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~ 500 av. J.-C. |
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Héraclite [1] |
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SOMMAIRE |
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1. On ne peut pas entrer une seconde fois dans le même fleuve, car c'est une autre eau qui vient à vous ; elle se dissipe et s'amasse de nouveau ; elle recherche et abandonne, elle s'approche et s'éloigne. Nous descendons et nous ne descendons pas dans ce fleuve, nous y sommes et nous n'y sommes pas. [2] 2. Tout vient des contraires, en sorte que la même chose est bonne et mauvaise, vivante et morte ; elle veille et dort, elle est jeune et vieille tout à la fois. — Notre vie n'est pas une vie véritable, mais le vivre et le mourir sont tout à la fois et dans notre vie et dans notre mort. [3] 3. L'universalité des choses n'est ni l'oeuvre des dieux, ni celle des hommes ; mais elle a été, et elle sera éternellement le feu vivant, s'embrasant et s'éteignant avec mesure. [4] 4. Tout se convertit en feu et le feu se transforme en tout, comme l'or se change contre les marchandises, et les marchandises contre l'or. [5] 5. Les transformations du feu ont d'abord lieu en eau, de l'eau en terre. [6] — Car telles sont les transformations du feu : d'abord, du feu vient la mer ; puis la moitié se convertit en terre, et la moitié en vapeur. [7] Et la mer se répand toujours de la même façon et au même rythme mesuré qu'autrefois, avant que la terre fût. [8] 6. Les hommes sont des divinités mortelles, et les dieux des hommes immortels vivant de notre mort, mourant de notre vie. [9] 7. L'esprit humain n'a aucune connaissance, mais Dieu seul connaît ; l'homme, dépourvu de sagesse, apprend autant de Dieu que le petit enfant apprend de l'homme. [10] 8. L'harmonie du monde provient des forces contraires comme celle de la lyre et de l'arc. — Il gourmandait Homère d'avoir souhaité la fin de toutes les querelles des dieux et des hommes ; car s'il en était ainsi, tout périrait, parce qu'il n'y a pas d'harmonie sans haut et sans bas, sans aigu et sans grave ; et il n'y a rien de vivant sans mâle et sans femelle. [11] — Il y a comme une guerre et une lutte universelle, et tout est engendré et gouverné par la discorde. [12] 9. Unis tout et pas tout, ce qui s'attire et ce qui se repousse, ce qui s'accorde et ce qui ne s'accorde point ; tire du général le particulier et le particulier du général. [13] |
Les opinions sont des jouets d'enfants Il ne faut pas agir et parler comme les enfants de nos parents. [14] |
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[1]
Héraclite d'Éphèse, Fragments.
[2] Alfred Fouillée, Extraits des grands Philosophes, Librairie Delagrave, 1938, p. 25.
La dernière phrase de cette citation est traduite ainsi par Samuel Béreau sur le site [3] Cité par Fouillée, ibid., d'après Clément d'Alex., Stromates ; et Plutarque, Consol. ad Apoll. ; et Sextus Emp., Hyp. Pyrrh., III. [4] Clément d'Alex., Stromates, V, cf. Migne, P. G., IX, p. 159, n. 255. [5] Cité par Fouillée, op. cit., p. 25. [6] Aristote, Top., VIII, 3 ; cf. Fouillée, ibid. [7] Clément d'Alex., Strom., V ; Pat. Gr., IX, p. 159, n. 255. [8] Ibid., P. G., p. 159, n. 256. [9] Clément d'Alex., Pédagogue, III ; Migne, P. G., VIII, p. 555, n. 92. [10] Origène, Contr. Celse, VI, éd. Corp. Vienne, II, p. 82. P. G., t. XI, c. 1307, n. 638-639. [11] Cité, d'après Plut. et Diog. Laërce, par Fouillée, op. cit., p. 25. [12] Origène, Cont. Cels., liv. VI, n. 663 ; P. G., t. XI, [...] 1359. [13] Aristote, De mundo, 5 ; cf. Fouillée, ibid., p. 26. [14] Marcel Conche, Héraclite — Fragments — traduction et commentaires, PUF © 1986. Commentaire de Marcel Conche : « C'est-à-dire, en termes simples, comme nous l'avons appris par l'éducation. Nos parents nous laissent un lourd héritage culturel d'idées reçues qu'ils nous transmettent, dont ils voudraient qu'elles restent les nôtres. Notamment par l'éducation religieuse et morale, ils visent à faire en sorte que les enfants leur ressemblent dans leurs idéaux. Et les enfants, pour la plupart se conforment au patron, au modèle, que les parents ont arrêté pour eux... Une éducation qui fournisse l'individu en réponses avant même que la raison ne se soit éveillée, que la capacité de libre recherche ne se soit développée. Le jeune qui a vocation de philosopher ne doit « ni parler », c'est-à-dire ne pas ressasser, une fois encore, les croyances léguées par tradition, « ni agir » c'est-à-dire ne pas avoir, simplement parce que c'est ou ce fut le leur, le comportement de son père ou de ceux qui lui ressemblent. Les hommes, pour autant qu'ils reproduisent les croyances et le monde particulier et clos dont ils ont hérité, sont toute leur vie sous la coupe de leurs parents. Comme l'enfant, devenant homme, rejette ses jouets, de la même manière, il doit rejeter les opinions qui lui ont été léguées soumettant tout au libre examen. Toutefois, la plupart des hommes en restent « aux vérités » de groupe et ne s'en libèrent jamais. Ils vieillissent enfants et leurs croyances et opinions sont leurs jouets auxquels ils se plaisent toujours. Ils prennent leurs opinions au sérieux comme les enfants leurs jouets... et deviennent furieux et agressifs (comme les enfants que l'on prive de leurs jouets) lorsque l'esprit critique fait apparaître dans leur prétendues « vérités » et idées générales des hochets ridicules pour leur âge qu'on veut leur ôter. » |
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