QUERELLE DES UNIVERSAUX 

Guillaume de Champeaux

par Eugène Michaud
et par Jean Jolivet

Texte fondateur

1867 et 1969

Ont dit sur
Guillaume de Champeaux [1]

SOMMAIRE

d'après L'Abbé E. Michaud

d'après Jean Jolivet

d'après L'Abbé E. Michaud [2]

Bref, admettre qu'il existe dans chaque chose un élément général et un élément particulier : par conséquent, que dans chaque individu il y a, outre l'élément propre à cet individu, un élément commun à tous qui s'appelle l'espèce ; pareillement, que dans chaque espèce il y a, outre l'élément propre à cette espèce, un élément commun à toutes qui s'appelle le genre ; pareillement encore, que dans chaque genre il y a, outre l'élément propre à ce genre, un élément commun à tous qui s'appelle le règne ; et enfin, que dans chaque règne il y a, outre un élément propre à ce règne, un élément commun à tous qui s'appelle la matière première ; admettre que cette matière première, ce substratum unique et ultime, est le fond commun de tous les êtres matériels ; que par leur participation à ce fond commun tous les êtres matériels sont identiques dans leur essence, laquelle est tout entière dans chacun d'eux ; par conséquent que l'universel se trouve, essentiellement et identiquement, à la fois soit dans tout le règne et dans chacun des genres du règne, soit dans tout le genre et dans chacune des espèces du genre, soit dans toute l'espèce et dans chacun des individus de l'espèce, comme l'âme qui ne cesse pas d'être une, tout en étant, essentiellement et identiquement, à la fois dans tout le corps et dans chacune des parties du corps. Telle fut la première explication que Guillaume de Champeaux donna de son réalisme.

d'après Jean Jolivet [3]

Dans le domaine de la dialectique, il professe deux doctrines successives. Selon la première, l'universel est une chose, essentiellement la même, présente à la fois dans tous les individus ; si l'on privait ces derniers de leurs accidents, ou formes, toute différence entre les choses s'abolirait, elles seraient réduites à leur matière universelle commune. On a reconnu la première des thèses critiquées par Abélard ; signalons que celui-ci, dans les Gloses de Lunel (ses troisièmes Gloses sur Porphyre), trouve un argument nouveau, tiré de la théologie : si les formes fondent seules les différences individuelles, il y a identité entre la substance divine, qui ne reçoit pas d'accidents, et la substance universelle, premier des prédicaments ; c'est là une « détestable hérésie ».

La position sur laquelle Guillaume se replie après ses discussions malheureuses avec Abélard lui est offerte par la théorie de l'indifférence : chez deux hommes, Pierre et Paul, l'humanité n'est pas identique, mais semblable, c'est-à-dire non différente.

[1] Le cas de Guillaume de Champeaux est un exemple patent où l'absence de textes originaux empêche de juger par soi-même de la doctrine d'un philosophe. Les gloses ne manquent pas pour expliquer sa pensée. Nous la connaissons, entre autres, par les critiques d'Abélard et l'apologie d'Eugène Michaud. Mais ceux-ci n'ont pas jugé bon de nous transmettre les textes sur lesquels ils ont exercé leur raisonnement. Il nous est cependant parvenu 47 fragments en latin par G. Lefèvre dans son étude sur Les variations de Guillaume de Champeaux et la question des Universaux (Université de Lille, 1898). Nous aurions apprécié que l'auteur produise la traduction française. E. Michaud affirme dans l'Appendice I (p. 529) que Guillaume de Champeaux composa de nombreux ouvrages philosophiques pour la défense et la gloire des doctrines réalistes, mais il précise que tous sont disparus.

[2] E. Michaud, Guillaume de Champeaux et les Écoles de Paris au XIIe siècle, Lib. Acad. Didier et Cie © 1867, pp. 143-144.

[3] Brice Parain, Histoire de la philosophie 1 vol.2, Gallimard © 1969, p. 1305.

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