des effets du langage, nommément la métaphore et la métonymie, autrement dit les effets de substitution et de combinaison du signifiant dans les dimensions respectivement synchronique et diachronique où ils apparaissent dans le discours. La structure du langage une fois reconnue dans l'inconscient, quelle sorte de sujet pouvons-nous lui concevoir ? On peut ici tenter, dans un souci de méthode, de partir de la définition strictement linguistique du Je comme signifiant : où il n'est rien que le shifter ou indicatif qui dans le sujet de l'énoncé désigne le sujet en tant qu'il parle actuellement. C'est dire qu'il désigne le sujet de l'énonciation, mais qu'il ne le signifie pas. Comme il est évident au fait que tout signifiant du sujet de l'énonciation peut manquer dans l'énoncé, outre qu'il y en a qui diffèrent du Je, et pas seulement ce qu'on appelle insuffisamment les cas de la première personne du singulier, y adjoignît-on son logement dans l'invocation plurielle, voire dans le Soi de l'auto-suggestion. Nous pensons par exemple avoir reconnu le sujet de l'énonciation dans le signifiant qu'est le ne dit par les grammairiens ne explétif, terme où s'annonce déjà l'opinion incroyable de tels parmi les meilleurs qui en tiennent la forme pour livrée au caprice. Puisse la charge que nous lui donnons, les faire s'y reprendre, avant qu'il ne soit avéré qu'ils n'y comprennent rien (retirez ce ne, mon énonciation perd sa valeur d'attaque Je m'élidant dans l'impersonnel). Mais je crains ainsi qu'ils n'en viennent à me honnir (glissez sur cet n' et son absence ramenant la crainte alléguée de l'avis de ma répugnance à une assertion timide, réduit l'accent de mon énonciation à me situer dans l'énoncé). Mais si je dis « tue », pour ce qu'ils m'assomment, où me situé-je sinon dans le tu dont je les toise ? Ne boudez pas, j'évoque de biais ce que je répugne à couvrir de la carte forcée de la clinique. À savoir, la juste façon de répondre à la question : Qui parle ? quand il s'agit du sujet de l'inconscient. Car cette réponse ne saurait venir de lui, s'il ne sait pas ce qu'il dit, ni même qu'il parle, comme l'expérience de l'analyse tout entière nous l'enseigne. Par quoi la place de l'inter-dit, qu'est l'intra-dit d'un entre-deux-sujets, est celle même où se divise la transparence du sujet classique pour passer aux effets de fading qui spécifient le sujet freudien de son occultation par un signifiant toujours plus pur : que ces effets nous mènent sur les confins où lapsus et mot d'esprit en leur collusion se confondent, ou même là où l'élision est tellement la plus allusive à rabattre en son gîte la présence, qu'on s'étonne que la chasse au Dasein n'en ait pas plus fait son profit. Pour que ne soit pas vaine notre chasse, à nous analystes, il nous faut tout ramener à la fonction de coupure dans le discours, la plus forte étant celle qui fait barre entre le signifiant et le signifié. Là se surprend le sujet qui nous intéresse puisque à se nouer dans la signification, Je voilà logé à l'enseigne du pré-conscient. Par quoi l'on arriverait au paradoxe de concevoir que le discours dans la séance analytique ne vaut que de ce qu'il trébuche ou même s'interrompt : si la séance elle-même ne s'instituait comme rupture dans un faux discours, disons dans ce que le discours réalise à se vider comme parole, à n'être plus que la monnaie à la frappe usée dont parle Mallarmé, qu'on se passe de main à main « en silence ». Cette coupure de la chaîne signifiante est seule à vérifier la structure du sujet comme discontinuité dans le réel. Si la linguistique nous promeut le signifiant à y voir le déterminant du signifié, l'analyse révèle la vérité de ce rapport à faire des trous du sens les déterminants de son discours. |
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Du Cogito de Descartes à celui de Freud [6] Je pense, donc je suis (cogito ergo sum), n'est pas seulement la formule où se constitue, avec l'apogée historique d'une réflexion sur les conditions de la science, la liaison à la transparence du sujet transcendantal de son affirmation existentielle. Peut-être ne suis-je qu'objet et mécanisme (et donc rien de plus que phénomène), mais assurément en tant que je le pense, je suis — absolument. Sans doute les philosophes avaient apporté là d'importantes corrections, et nommément que dans cela qui pense (cogitans), je ne fais jamais que me constituer en objet (cogitatum). Il reste qu'à travers cette épuration extrême du sujet transcendantal, ma liaison existentielle à son projet semble irréfutable, au moins sous la forme de son actualité, et que :
« cogito ergo sum », ubi cogito, ibi sum surmonte l'objection. Bien entendu ceci me limite à n'être là dans mon être que dans la mesure où je pense que je suis dans ma pensée ; dans quelle mesure je le pense vraiment, ceci ne regarde que moi, et, si je le dis, n'intéresse personne. L'éluder pourtant sous le prétexte de ses semblants philosophiques, est simplement faire preuve d'inhibition. Car la notion de sujet est indispensable au maniement d'une science comme la stratégie au sens moderne, dont les calculs excluent tout « subjectivisme ». C'est aussi s'interdire l'accès à ce qu'on peut appeler l'univers de Freud, comme on dit l'univers de Copernic. C'est bien en effet à la révolution dite copernicienne que Freud lui-même comparait sa découverte, soulignant qu'il y allait une fois de plus de la place que l'homme s'assigne au centre de l'univers. La place que j'occupe comme sujet de signifiant est-elle, par rapport à celle que j'occupe comme sujet du signifié, concentrique ou excentrique ? Voilà la question. Il ne s'agit pas de savoir si je parle de moi de façon conforme à ce que je suis, mais si, quand j'en parle, je suis le même que celui dont je parle. Et il n'y a ici aucun inconvénient à faire intervenir le terme de pensée. Car Freud désigne de ce terme les éléments en jeu dans l'inconscient ; c'est-à-dire dans les mécanismes signifiants que je viens d'y reconnaître. Il n'en reste pas moins que le cogito philosophique est au foyer de ce mirage qui rend l'homme moderne si sûr d'être soi dans ses incertitudes sur lui-même, voire à travers la méfiance qu'il a pu apprendre dès longtemps à pratiquer quant aux pièges de l'amour-propre. Aussi bien si, retournant contre la nostalgie qu'elle sert, l'arme de la métonymie, je me refuse à chercher aucun sens au-delà de la tautologie et si, au nom de « la guerre est la guerre » et « un sou est un sou », je me décide à n'être que ce que je suis, comment ici me détacher de cette évidence que je suis dans cet acte même ? Non moins qu'à me porter à l'autre pôle, métaphorique, de la quête signifiante et me vouer à devenir ce que je suis, à venir à l'être — je ne puis douter qu'à m'y perdre même, j'y suis. Or c'est sur ces points mêmes, où l'évidence va être subvertie par l'empirique, que gît le tour de la conversion freudienne. Ce jeu signifiant de la métonymie et de la métaphore, jusque et y compris sa pointe active qui clavette mon désir sur un refus du signifiant ou sur un manque de l'être et noue mon sort à la question de mon destin, ce jeu se joue, jusqu'à ce que la partie soit levée, dans son inexorable finesse, là où je ne suis pas parce que je ne peux pas m'y situer. C'est-à-dire que c'est peu de ces mots dont j'ai pu interloquer un instant mes auditeurs : je pense où je ne suis pas, donc je suis où je ne pense pas. Mots qui à toute oreille suspendue rendent sensible dans quelle ambiguïté de furet fuit sous nos prises l'anneau du sens sur la ficelle verbale. Ce qu'il faut dire, c'est : je ne suis pas, là où je suis le jouet de ma pensée ; je pense à ce que je suis, là où je ne pense pas penser. Ce mystère à deux faces rejoint ce fait que la vérité ne s'évoque que dans cette dimension d'alibi par où tout « réalisme » dans la création prend sa vertu de la métonymie, comme cet autre que le sens ne livre son accès qu'au double coude de la métaphore, quand on a leur clef unique ; le S et le s de l'algorithme saussurien ne sont pas dans le même plan, et l'homme se leurrait à se croire placé dans leur commun axe qui n'est nulle part. Ceci du moins jusqu'à ce que Freud en ait fait la découverte. Car si ce que Freud a découvert n'est pas cela même, ce n'est rien. |
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Nom-du-Père [7] Pour aller maintenant au principe de la forclusion (Verwerfung) du Nom-du-Père, il faut admettre que le Nom-du-Père redouble à la place de l'Autre le signifiant lui-même du ternaire symbolique, en tant qu'il constitue la loi du signifiant. [...] Mais ce sur quoi nous voulons insister, c'est que ce n'est pas uniquement de la façon dont la mère s'accommode de la personne du père, qu'il conviendrait de s'occuper, mais du cas qu'elle fait de sa parole, disons le mot, de son autorité, autrement dit de la place qu'elle réserve au Nom-du-Père dans la promotion de la loi. Plus loin encore la relation du père à cette loi doit-elle être considérée en elle-même, car on y trouvera la raison de ce paradoxe, par quoi les effets ravageants de la figure paternelle s'observent avec une particulière fréquence dans les cas où le père a réellement la fonction de législateur ou s'en prévaut, qu'il soit en fait de ceux qui font les lois ou qu'il se pose en pilier de la foi, en parangon de l'intégrité ou de la dévotion, en vertueux ou en virtuose, en servant d'une oeuvre de salut, de quelque objet ou manque d'objet qu'il y aille, de nation ou de natalité, de sauvegarde ou de salubrité, de legs ou de légalité, du pur, du pire ou de l'empire, tous idéaux qui ne lui offrent que trop d'occasions d'être en posture de démérite, d'insuffisance, voire de fraude, et pour tout dire d'exclure le Nom-du-Père de sa position dans le signifiant. Il n'en faut pas tant pour obtenir ce résultat, et nul de ceux qui pratiquent l'analyse des enfants ne niera que le mensonge de la conduite ne soit par eux perçu jusqu'au ravage. Mais qui articule que le mensonge ainsi perçu implique la référence à la fonction constituante de la parole ? Il s'avère ainsi qu'un peu de sévérité n'est pas de trop pour donner à la plus accessible expérience son sens véridique. Les suites qu'on en peut attendre dans l'examen et la technique, se jugent ailleurs. [...] C'est ainsi que le dernier mot où « l'expérience intérieure » de notre siècle nous ait livré son comput, se trouve être articulé avec cinquante ans d'avance par la théodicée à laquelle Schreber est en butte : « Dieu est une p...[pute]. » Terme où culmine le processus par quoi le signifiant s'est « déchaîné » dans le réel, après que la faillite fut ouverte du Nom-du-Père, — c'est-à-dire du signifiant qui dans l'Autre, en tant que lieu du signifiant, est le signifiant de l'Autre en tant que lieu de la loi. |
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Réel - Symbolique - Imaginaire [8] Voilà : mes trois ne sont pas les siens. Mes trois sont le réel, le symbolique et l'imaginaire. J'en suis venu à les situer d'une topologie, celle du noeud, dit borroméen. Le noeud borroméen met en évidence la fonction de l'au-moins-trois. C'est celui qui noue les deux autres dénoués. J'ai donné ça aux miens. Je leur ai donné ça pour qu'ils se retrouvent dans la pratique. Mais s'y retrouvent-ils mieux que de la topique léguée par Freud aux siens ? Il faut le dire : ce que Freud a dessiné de sa topique, dite seconde, n'est pas sans maladresse. J'imagine que c'était pour se faire entendre sans doute des bornes de son temps. Mais ne pouvons-nous pas plutôt tirer profit de ce qui figure là l'approche de mon noeud ? Qu'on considère le sac flasque à se produire comme lien du Ça dans son article à se dire : Das Ich und das Es. Ce sac, ce serait le contenant des pulsions. Quelle idée saugrenue que de croquer ça ainsi ! Cela ne s'explique qu'à considérer les pulsions comme des billes, à expulser sans doute des orifices du corps, après en avoir fait ingestion. Là-dessus se broche un Ego, où semble préparé le pointillé de colonnes à en faire le compte. Mais cela n'en laisse pas moins embarrassé à ce que le même se coiffe d'un bizarre oeil perceptif, où pour beaucoup se lit aussi bien la tache germinale d'un embryon sur le vitellus. Ce n'est pas tout encore. La boîte enregistreuse de quelque appareil à la Marey est ici de complément. Cela en dit long sur la difficulté de la référence au réel. Enfin deux barres hachurent de leur joint la relation de cet ensemble baroque au sac de billes lui-même. Voilà qui est désigné du refoulé. Cela laisse perplexe. Disons que ce n'est pas ce que Freud a fait de mieux. Il faut même avouer que ce n'est pas en faveur de la pertinence de la pensée que cela prétend traduire. Quel contraste avec la définition que Freud donne des pulsions, comme liées aux orifices du corps. C'est là une formule lumineuse, qui impose une autre figuration que cette bouteille. Quelqu'en puisse être le bouchon. N'est-ce pas plutôt, comme il m'est arrivé de le dire, bouteille de Klein, sans dedans ni dehors ? Ou encore, seulement, pourquoi pas, le tore ? Je me contente de noter que le silence attribué au Ça comme tel, suppose la parlotte. La parlotte à quoi s'attend l'oreille, celle du « désir indestructible » à s'en traduire. Déroutante est la figure freudienne, à osciller ainsi du champ lui-même au symbolique de ce qui l'ausculte. Il est remarquable pourtant que ce brouillage n'ait pas empêché Freud de revenir après ça aux indications les plus frappantes sur la pratique de l'analyse, et nommément ses constructions. Dois-je m'encourager à me souvenir qu'à mon âge Freud n'était pas mort ? Bien sûr, mon noeud ne dit pas tout. Sans quoi je n'aurais même pas la chance de me répéter dans ce qu'il y a : puisqu'il n'y a, dis-je, pas-tout. Pas-tout sûrement dans le réel, que j'aborde de ma pratique. Remarquez que dans mon noeud, le réel reste constamment figuré de la droite infinie, soit du cercle non-fermé qu'elle suppose. C'est ce dont se maintient qu'il ne puisse être admis que comme pas-tout. |
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Du Moi Idéal à l'Idéal du Moi - Modèle optique [9] C'est un modèle optique à quoi sans doute l'exemple de Freud m'autorise, non sans se motiver pour moi d'une affinité avec les effets de réfraction que conditionne le clivage du symbolique et de l'imaginaire. Posons d'abord l'appareil un peu complexe dont, comme c'est la règle en pareil cas, l'analogie va fonder la valeur d'usage comme modèle. On sait qu'un miroir sphérique peut produire, d'un objet placé au point de son centre de courbure, une image qui lui est symétrique, mais dont l'important est qu'elle est une image réelle. Dans certaines conditions, comme celles d'une de ces expériences qui n'avaient de prix que d'un intérêt encore innocent pour la maîtrise du phénomène, reléguées qu'elles sont maintenant au rang de la physique amusante, cette image peut être fixée par l'oeil dans sa réalité, sans le médium ordinairement employé d'un écran. C'est le cas de l'illusion dite du bouquet renversé, qu'on trouvera décrite, pour lui donner une référence sérieuse, dans l'Optique et photométrie dites géométriques (revoilà notre géométrie), de Bouasse, figure au reste curieuse de l'histoire de l'enseignement, et ouvrage à consulter à la page 86, pour notre objet, restant aux autres des gadgets qui, pour être moins futiles, seraient aussi propices à la pensée (4e éd., Delagrave, 1947). Voici l'image reproduite de la page 87, dont pour tout commentaire nous dirons que le bouquet réel caché dans la boîte S, « pour ajouter, comme écrit Bouasse, à l'effet de surprise », apparaît surgir pour l'oeil accommodé sur le vase V qui surmonte la boîte, précisément de l'encolure A' du dit vase où l'image B' se réalise nette, malgré quelque déformation que la forme non régulière de l'objet doit rendre fort tolérable.
Il faut en retenir pourtant que l'illusion, pour se produire, exige que l'oeil soit situé à l'intérieur du cône βB'γ formé par une génératrice joignant chacun des points de l'image B' au pourtour du miroir sphérique, et que pour chacun des points de l'image le cône de rayons convergents saisis par l'oeil étant fort petit, il en résulte que l'image sera d'autant plus nettement située dans sa position que sa distance à l'oeil sera plus grande, cette distance donnant à l'oeil plus de champ pour le déplacement linéaire qui, plus encore que l'accommodation, lui permet de situer cette position à condition que l'image ne vacille pas trop avec le déplacement. Le soin que nous donnons à la présentation de cet appareil, a pour fin de donner consistance au montage dont nous allons le compléter pour lui permettre de fonctionner comme modèle théorique. Nous ne faisons en ce modèle, et jusqu'en sa nature optique, que suivre l'exemple de Freud, à ceci près qu'il n'offre même pas matière chez nous à prévenir une confusion possible avec quelque schéma d'une voie de conduction anatomique. Car les liaisons qui vont y apparaître sous le mode analogique, se rapportent clairement, nous allons le voir, à des structures (intra-)subjectives comme telles, en y représentant la relation à l'autre et en permettant d'y distinguer la double incidence de l'imaginaire et du symbolique. Distinction dont nous enseignons l'importance pour la construction du sujet, à partir du moment où il nous faut penser le sujet comme le sujet où ça peut parler, sans qu'il en sache rien (et même dont il faut dire qu'il n'en sait rien, en tant qu'il parle).
Il faut pour cela imaginer, conformément à la figure 2, 1. que le vase soit à l'intérieur de la boîte et que son image réelle vienne à entourer de son encolure le bouquet de fleurs déjà monté au-dessus, — lequel jouera pour un oeil éventuel le rôle de support d'accommodation que nous venons d'indiquer pour nécessaire à ce que se produise l'illusion : à désigner maintenant comme celle du vase renversé ; 2. qu'un observateur placé quelque part dans l'appareil, disons parmi les fleurs elles-mêmes, ou, pour la clarté de l'exposé, sur le bord du miroir sphérique, de toute façon hors de portée d'apercevoir l'image réelle (ce pour quoi elle n'est pas représentée dans la figure 2), cherche à en réaliser l'illusion dans l'image virtuelle qu'un miroir plan, placé en A, peut donner de l'image réelle, ce qui est concevable sans forcer les lois de l'optique. Il suffira, pour que le sujet voie cette image dans le miroir A, que sa propre image (dans l'espace virtuel qu'engendre le miroir, et sans qu'il soit pour autant obligé de la voir pour peu qu'il se trouve hors d'un champ orthogonal à la surface du miroir, — cf. la figure 2. et la ligne pointillée S), que sa propre image, disons-nous, vienne dans l'espace réel (à quoi l'espace virtuel engendré par un miroir plan, correspond point par point) se situer à l'intérieur du cône délimitant la possibilité de l'illusion (champ x'y' sur la figure 2). Le jeu de ce modèle pour une part recouvre la fonction de méconnaissance que notre conception du stade du miroir met au principe de la formation du Moi. Il permet de l'énoncer sous une forme que l'on peut dire généralisée, en liant mieux à la structure les effets de l'assomption de l'image spéculaire, tels que nous avons cru pouvoir les interpréter dans le moment jubilatoire où elle s'observe électivement du 6e au 18e mois, en les fondant dans une prématuration perceptive inscrite dans une discordance du développement neurologique. Les relations des images i'(a) et i(a) dans notre modèle, ne sont pas à prendre à la lettre de leur subordination optique, mais comme supportant une subordination imaginaire analogue. En i'(a) en effet, il n'y a pas seulement ce que le sujet du modèle y attend, mais bien déjà une forme de l'autre que sa prégnance, non moins que le jeu des relations de prestance qui s'y engagent, introduit comme un principe de fausse maîtrise et de foncière aliénation dans une synthèse qui requiert une bien autre adéquation. C'est pour représenter les conditions de celle-ci dans leur antériorité de principe, que nous avons mis l'illusion de l'image i(a) au départ de notre modèle. Si cette image relève d'une subjectivation en effet, c'est d'abord par les voies d'autoconduction que figure dans le modèle la réflexion sur le miroir sphérique (qu'on peut tenir en gros pour imager quelque fonction globale du cortex). Et ce que le modèle indique aussi par le vase caché dans la boîte, c'est le peu d'accès qu'a le sujet à la réalité de ce corps, qu'il perd en son intérieur, à la limite où repli de feuillets coalescents à son enveloppe, et venant s'y coudre autour des anneaux orificiels, il l'imagine comme un gant qu'on puisse retourner. Il est des techniques du corps où le sujet tente d'éveiller en sa conscience une configuration de cette obscure intimité. Pour être loin de compte avec elles, le procès analytique, on le sait, scande le progrès libidinal d'accents portés sur le corps comme contenant et sur ses orifices. En outre l'analyse contemporaine, plus spécialement, lie la maturation de ce progrès à quelque chose qu'elle désigne comme relation d'objet, et c'est ce dont nous soulignons la fonction guide, en la représentant par les fleurs a de notre modèle, soit par les objets même où s'appuie l'accommodation qui permet au sujet d'apercevoir l'image i(a). Mais ce n'est pas sans qu'un tel modèle ne veille à nous préserver des préjugés où inclinent les conceptions de cette relation les plus courantes. Car, à prendre effet de parabole, il nous permettra de pointer le peu de naturel qui est impliqué dans la prise d'une encolure, imaginaire de surcroît, sur des éléments, les tiges, dont le faisceau, tout à fait indéterminé dans son lien, ne l'est pas moins dans sa diversité. C'est qu'aussi bien la notion de l'objet partiel nous paraît ce que l'analyse a découvert ici de plus juste, mais au prix de postulats sur une idéale totalisation de cet objet, où se dissipe le bénéfice de cette trouvaille. Ainsi ne nous paraît-il pas aller de soi que le morcellement des fonctions de relation, que nous avons articulé comme primordial du stade du miroir, soit le garant que la synthèse ira croissant dans l'évolution des tendances. La fable de Ménénius Agrippa nous a toujours paru témoigner, quel qu'ait pu être le succès de son baratin, que l'harmonie présumée organique, à ordonner les désirs, a toujours fait quelque tirage. Et nous ne croyons pas que Freud ait affranchi nos vues sur la sexualité et ses fins pour que l'analyse ajoute ses propres mômeries aux efforts séculaires des moralistes pour ramener les désirs de l'homme aux normes de ses besoins. Quoi qu'il en soit, l'antinomie des images i(a) et i'(a), de se situer pour le sujet dans l'imaginaire, se résout en un constant transitivisme. Ainsi se produit ce Moi-Idéal-Moi, dont les frontières, au sens où Federn les entend, sont à prendre comme supportant l'incertitude et permettant la rectification, comme perpétuant l'équivoque de circonscriptions différentes selon leur statut, voire comme admettant en leur complexe zones franches et fiefs enclavés. Ce qui nous retient, c'est qu'une psychanalyse qui joue dans le symbolique, — ce qui n'est pas contestable si son procès est de conquête sur l'inconscient, d'avènement d'histoire et de reconstruction de signifiant, si l'on ne dénie pas simplement que son moyen soit de parole, — qu'une psychanalyse soit capable de remanier un Moi ainsi constitué dans son statut imaginaire. Ici, si le phénomène d'évanouissement, nous dirons de fading, dont Lagache dote le Moi-sujet nous paraît en effet notable, ce n'est pas pour nous contenter avec lui d'y retrouver la direction d'une noèse abstraite, mais pour le connoter par l'effet de structure où nous tentons de constituer la place du sujet dans une élision de signifiant. L'Idéal du Moi est une formation qui vient à cette place symbolique. Et c'est en quoi il tient aux coordonnées inconscientes du Moi. [...] |
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Les deux sexes
Question 20 : Est-ce que — oui ou non — vous pouvez enseigner ce que le discours analytique nous apprend sur le rapport des sexes ?
Peut-on dire par exemple que, si L'homme veut La femme,
il ne l'atteint qu'à échouer dans le champ de la perversion ?
Je ne dis donc pas que c'est vérifié, je dis que c'est enseignable.
Dans ce cas là, c'est bien le cas, puisque La femme n'ex-siste pas. Ça je l'ai dit.
Moyennant quoi L'homme, lui, il ex-siste !
Les acteurs en sont capables des plus hauts faits, comme on le sait par le théâtre. Car de la vie, ils n'ont notion que par l'animal, chez qui n'a que faire leur savoir. Question 21 : La femme n'ex-siste pas. L'homme, lui, ex-siste. On ne peut pas dire que ça rende la vie facile ni que ce soit simple à comprendre.
Oui, je regrette que — en effet — ça paraisse un petit peu compliqué, mais j'y peux rien !
Alors posons d'abord cet axiome, non que l'homme n'ex-siste pas...
Ça c'est ce que je dis.
Bon, il ne réagit pas...
Alors l'universel de ce qu'elles désirent...
C'est même pourquoi elles ne sont pas toutes, c'est-à-dire pas folles-du-tout, et qu'elles sont plutôt arrangeantes :
elles arrangent, et fortement. Et même au point qu'il n'y a pas de limites aux concessions que chacune fait pour un homme : son corps, son âme, ses biens. Et c'est ce qui la conduit à la mascarade qu'on sait : et qui n'est pas du tout, pas du tout le mensonge que des ingrats, de coller à l'homme, lui imputent. C'est l'« à-tout-hasard » de se préparer pour que le fantasme de l'homme en elle trouve son heure de vérité. C'est pas excessif puisque la vérité est femme déjà de n'être pas toute, pas toute à se dire en tout cas.
C'est en quoi la vérité se refuse plus souvent qu'à son tour, exigeant de l'acte des airs de sexe,
qu'il ne peut tenir, en quoi c'est le ratage — réglé comme papier à musique.
C'est bien pour la femme que n'est pas fiable
l'axiome célèbre de M. Fenouillard, C'est même là tout le drame. Et l'on ne dira pas qu'à traduire le discours analytique je me dérobe en tous cas, moi qui vous parle, comme ça se fait ailleurs. |
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La mort est du domaine de la foi [11]
La mort est du domaine de la foi. Vous avez bien raison de croire que vous allez mourir, bien sûr — ça vous soutient. Si vous n'y croyiez pas, est-ce que vous pourriez supporter la vie que vous avez ? Si on n'était pas solidement appuyé sur cette certitude que ça finira, est-ce que vous pourriez supporter cette histoire ? Néanmoins, ce n'est qu'un acte de foi. Le comble du comble, c'est que vous n'en êtes pas sûr. Pourquoi est-ce qu'il n'y en aurait pas un ou une qui vivrait jusqu'à cent cinquante ans ? Mais enfin, quand même, c'est là que la foi reprend sa force. Ce que je vous dis là, c'est parce que j'ai vu ça chez l'une de mes patientes il y a très longtemps de sorte qu'elle n'en entendra plus parler, sans ça je ne raconterais pas son histoire. Elle a rêvé un jour que l'existence rejaillirait toujours d'elle-même. Le rêve pascalien : une infinité de vies se succédant à elles-mêmes sans fin possible. Elle s'est réveillée presque folle. Elle me l'a raconté, et bien sûr [je] ne trouvais pas ça drôle. Seulement voilà, la vie, ça, c'est du solide, c'est ce sur quoi nous vivons, justement. Bien sûr nous vivons, ce n'est pas douteux, on s'en aperçoit même à chaque instant. Seulement, la vie, il s'agit de la penser maintenant ; prendre la vie comme concept. |
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Pendant un certain temps, on a pu croire que les psychanalystes savaient quelque chose, mais ça n'est plus très répandu. Le comble du comble, c'est qu'ils n'y croient plus eux-mêmes, en quoi ils ont tort, car justement ils en savent un bout, seulement, exactement comme pour l'inconscient dont c'est la véritable définition, ils ne savent pas qu'ils le savent. Le rêve est un rébus [13] Pour aborder, d'une certaine façon, le sujet dont je parle, à savoir le symbolisme, je dirai que toute une part des fonctions imaginaires dans l'analyse n'ont pas d'autre relation avec la réalité fantasmatique qu'elles manifestent que la syllabe « po » n'en a avec le vase aux formes de préférence simples, qu'elle désigne. Dans « police » ou « poltron », la syllabe « po » a évidemment une tout autre valeur. On pourra se servir du pot pour symboliser la syllabe « po », inversement dans le terme « police » ou « poltron », mais il conviendra alors d'y ajouter en même temps d'autres termes également imaginaires qui ne seront pas pris là pour autre chose que comme des syllabes destinées à compléter le mot. C'est bien ainsi qu'il faut entendre le symbolique dont il s'agit dans l'échange analytique. Qu'il s'agisse de symptômes réels, actes manqués, et quoi que ce soit qui s'inscrive dans ce que nous y trouvons sans cesse, et que Freud a manifesté comme étant sa réalité essentielle, il s'agit encore et toujours de symboles, et de symboles organisés dans le langage, donc fonctionnant à partir de l'articulation du signifiant et du signifié, qui est l'équivalent de la structure même du langage. Il n'est pas de moi, ce terme que le rêve est un rébus, c'est de Freud. Quand au symptôme, qu'il exprime lui aussi quelque chose de structuré et d'organisé comme un langage est suffisamment manifesté par le fait, pour partir du plus simple d'entre eux, du symptôme hystérique qui donne toujours quelque chose d'équivalent à une activité sexuelle, mais jamais un équivalent univoque. Au contraire, il est toujours plurivoque, superposé, surdéterminé, et, pour tout dire, très exactement construit à la façon dont les images sont construites dans les rêves. Il y a là une occurrence, une superposition de symboles, aussi complexe que l'est une phrase poétique qui vaut à la fois par son ton, sa structure, ses calembours, ses rythmes, sa sonorité. Tout se passe sur plusieurs plans, et c'est de l'ordre et du registre du langage. [...] En fin de compte, la notion que nous avons du névrosé, c'est que, dans ses symptômes mêmes, gît une parole bâillonnée, où s'expriment un certain nombre, disons, de transgressions à un certain ordre, qui, par elles-mêmes crient au ciel l'ordre négatif dans lequel elles se sont inscrites. Faute de réaliser l'ordre du symbole d'une façon vivante, le sujet réalise des images désordonnées dont elles sont les substituts. Joli lapsus [14] Qu'on reprenne donc l'oeuvre de Freud à la Traumdeutung [L'Interprétation des rêves] pour s'y rappeler que le rêve a la structure d'une phrase, ou plutôt, à nous en tenir à sa lettre, d'un rébus, c'est-à-dire d'une écriture, dont le rêve de l'enfant représenterait l'idéographie primordiale, et qui chez l'adulte reproduit l'emploi phonétique et symbolique à la fois des éléments signifiants, que l'on retrouve aussi bien dans les hiéroglyphes de l'ancienne Égypte que dans les caractères dont la Chine conserve l'usage. Encore n'est-ce là que déchiffrage de l'instrument. C'est à la version du texte que l'important commence, l'important dont Freud nous dit qu'il est donné dans l'élaboration du rêve, c'est-à-dire dans sa rhétorique. Ellipse et pléonasme, hyperbate ou syllepse, régression, répétition, apposition, tels sont les déplacements syntaxiques, métaphore, catachrèse, antonomase, allégorie, métonymie et synecdoque, les condensations sémantiques, où Freud nous apprend à lire les intentions ostentatoires ou démonstratives, dissimulatrices ou persuasives, rétorsives ou séductrices, dont le sujet module son discours onirique. Sans doute a-t-il posé en règle qu'il y faut rechercher toujours l'expression d'un désir. Mais entendons-le bien. Si Freud admet comme motif d'un rêve qui paraît aller à l'encontre de sa thèse, le désir même de le contredire chez le sujet qu'il a tenté d'en convaincre, comment n'en viendrait-il pas à admettre le même motif pour lui-même dès lors que pour être parvenu, c'est d'autrui que lui reviendrait sa loi ? Pour tout dire, nulle part n'apparaît plus clairement que le désir de l'homme trouve son sens dans le désir de l'autre, non pas tant parce que l'autre détient les clefs de l'objet désiré, que parce que son premier objet est d'être reconnu par l'autre. Qui parmi nous au reste ne sait par expérience que dès que l'analyse est engagée dans la voie du transfert, — et c'est pour nous l'indice qu'elle l'est en effet —, chaque rêve du patient s'interprète comme provocation, aveu larvé ou diversion, par sa relation au discours analytique, et qu'à mesure du progrès de l'analyse, ils se réduisent toujours plus à la fonction d'élément du dialogue qui s'y réalise ? Pour la psychopathologie de la vie quotidienne, autre champ consacré par une autre oeuvre de Freud, il est clair que tout acte manqué est un discours réussi, voire assez joliment tourné, et que dans le lapsus c'est le bâillon qui tourne sur la parole, juste du quadrant qu'il faut pour qu'un bon entendeur y trouve son salut. Mais allons droit où le livre débouche sur le hasard et les croyances qu'il engendre, et spécialement aux faits où il s'attache à démontrer l'efficacité subjective des associations sur des nombres laissés au sort d'un choix immotivé, voire d'un tirage de hasard. Nulle part ne se révèlent mieux qu'en un tel succès les structures dominantes du champ psychanalytique. Et l'appel fait au passage à des mécanismes intellectuels ignorés [inconscients] n'est plus ici que l'excuse de détresse de la confiance totale faite aux symboles et qui vacille d'être comblée au-delà de toute limite. Car si, pour admettre un symptôme dans la psychopathologie psychanalytique, qu'il soit névrotique ou non, Freud exige le minimum de surdétermination que constitue un double sens, symbole d'un conflit défunt par-delà sa fonction dans un conflit présent non moins symbolique, s'il nous a appris à suivre dans le texte des associations libres la ramification ascendante de cette lignée symbolique, pour y repérer aux points où les formes verbales s'en recroisent les noeuds de sa structure, — il est déjà tout à fait clair que le symptôme se résout tout entier dans une analyse de langage, parce qu'il est lui-même structuré comme un langage, qu'il est langage dont la parole doit être délivrée. * * * [15] Freud exemplifie de toutes les manières que cette valeur de signifiant de l'image n'a rien à faire avec sa signification, mettant en jeu les hiéroglyphes de l'Égypte où il serait bouffon de déduire de la fréquence du vautour qui est un aleph ou du poussin qui est un vau, à signaler une forme du verbe être et les pluriels, que le texte intéresse si peu que ce soit ces spécimens ornithologiques. Lire dans le délire [16] Un délire n'est pas forcément sans rapport avec un discours normal, et le sujet est fort capable de nous en faire part, et de s'en satisfaire, à l'intérieur d'un monde où toute communication n'est pas rompue. * * * [17] Que Freud, dans son essai d'interprétation du cas du président Schreber, qu'on lit mal à le réduire aux rabâchages qui ont suivi, emploie la forme d'une déduction grammaticale pour y présenter l'aiguillage de la relation à l'autre dans la psychose : soit les différents moyens de nier la proposition : Je l'aime, dont il s'ensuit, que ce jugement négatif se structure en deux temps : le premier, le renversement de la valeur du verbe : Je le hais, ou d'inversion du genre de l'agent ou de l'objet : ce n'est pas moi, ou bien ce n'est pas lui, c'est elle (ou inversement), — le deuxième d'interversion des sujets : il me hait, c'est elle qu'il aime, c'est elle qui m'aime, — les problèmes logiques formellement impliqués dans cette déduction ne retiennent personne. Le symptôme peut représenter la vérité du couple familial [18]
Je dis toujours la vérité, pas toute, parce que toute la dire, on n'y arrive pas. La dire toute, c'est impossible matériellement : ce sont les mots qui y manquent. C'est même par cet impossible que la vérité touche au réel. Octobre 1969 Semble-t-il, à voir l'échec des utopies communautaires, la position de Lacan nous rappelle la dimension de ce qui suit. La fonction de résidu que soutient (et du même coup maintient) la famille conjugale dans l'évolution des sociétés, met en valeur l'irréductible d'une transmission — qui est d'un autre ordre que celle de la vie selon les satisfactions des besoins — mais qui est d'une constitution subjective, impliquant la relation à un désir qui ne soit pas anonyme. C'est d'après une telle nécessité que se jugent les fonctions de la mère et du père. De la mère : en tant que ses soins portent la marque d'un intérêt particularisé, le fût-il par la voie de ses propres manques. Du père : en tant que son nom est le vecteur d'une incarnation de la Loi dans le désir. Dans la conception qu'en élabore Jacques Lacan, le symptôme de l'enfant se trouve en place de répondre à ce qu'il y a de symptomatique dans la structure familiale. Le symptôme, c'est là le fait fondamental de l'expérience analytique, se définit dans ce contexte comme représentant de la vérité. Le symptôme peut représenter la vérité du couple familial. C'est là le cas le plus complexe, mais aussi le plus ouvert à nos interventions. L'articulation se réduit de beaucoup quand le symptôme qui vient à dominer ressortit à la subjectivité de la mère. Ici, c'est directement comme corrélatif d'un fantasme que l'enfant est intéressé. La distance entre l'identification à l'idéal du Moi et la part prise du désir de la mère, si elle n'a pas de médiation (celle qu'assure normalement la fonction du père) laisse l'enfant ouvert à toutes les prises fantasmatiques. Il devient l'« objet » de la mère, et n'a plus de fonction que de révéler la vérité de cet objet. L'enfant réalise la présence de ce que Jacques Lacan désigne comme l'objet a dans le fantasme. Il sature en se substituant à cet objet le mode de manque où se spécifie le désir (de la mère), quelle qu'en soit la structure spéciale : névrotique, perverse ou psychotique. Il aliène en lui tout accès possible de la mère à sa propre vérité, en lui donnant corps, existence, et même exigence d'être protégé. Le symptôme somatique donne le maximum de garantie à cette méconnaissance ; il est la ressource intarissable selon les cas à témoigner de la culpabilité, à servir de fétiche, à incarner un primordial refus. Bref, l'enfant dans le rapport duel à la mère lui donne, immédiatement accessible, ce qui manque au sujet masculin : l'objet même de son existence, apparaissant dans le réel. Il en résulte qu'à mesure de ce qu'il présente de réel, il est offert à un plus grand subornement dans le fantasme. Analyse errance et confusion [19] Ce qu'engendre notre praxis a-t-il le droit de se repérer des nécessités, même implicatives, de la visée de vérité ? Cette question peut se transposer dans la formule ésotérique — comment nous assurer que nous ne sommes pas dans l'imposture ? Ce n'est pas trop dire que, dans la mise en question de l'analyse telle qu'elle est toujours en suspens, non seulement dans l'opinion, mais bien plus encore, dans la vie intime de chaque psychanalyste, l'imposture plane — présence contenue, exclue, ambiguë, contre laquelle le psychanalyste se remparde d'un certain nombre de cérémonies, de formes, et de rites. Si je mets en avant le terme d'imposture dans mon exposé d'aujourd'hui, c'est qu'assurément c'est l'amorce par où pourrait être abordé le rapport de la psychanalyse avec la religion et, par là, avec la science. Je relève à ce propos une formule qui a eu sa valeur historique au dix-huitième, quand l'homme des lumières, qui était aussi l'homme du plaisir, a mis en question la religion comme fondamentale imposture. Inutile de vous faire sentir quel chemin nous avons parcouru depuis. Qui songerait, de nos jours [1964], à prendre ce qui touche à la religion sous cette parenthèse simpliste ? On peut dire que, jusqu'au fin fond du monde, et là même où la lutte peut être menée contre elle, la religion, de nos jours, jouit d'un respect universel. Cette question est aussi celle de la croyance, par nous présentifiée en des termes sans doute moins simplistes. Nous avons la pratique de l'aliénation fondamentale dans laquelle se soutient toute croyance, de ce double terme subjectif qui fait qu'en somme, c'est au moment où la signification de la croyance paraît le plus profondément s'évanouir, que l'être du sujet vient au jour de ce qui était à proprement parler la réalité de cette croyance. Il ne suffit pas de vaincre la superstition, comme on dit, pour que ses effets dans l'être soient pour autant tempérés. [...] Mais l'analyse n'est pas une religion. Elle procède du même statut que La science. Elle s'engage dans le manque central où le sujet s'expérimente comme désir. Elle a même statut médial, d'aventure, dans la béance ouverte au centre de la dialectique du sujet et de l'Autre. Elle n'a rien à oublier, car elle n'implique nulle reconnaissance d'aucune substance sur quoi elle prétende opérer, même pas celle de la sexualité. Sur la sexualité, en fait, elle opère très peu. Elle ne nous a rien appris de nouveau quant à l'opératoire sexuel. Il n'en est même pas sorti un petit bout de technique érotologique, et il y en a plus à cet égard dans le moindre de ces livres qui font l'objet d'une nombreuse réédition, et qui nous viennent du fin fond d'une tradition arabe, hindoue, chinoise, voire la nôtre à l'occasion. La psychanalyse ne touche à la sexualité que pour autant que, sous la forme de la pulsion, elle se manifeste dans le défilé du signifiant, où se constitue la dialectique du sujet dans le double temps de l'aliénation et de la séparation. L'analyse n'a pas tenu, sur le champ de la sexualité, ce qu'on eût pu, à se tromper, attendre d'elle de promesses, elle ne l'a pas tenu parce qu'elle n'a pas à les tenir. Ce n'est pas son terrain. Par contre, sur le sien, elle se distingue par cet extraordinaire pouvoir d'errance et de confusion, qui fait de sa littérature quelque chose auquel je vous assure qu'il faudra bien peu de recul pour qu'on la fasse rentrer, tout entière, dans la rubrique de ce qu'on appelle les fous littéraires. Assurément, on ne peut manquer d'être frappé de voir combien peut errer un analyste dans la juste interprétation des faits mêmes qu'il avance — et récemment je l'étais encore à la lecture d'un livre comme La Névrose de base, livre si sympathique pourtant par ce je ne sais quoi de déluré, qui rassemble et associe des observations nombreuses, et certes repérables dans la pratique. Le fait que Bergler apporte sur la fonction du sein est vraiment égaré dans un vain débat d'actualité sur la supériorité de l'homme sur la femme, et de la femme sur l'homme, c'est-à-dire sur des choses qui, pour soulever le plus d'éléments passionnels, sont bien aussi, concernant ce dont il s'agit, ce qui a le moins d'intérêt. [...] En tant que mirage spéculaire, l'amour a essence de tromperie. Il se situe dans le champ institué au niveau de la référence du plaisir, de ce seul signifiant nécessaire à introduire une perspective centrée sur le point idéal, grand I, quelque part placé dans l'Autre, d'où l'Autre me voit, sous la forme où il me plaît d'être vu. Or, dans cette convergence même à laquelle l'analyse est appelée par la face de tromperie qu'il y a dans le transfert, quelque chose se rencontre, qui est paradoxe — la découverte de l'analyste. Celle-ci n'est compréhensible qu'à l'autre niveau, le niveau où nous avons situé la relation de l'aliénation. Cet objet paradoxal, unique, spécifié, que nous appelons l'objet a — le reprendre serait un rabâchage. Mais je vous le présentifie d'une façon plus syncopée, en soulignant que l'analysé dit en somme à son partenaire, à l'analyste — Je t'aime, mais, parce qu'inexplicablement j'aime en toi quelque chose plus que toi — l'objet petit a, je te mutile. C'est là le sens de ce complexe de la mamme, du sein, ce mammal-complex, dont Bergler voit bien la relation à la pulsion orale, à ceci près que l'oralité en question n'a absolument rien à faire avec la nourriture, et que tout son accent est dans cet effet de mutilation. Je me donne à toi, dit encore le patient, mais ce don de ma personne — comme dit l'autre — mystère ! se change inexplicablement en cadeau d'une merde — terme également essentiel de notre expérience. [...] Que se passe-t-il quand le sujet commence de parler à l'analyste ? — à l'analyste, c'est-à-dire au sujet supposé savoir, mais dont il est certain qu'il ne sait encore rien. C'est à lui qu'est offert quelque chose qui va d'abord, nécessairement, se former en demande. Qui ne sait que c'est là ce qui a orienté toute la pensée sur l'analyse dans le sens d'une reconnaissance de la fonction de la frustration ? Mais qu'est-ce que le sujet demande ? c'est là toute la question, car le sujet sait bien que, quels que soient ses appétits, quels que soient ses besoins, aucun ne trouvera là satisfaction, si ce n'est tout au plus d'y organiser son menu. Dans la fable que je lisais, quand j'étais petit, dans les images d'Épinal, le pauvre mendiant se régale, à la porte de la rôtisserie, du fumet du rôti. Dans l'occasion, le fumet, c'est le menu, c'est-à-dire des signifiants, puisqu'on ne fait que parler. Eh bien ! il y a cette complication — c'est là ma fable — que le menu est rédigé en chinois. Alors le premier temps, c'est de commander la traduction à la patronne. Elle traduit — pâté impérial, rouleau de printemps, et quelques autres. Il se peut très bien, si c'est la première fois que vous venez au restaurant chinois, que la traduction ne vous en dise pas plus, et vous demandez finalement à la patronne — conseillez-moi, ce qui veut dire — qu'est-ce que je désire là-dedans, c'est à vous de le savoir. |
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Postface au Séminaire [20] Ainsi se lira — ce bouquin je parie. Ce ne sera pas comme mes Écrits dont le livre s'achète : dit-on, mais c'est pour ne pas le lire. Ce n'est pas à prendre pour l'accident, de ce qu'ils soient difficiles. En écrivant Écrits sur l'enveloppe du recueil, c'est ce que j'entendais moi-même m'en promettre : un écrit à mon sens est fait pour ne pas se lire. C'est que ça dit autre chose. Quoi ? Comme c'est où j'en suis de mon présent dire, je prends ici cas de l'illustrer, selon mon usage. Ce qu'on vient de lire, au moins est-ce supposé de ce que je le postface, n'est donc pas un écrit. Une transcription, voilà un mot que je découvre grâce à la modestie de J. A. M., Jacques-Alain, Miller du nom : ce qui se lit passe-à-travers l'écriture en y restant indemne. Or ce qui se lit, c'est de ça que je parle, puisque ce que je dis est voué à l'inconscient, soit à ce qui se lit avant tout. Faut-il que j'insiste ? — Naturellement : puisque ici je n'écris pas. À le faire, je posteffacerais [post-effacer] mon séminaire, je ne le postfacerais pas. J'insisterai, comme il faut pour que ça se lise. Mais j'ai encore à rendre à l'auteur de ce travail de m'avoir convaincu, — de m'en témoigner son cours durant —, que ce qui se lit de ce que je dis, ne se lit pas moins de ce que je le dise. L'accent à mettre étant sur le dire, car le je peut bien encore courir. Bref qu'il pourrait y avoir profit pour ce qui est de faire consistant le discours analytique, à ce que je me fie à ce qu'on me relise. Le mettre à l'heure de ma venue à l'École normale n'étant là que prendre note de la fin de mon désert. On ne peut douter par le temps que j'y mis de ce que l'issue me déplaise que j'ai qualifiée de poubellication. Mais qu'on p'oublie ce que je dis au point d'y mettre le tour universitaire, vaut bien que j'en marque ici l'incompatibilité. Poser l'écrit comme je le fais, qu'on remarque qu'à la pointe c'est acquis, voire qu'on en fera son statut. Y serais-je pour un peu, n'empêcherait pas que ce fut établi bien avant mes trouvailles, puisque après tout l'écrit comme pas-à-lire, c'est Joyce qui l'introduit, je ferais mieux de dire : l'intraduit, car à faire du mot traite au-delà des langues, il ne se traduit qu'à peine, d'être partout également peu à lire. Moi cependant vu à qui je parle, j'ai à ôter de ces têtes ce qu'elles croient tenir de l'heure de l'école, dite sans doute maternelle de ce qu'on y possède à la dématernalisation : soit qu'on apprenne à lire en s'alphabêtissant. Comme si l'enfant à savoir lire d'un dessin que c'est la girafe, d'un autre que c'est guenon qui est à dire n'apprenait pas seulement que le G dont les deux s'écrivent, n'a rien à faire de se lire puisqu'il n'y répond pas. Que ce qui se produit dès lors d'anorthographie ne soit jugeable qu'à prendre la fonction de l'écrit pour un mode autre du parlant dans le langage, c'est où l'on gagne dans le bricolage soit petit à petit, mais ce qui irait plus vite à ce qu'on sache ce qu'il en est. Ça ne serait déjà pas mal que se lire s'entendît comme il convient, là où on a le devoir d'interpréter. Que ce soit la parole où ne se lise pas ce qu'elle dit, voilà pourtant ce dont l'analyste sursaute passé le moment où il se poussah, ah ! à se donner de l'écoute jusqu'à ne plus tenir debout. Intention, défi on se défile, défiant on se défend, refoule, renâcle, tout lui sera bon pour ne pas entendre que le « pourquoi me mens-tu à me dire le vrai ? » de l'histoire qu'on dit juive de ce que c'y soit le moins bête qui parle n'en dit pas moins que c'est de n'être pas un livre de lecture que l'indicateur des chemins de fer est là le recours par quoi se lit Lemberg au lieu de Cracovie — ou bien encore que ce qui tranche en tout cas la question, c'est le billet que délivre la gare. Mais la fonction de l'écrit ne fait pas alors l'indicateur, mais la voie même du chemin de fer. Et l'objet (a) tel que je l'écris c'est lui le rail par où en vient au plus-de-jouir ce dont s'habite, voire s'abrite la demande à interpréter. Si du butinage de l'abeille je lis sa part dans la fertilité des plantes phanérogames, si j'augure du groupe plus ras-de-terre à se faire vol d'hirondelles la fortune des tempêtes, — c'est bien de ce qui les porte au signifiant de ce fait que je parle, que j'ai à rendre compte. Souvenir ici de l'impudence qu'on m'imputa pour ces écrits d'avoir du mot fait ma mesure. Une Japonaise en était hors-de-soi, ce dont je m'étonnai. C'est que je ne savais pas, bien que propulsé, justement par ses soins, là où s'habite sa langue, que ce lieu pourtant je ne le tâtais que du pied. Je n'ai compris que depuis ce que le sensible y reçoit de cette écriture qui de l'on-yomi au Kun-yomi répercute le signifiant au point qu'il s'en déchire de tant de réfractions, à quoi le journal le moindre, le panonceau au carrefour satisfont et appuient. Rien n'aide autant à refaire des rayons qui ruissellant d'autant de vannes, ce qui de la source par Amaterasu vint au jour. C'est au point que je me suis dit que l'être parlant par là peut se soustraire aux artifices de l'inconscient qui ne l'atteignent pas de s'y fermer. Cas-limite à me confirmer. Vous ne comprenez pas stécriture. Tant mieux, ce vous sera raison de l'expliquer. Et si ça reste en plan, vous en serez quitte pour l'embarras. Voyez, pour ce qui m'en reste, moi j'y survis. Encore faut-il que l'embarras soit sérieux pour que ça compte. Mais vous pouvez pour ça me suivre : n'oubliez pas que j'ai rendu ce mot à son sort dans mon séminaire sur l'angoisse, soit l'année d'avant ce qui vient ici. C'est vous dire qu'on ne s'en débarrasse si facilement que de moi. En attendant que l'échelle vous soit propice de ce qui se lit ici : je ne vous y fais pas monter pour en redescendre. Ce qui me frappe quand je relis ce qui fut ma parole c'est la sûreté qui me préserva de faire bêtise au regard de ce qui me vint depuis. Le risque à chaque fois me paraît entier et c'est ce qui me fait fatigue. Que J. A. M. me l'ait épargné, me laisse à penser que ce ne sera rien pour vous, mais aussi bien me fait croire que si j'en réchappe, c'est que d'écrit j'ai plus que je n'écrois. Rappelons pour nous qui nous écroyons moins qu'au Japon, ce qui s'impose du texte de la Genèse, c'est que d'ex nihilo rien ne s'y crée que du signifiant. Ce qui va de soi puisqu'en effet ça ne vaut pas plus. L'inconvénient est qu'en dépende l'existence, soit ce dont seul le dire est témoin. Que Dieu s'en prouve eût dû depuis longtemps le remettre à sa place. Soit celle dont la Bible pose que ce n'est pas mythe, mais bien histoire, on l'a marqué, et c'est en quoi l'évangile selon Marx ne se distingue pas de nos autres. L'affreux est que le rapport dont se fomente toute la chose, ne concerne rien que la jouissance et que l'interdit qu'y projette la religion faisant partage avec la panique dont procède à cet endroit la philosophie, une foule de substances en surgissent comme substituts à la seule propre, celle de l'impossible à ce qu'on en parle, d'être le réel. Cette « stance-par-en-dessous » ne se pourrait-il qu'elle se livrât plus accessible de cette forme pour où l'écrit déjà dit poème fait le dire le moins bête ? Ceci ne vaut-il pas la peine d'être construit, si c'est bien ce que je présume de terre promise à ce discours nouveau qu'est l'analyse ? Non pas que puisse s'en attendre jamais ce rapport dont je dis que c'est l'absence qui fait l'accès du parlant au réel. Mais l'artifice des canaux par où la jouissance vient à causer ce qui se lit comme le monde, voilà, l'on conviendra, ce qui vaut que ce qui s'en lit, évite l'onto —, Toto prend note, l'onto —, voire l'ontotautologie.
Pas moins qu'ici. |
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[1]
Communication faite au 16e congrès international de psychanalyse, à Zürich, le 17 juillet 1949. [2] Jacques Lacan, Le Séminaire, livre XI, Seuil © 1973, p. 185. [3] Jacques Lacan, Joyce avec Lacan, 1979, Navarin © 1987, pp. 31-32. [4] Jacques Lacan, Écrits I, Seuil © 1966, Points Essais © 1999 pp. 257-258. [5] Jacques Lacan, Écrits II, Seuil © 1966, pp. 279-281. [6] Jacques Lacan, Écrits I, Seuil © 1966, Points Essais © 1999 pp. 513-515. [7] Jacques Lacan, Écrits II, Seuil © 1966,, pp. 56-58, 60-61. [8] Jacques Lacan, Séminaire de Caracas, 1980. [9] Jacques Lacan, Écrits II, Seuil © 1966, pp. 149-154. [10] Jacques Lacan, Télévision, Seuil © 1974, LES DEUX SEXES, INA © 1975. [11] Jacques Lacan, Conférence de Louvain, 1972, École de la Cause freudienne © 2017, p. 11.
[13]
Jacques Lacan, Des Noms-du-Père, Seuil © 2005,
[14]
Jacques Lacan, Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, PUF © 1953,
[15]
Jacques Lacan, Écrits I, Seuil © 1966, Points Essais © 1999
p. 507.
[16]
Jacques Lacan, Le Séminaire, livre III — Les psychoses, 1955-1956, Seuil © 1981.
[17]
Jacques Lacan, Écrits II, (D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose),
Seuil © 1966,
p. 20.
[18]
Jacques Lacan, Autres écrits, (Note sur l'enfant),
Seuil © 2021,
pp. 373-374. [19] Jacques Lacan, Le Séminaire, livre XI, Seuil © 1973, pp. 237-242. |
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