1855

Inégalité des races humaines

par Joseph Arthur, comte de Gobineau

Extrait de « Essai sur l'inégalité des races humaines »[1]

Les inégalités ethniques ne sont pas le résultat des institutions

Le peuple juif est habile, libre, fort et intelligent

Les races noire, jaune et blanche

Race noire

Race jaune

Race blanche

Croisements interraciaux et dégénération

Toute véritable civilisation découle de la race blanche

* * *

Les inégalités ethniques ne sont pas le résultat des institutions [2]

L'idée d'une inégalité native, originelle, tranchée et permanente entre les diverses races, est, dans le monde, une des opinions le plus anciennement répandues et adoptées ; et, vu l'isolement primitif des tribus, des peuplades, et ce retirement vers elles-mêmes que toutes ont pratiqué à une époque plus ou moins lointaine, et d'où un grand nombre n'est jamais sorti, on n'a pas lieu d'en être étonné. À l'exception de ce qui s'est passé dans nos temps les plus modernes, cette notion a servi de base à presque toutes les théories gouvernementales. Pas de peuple, grand ou petit, qui n'ait débuté par en faire sa première maxime d'État. Le système des castes, des noblesses, celui des aristocraties, tant qu'on les fonde sur les prérogatives de la naissance, n'ont pas d'autre origine ; et le droit d'aînesse, en supposant la préexcellence du fils premier-né et de ses descendants, n'en est aussi qu'un dérivé. Avec cette doctrine concordent la répulsion pour l'étranger et la supériorité que chaque nation s'adjuge à l'égard de ses voisines. Ce n'est qu'à mesure que les groupes se mêlent et se fusionnent, que, désormais agrandis, civilisés et se considérant sous un jour plus bienveillant par suite de l'utilité dont ils se sont les uns aux autres, l'on voit chez eux cette maxime absolue de l'inégalité, et d'abord de l'hostilité des races, battue en brèche et discutée. Puis, quand le plus grand nombre des citoyens de l'État sent couler dans ses veines un sang mélangé, ce plus grand nombre, transformant en vérité universelle et absolue ce qui n'est réel que pour lui, se sent appelé à affirmer que tous les hommes sont égaux. Une louable répugnance pour l'oppression, la légitime horreur de l'abus de la force, jettent alors, dans toutes les intelligences, un assez mauvais vernis sur le souvenir des races jadis dominantes et qui n'ont jamais manqué, car tel est le train du monde, de légitimer, jusqu'à un certain point, beaucoup d'accusations. De la déclamation contre la tyrannie, on passe à la négation des causes naturelles de la supériorité qu'on insulte ; on la déclare non seulement perverse, mais encore usurpatrice ; on nie, et bien à tort, que certaines aptitudes soient nécessairement, fatalement, l'héritage exclusif de telles ou telles descendances ; enfin, plus un peuple est composé d'éléments hétérogènes, plus il se complaît à proclamer que les facultés les plus diverses sont possédées ou peuvent l'être au même degré par toutes les fractions de l'espèce humaine sans exclusion. Cette théorie, à peu près soutenable pour ce qui les concerne, les raisonneurs métis l'appliquent à l'ensemble des générations qui ont paru, paraissent et paraîtront sur la terre, et ils finissent un jour par résumer leurs sentiments en ces mots, qui, comme l'outre d'Éole, renferment tant de tempêtes : « Tous les hommes sont frères! »

Voilà l'axiome politique. Veut-on l'axiome scientifique? « Tous les hommes, disent les défenseurs de l'égalité humaine, sont pourvus d'instruments intellectuels pareils, de même nature, de même valeur, de même portée. » Ce ne sont pas les paroles expresses, peut-être, mais du moins c'est le sens. Ainsi, le cervelet du Huron contient en germe un esprit tout à fait semblable à celui de l'Anglais et du Français! Pourquoi donc, dans le cours des siècles, n'a-t-il découvert ni l'imprimerie ni la vapeur? Je serais en droit de lui demander, à ce Huron, s'il est égal à nos compatriotes, d'où il vient que les guerriers de sa tribu n'ont pas fourni de César ni de Charlemagne, et par quelle inexplicable négligence ses chanteurs et ses sorciers ne sont jamais devenus ni des Homères ni des Hippocrates? À cette difficulté on répond, d'ordinaire, en mettant en avant l'influence souveraine des milieux. Suivant cette doctrine, une île ne verra point, en fait de prodiges sociaux, ce que connaîtra un continent ; au nord, on ne sera pas ce qu'on est au midi ; les bois ne permettront pas les développements que favorisera la plaine découverte ; que sais-je? L'humidité d'un marais fera pousser une civilisation que la sécheresse du Sahara aurait infailliblement étouffée. Quelque ingénieuses que soient ces petites hypothèses, elles ont contre elles la voix des faits. Malgré le vent, la pluie, le froid, le chaud, la stérilité, la plantureuse abondance, partout le monde a vu fleurir tour à tour, et sur les mêmes sols, la barbarie et la civilisation. Le fellah abruti se calcine au même soleil qui brûlait le puissant prêtre de Memphis ; le savant professeur de Berlin enseigne sous le même ciel inclément qui vit jadis les misères du sauvage finnois.

Le peuple juif est habile, libre, fort et intelligent [3]

Mais je ne me bornerai pas à montrer qu'une situation géographique, déclarée convenable parce qu'elle est fertile, ou, précisément encore, parce qu'elle ne l'est pas, ne donne pas aux nations leur valeur sociale : il faut encore bien établir que cette valeur sociale est tout à fait indépendante des circonstances matérielles environnantes. Je citerai les Arméniens, renfermés dans leurs montagnes, dans ces mêmes montagnes où tant d'autres peuples vivent et meurent barbares de génération en génération, parvenant, dès une antiquité très reculée, à une civilisation assez haute. Ces régions pourtant étaient presque closes, sans fertilité remarquable, sans communication avec la mer.

Les Juifs se trouvaient dans une position analogue, entourés de tribus parlant des dialectes d'une langue patente de la leur, et dont la plupart leur tenaient d'assez près par le sang ; ils devancèrent pourtant tous ces groupes. On les vit guerriers, agriculteurs, commerçants ; on les vit, sous ce gouvernement singulièrement compliqué, où la monarchie, la théocratie, le pouvoir patriarcal des chefs de famille et la puissance démocratique du peuple, représentée par les assemblées et les prophètes, s'équilibraient d'une manière bien bizarre, traverser de longs siècles de prospérité et de gloire, et vaincre, par un système d'émigration des plus intelligents, les difficultés qu'opposaient à leur expansion les limites étroites de leur domaine. Et qu'était-ce encore que ce domaine? Les voyageurs modernes savent au prix de quels efforts savants les agronomes israélites en entretenaient la factice fécondité. Depuis que cette race choisie n'habite plus ses montagnes et ses plaines, le puits où buvaient les troupeaux de Jacob est comblé par les sables, la vigne de Naboth a été envahie par le désert, tout comme l'emplacement du palais d'Achab par les ronces. Et dans ce misérable coin du monde, que furent les Juifs? Je le répète, un peuple habile en tout ce qu'il entreprit, un peuple libre, un peuple fort, un peuple intelligent, et qui, avant de perdre bravement, les armes à la main, le titre de nation indépendante, avait fourni au monde presque autant de docteurs que de marchands [4].

Les races noire, jaune et blanche [5]

J'ai montré la place réservée qu'occupe notre espèce dans le monde organique. On a pu voir que de profondes différences physiques, que des différences morales non moins accusées, la séparaient de toutes les autres classes d'êtres vivants. Ainsi mise à part, je l'ai étudiée en elle-même, et la physiologie, bien qu'incertaine dans ses voies, peu sûre dans ses ressources, et défectueuse dans ses méthodes, m'a néanmoins permis de distinguer trois grands types nettement distincts, le noir, le jaune et le blanc.

Race noire

La variété mélanienne [à pigment de peau foncé] est la plus humble et gît au bas de l'échelle. Le caractère d'animalité empreint dans la forme de son bassin lui impose sa destinée, dès l'instant de la conception. Elle ne sortira jamais du cercle intellectuel le plus restreint. Ce n'est cependant pas une brute pure et simple, que ce nègre à front étroit et fuyant, qui porte, dans la partie moyenne de son crâne, les indices de certaines énergies grossièrement puissantes. Si ces facultés pensantes sont médiocres ou même nulles, il possède dans le désir, et par suite dans la volonté, une intensité souvent terrible. Plusieurs de ses sens sont développés avec une vigueur inconnue aux deux autres races : le goût et l'odorat principalement [6].

Mais là, précisément, dans l'avidité même de ses sensations, se trouve le cachet frappant de son infériorité. Tous les aliments lui sont bons, aucun ne le dégoûte, aucun ne le repousse. Ce qu'il souhaite, c'est manger, manger avec excès, avec fureur ; il n'y a pas de répugnante charogne indigne de s'engloutir dans son estomac. Il en est de même pour les odeurs, et sa sensualité s'accommode non seulement des plus grossières, mais des plus odieuses. À ces principaux traits de caractère il joint une instabilité d'humeur, une variabilité de sentiments que rien ne peut fixer, et qui annule, pour lui, la vertu comme le vice. On dirait que l'emportement même avec lequel il poursuit l'objet qui a mis sa sensitivité en vibration et enflammé sa convoitise, est un gage du prompt apaisement de l'une et du rapide oubli de l'autre. Enfin il tient également peu à sa vie et à celle d'autrui ; il tue volontiers pour tuer, et cette machine humaine, si facile à émouvoir, est, devant la souffrance, ou d'une lâcheté qui se réfugie volontiers dans la mort, ou d'une impassibilité monstrueuse.

Race jaune

La race jaune se présente comme l'antithèse de ce type. Le crâne, au lieu d'être rejeté en arrière, se porte précisément en avant. Le front, large, osseux, souvent saillant, développé en hauteur, plombe sur un faciès triangulaire, où le nez et le menton ne montrent aucune des saillies grossières et rudes qui font remarquer le nègre. Une tendance générale à l'obésité n'est pas là un trait tout à fait spécial, pourtant il se rencontre plus fréquemment chez les tribus jaunes que dans les autres variétés. Peu de vigueur physique, des dispositions à l'apathie. Au moral, aucun de ces excès étranges, si communs chez les Mélaniens. Des désirs faibles, une volonté plutôt obstinée qu'extrême, un goût perpétuel mais tranquille pour les jouissances matérielles ; avec une rare gloutonnerie, plus de choix que les nègres dans les mets destinés à la satisfaire. En toutes choses, tendances à la médiocrité ; compréhension assez facile de ce qui n'est ni trop élevé ni trop profond ; amour de l'utile, respect de la règle, conscience des avantages d'une certaine dose de liberté. Les jaunes sont des gens pratiques dans le sens étroit du mot. Ils ne rêvent pas, ne goûtent pas les théories, inventent peu, mais sont capables d'apprécier et d'adopter ce qui sert. Leurs désirs se bornent à vivre le plus doucement et le plus commodément possible. On voit qu'ils sont supérieurs aux nègres. C'est une populace et une petite bourgeoisie que tout civilisateur désirerait choisir pour base de sa société : ce n'est cependant pas de quoi créer cette société ni lui donner du nerf, de la beauté et de l'action.

Race blanche

Viennent maintenant les peuples blancs. De l'énergie réfléchie, ou pour mieux dire, une intelligence énergique ; le sens de l'utile, mais dans une signification de ce mot beaucoup plus large, plus élevée, plus courageuse, plus idéale que chez les nations jaunes ; une persévérance qui se rend compte des obstacles et trouve, à la longue, les moyens de les écarter ; avec une plus grande puissance physique, un instinct extraordinaire de l'ordre, non plus seulement comme gage de repos et de paix, mais comme moyen indispensable de conservation, et, en même temps, un goût prononcé de la liberté, même extrême ; une hostilité déclarée contre cette organisation formaliste où s'endorment volontiers les Chinois, aussi bien que contre le despotisme hautain, seul frein suffisant aux peuples noirs.

Les blancs se distinguent encore par un amour singulier de la vie. Il paraît que, sachant mieux en user, ils lui attribuent plus de prix, ils la ménagent davantage, en eux-mêmes et dans les autres. Leur cruauté, quand elle s'exerce, a la conscience de ses excès, sentiment très problématique chez les noirs. En même temps, cette vie occupée, qui leur est si précieuse, ils ont découvert des raisons de la livrer sans murmure. Le premier de ces mobiles, c'est l'honneur, qui, sous des noms à peu près pareils, a occupé une énorme place dans les idées, depuis le commencement de l'espèce. Je n'ai pas besoin d'ajouter que ce mot d'honneur et la notion civilisatrice qu'il renferme sont, également, inconnus aux jaunes et aux noirs.

Pour terminer le tableau, j'ajoute que l'immense supériorité des blancs, dans le domaine entier de l'intelligence, s'associe à une infériorité non moins marquée dans l'intensité des sensations. Le blanc est beaucoup moins doué que le noir et que le jaune sous le rapport sensuel. Il est ainsi moins sollicité et moins absorbé par l'action corporelle, bien que sa structure soit remarquablement plus vigoureuse [7].

Tels sont les trois éléments constitutifs du genre humain, [...].

Croisements interraciaux et dégénération [8]

[...] C'est de la combinaison des variétés de chacun de ces types, se mariant entre elles, que les groupes tertiaires sont issus. Les quatrièmes formations sont nées du mariage d'un de ces types tertiaires ou d'une tribu pure avec un autre groupe ressortant d'une des deux espèces étrangères.

Il serait inexact de prétendre que tous les mélanges sont mauvais et nuisibles. Si les trois grands types, demeurant strictement séparés, ne s'étaient pas unis entre eux, sans doute la suprématie serait toujours restée aux plus belles des tribus blanches, et les variétés jaunes et noires auraient rampé éternellement aux pieds des moindres nations de cette race. C'est un état en quelque sorte idéal, puisque l'histoire ne l'a pas vu. Nous ne pouvons l'imaginer qu'en reconnaissant l'incontestable prédominance de ceux de nos groupes demeurés les plus purs.

Mais tout n'aurait pas été gain dans une telle situation. La supériorité relative, en persistant d'une manière plus évidente, n'aurait pas, il faut le reconnaître, été accompagnée de certains avantages que les mélanges ont produits, et qui, bien que ne contrebalançant pas, tant s'en faut, la somme de leurs inconvénients, n'en sont pas moins dignes d'être, quelquefois, applaudis. C'est ainsi que le génie artistique, également étranger aux trois grands types, n'a surgi qu'à la suite de l'hymen des blancs avec les nègres. C'est encore ainsi que, par la naissance de la variété malaise, il est sorti des races jaunes et noires une famille plus intelligente que sa double parenté, et que de l'alliance jaune et blanche il est issu, de même, des intermédiaires très supérieurs aux populations purement finnoises aussi bien qu'aux tribus mélaniennes.

Je ne le nie pas : ce sont là de bons résultats. Le monde des arts et de la noble littérature résultant des mélanges du sang, les races inférieures améliorées, ennoblies, sont autant de merveilles auxquelles il faut applaudir. Les petits ont été élevés. Malheureusement les grands, du même coup, ont été abaissés, et c'est un mal que rien ne compense ni ne répare. Puisque j'énumère tout ce qui est en faveur des mélanges ethniques, j'ajouterai encore qu'on leur doit bien des raffinements de mœurs, de croyances, surtout des adoucissements de passions et de penchants. Mais ce sont autant de bénéfices transitoires, et si je reconnais que le mulâtre, dont on peut faire un avocat, un médecin, un commerçant, vaut mieux que son grand-père nègre, entièrement inculte et propre à rien, je dois avouer aussi que les Brahmanes de l'Inde primitive, les héros de l'Iliade, ceux du Schahnameh, les guerriers scandinaves, tous fantômes si glorieux des races les plus belles, désormais disparues, offraient une image plus brillante et plus noble de l'humanité, étaient surtout des agents de civilisation et de grandeur plus actifs, plus intelligents, plus sûrs que les populations métisses, cent fois métisses, de l'époque actuelle, et cependant, déjà, ils n'étaient pas purs.

Quoi qu'il en soit, l'état complexe des races humaines est l'état historique, et une des principales conséquences de cette situation a été de jeter dans le désordre une grande partie des caractères primitifs de chaque type. On a vu, par suite d'hymens multipliés, les prérogatives, non seulement diminuer d'intensité comme les défauts, mais aussi se séparer, s'éparpiller et se faire souvent contraste. La race blanche possédait originairement le monopole de la beauté, de l'intelligence et de la force. À la suite de ses unions avec les autres variétés, il se rencontra des métis beaux sans être forts, forts sans être intelligents, intelligents avec beaucoup de laideur et de débilité. Il se trouva aussi que la plus grande abondance possible du sang des blancs, quand elle s'accumulait, non pas d'un seul coup, mais par couches successives, dans une nation, ne lui apportait plus ses prérogatives naturelles. Elle ne faisait souvent qu'augmenter le trouble déjà existant dans les éléments ethniques et ne semblait conserver de son excellence native qu'une plus grande puissance dans la fécondation du désordre. Cette anomalie apparente s'explique aisément, puisque chaque degré de mélange parfait produit, outre une alliance d'éléments divers, un type nouveau, un développement de facultés particulières. Aussitôt qu'à une série de créations de ce genre d'autres éléments viennent s'adjoindre encore, la difficulté d'harmoniser le tout crée l'anarchie, et plus cette anarchie augmente, plus les meilleurs, les plus riches, les plus heureux apports perdent leur mérite et, par le seul fait de leur présence, augmentent un mal qu'ils se trouvent impuissants à calmer. Si donc les mélanges sont, dans une certaine limite, favorables à la masse de l'humanité, la relèvent et l'ennoblissent, ce n'est qu'aux dépens de cette humanité même, puisqu'ils l'abaissent, l'énervent, l'humilient, l'étêtent dans ses plus nobles éléments, et quand bien même on voudrait admettre que mieux vaut transformer en hommes médiocres des myriades d'êtres infimes que de conserver des races de princes dont le sang, subdivisé, appauvri, frelaté, devient l'élément déshonoré d'une semblable métamorphose, il resterait encore ce malheur que les mélanges ne s'arrêtent pas ; que les hommes médiocres, tout à l'heure formés aux dépens de ce qui était grand, s'unissent à de nouvelles médiocrités, et que de ces mariages, de plus en plus avilis, naît une confusion qui, pareille à celle de Babel, aboutit à la plus complète impuissance, et mène les sociétés au néant auquel rien ne peut remédier.

Toute véritable civilisation découle de la race blanche [9]

C'est là ce que nous apprend l'histoire. Elle nous montre que toute civilisation découle de la race blanche, qu'aucune ne peut exister sans le concours de cette race, et qu'une société n'est grande et brillante qu'à proportion qu'elle conserve plus longtemps le noble groupe qui l'a créée et que ce groupe lui-même appartient au rameau le plus illustre de l'espèce. Pour exposer ces vérités dans un jour éclatant, il suffit d'énumérer, puis d'examiner les civilisations qui ont régné dans le monde, et la liste n'en est pas longue.

Du sein de ces multitudes de nations qui ont passé ou vivent encore sur la terre, dix seulement se sont élevées à l'état de sociétés complètes. Le reste, plus ou moins indépendant, gravite à l'entour comme les planètes autour de leurs soleils. Dans ces dix civilisations, s'il se trouve, soit un élément de vie étranger à l'impulsion blanche, soit un élément de mort qui ne provienne pas des races annexées aux civilisateurs, ou du fait des désordres introduits par les mélanges, il est évident que toute la théorie exposée dans ces pages est fausse. Au contraire, si les choses se trouvent telles que je les annonce, la noblesse de notre espèce reste prouvée de la manière la plus irréfragable, et il n'y a plus moyen de la contester. C'est là que se rencontrent donc, tout à la fois, la seule confirmation suffisante et le détail désirable des preuves du système. C'est là, seulement, que l'on peut suivre, avec une exactitude satisfaisante, le développement de cette affirmation fondamentale, que les peuples ne dégénèrent que par suite et en proportion des mélanges qu'ils subissent, et dans la mesure de qualité de ces mélanges ; que, quelle que soit cette mesure, le coup le plus rude dont puisse être ébranlée la vitalité d'une civilisation, c'est quand les éléments régulateurs des sociétés et les éléments développés par les faits ethniques en arrivent à ce point de multiplicité qu'il leur devient impossible de s'harmoniser, de tendre, d'une manière sensible, vers une homogénéité nécessaire, et, par conséquent, d'obtenir, avec une logique commune, ces instincts et ces intérêts communs, seules et uniques raisons d'être d'un lien social. Pas de plus grand fléau que ce désordre, car, si mauvais qu'il puisse rendre le temps présent, il prépare un avenir pire encore.

Pour entrer dans ces démonstrations, je vais aborder la partie historique de mon sujet. C'est une tâche vaste, j'en conviens ; cependant, elle se présente si fortement enchaînée dans toutes ses parties, et, là, si concordante, convergeant si strictement vers le même but, que, loin d'être embarrassé de sa grandeur, il me semble en tirer un puissant secours pour mieux établir la solidité des arguments que je vais moissonner. Il me faudra, sans doute, parcourir, avec les migrations blanches, une grande partie de notre globe. Mais ce sera toujours rayonner autour des régions de la haute Asie, point central d'où la race civilisatrice est primitivement descendue. J'aurai à rattacher, tour à tour, au domaine de l'histoire, des contrées qui, entrées une fois dans sa possession, ne pourront plus s'en séparer. Là, je verrai se déployer, dans toutes leurs conséquences, les lois ethniques et leur combinaison. Je constaterai avec quelle régularité inexorable et monotone elles imposent leur application. De l'ensemble de ce spectacle, à coup sûr bien imposant, de l'aspect de ce paysage animé qui embrasse, dans son cadre immense, tous les pays de la terre où l'homme s'est montré vraiment dominateur ; enfin, de ce concours de tableaux également émouvants et grandioses, je tirerai, pour établir l'inégalité des races humaines et la prééminence d'une seule sur toutes les autres, des preuves incorruptibles comme le diamant, et sur lesquelles la dent vipérine de l'idée démagogique ne pourra mordre. Je vais donc quitter, ici, la forme de la critique et du raisonnement pour prendre celle de la synthèse et de l'affirmation. Il ne me reste plus qu'à faire bien connaître le terrain sur lequel je m'établis. Ce sera court.

J'ai dit que les grandes civilisations humaines ne sont qu'au nombre de dix et que toutes sont issues de l'initiative de la race blanche [10]. Il faut mettre en tête de la liste :

  1. La civilisation indienne. Elle s'est avancée dans la mer des Indes, dans le nord et à l'est du continent asiatique, au delà du Brahmapoutra. Son foyer se trouvait dans un rameau de la nation blanche des Arians [Aryens].

  2. Viennent ensuite les Égyptiens. Autour d'eux se rallient les Éthiopiens, les Nubiens, et quelques petits peuples habitant à l'ouest de l'oasis d'Ammon. Une colonie ariane [aryenne] de l'Inde, établie dans le haut de la vallée du Nil, a créé cette société.

  3. Les Assyriens, auxquels se rattachent les Juifs, les Phéniciens les Lydiens les Carthaginois, les Hymiarites, ont dû leur intelligence sociale à ces grandes invasions blanches auxquelles on peut conserver le nom de descendants de Cham et de Sem. Quant aux Zoroastriens-Iraniens qui dominèrent dans l'Asie antérieure sous le nom de Mèdes, de Perses et de Bactriens, c'était un rameau de la famille ariane.

  4. Les Grecs étaient issus de la même souche ariane, et ce furent les éléments sémitiques qui la modifièrent.

  5. Le pendant de ce qui arrive pour l'Égypte se rencontre en Chine. Une colonie ariane, venue de l'Inde, y apporta les lumières sociales. Seulement, au lieu de se mêler, comme sur les bords du Nil, avec des populations noires, elle se fondit dans des masses malaises et jaunes, et reçut, en outre, par le nord-ouest, d'assez nombreux apports d'éléments blancs, également arians, mais non plus hindous [11].

  6. L'ancienne civilisation de la péninsule italique, d'où sortit la culture romaine, fut une marqueterie de Celtes, d'Ibères, d'Arians et de Sémites.

  7. Les races germaniques transformèrent, au Ve siècle, le génie de l'Occident. Elles étaient arianes.

8, 9, et 10 : Sous ces chiffres, je classerai les trois civilisations de l'Amérique, celles

  1. des Alléghaniens,

  2. des Mexicains

  3. et des Péruviens.

Sur les sept premières civilisations, qui sont celles de l'ancien monde, six appartiennent, en partie du moins, à la race ariane, et la septième, celle d'Assyrie, doit à cette même race la renaissance iranienne, qui est restée son plus illustre monument historique. Presque tout le continent d'Europe est occupé, actuellement, par des groupes où existe le principe blanc, mais où les éléments non-arians sont les plus nombreux. Point de civilisation véritable chez les nations européennes, quand les rameaux arians n'ont pas dominé.

Dans les dix civilisations, pas une race mélanienne n'apparaît au rang des initiateurs. Les métis seuls parviennent au rang des initiés.

De même, point de civilisations spontanées chez les nations jaunes, et la stagnation lorsque le sang arian s'est trouvé épuisé.

Voilà le thème dont je vais suivre le rigoureux développement dans les annales universelles. La première partie de mon ouvrage se termine ici.

[1] Extrait de Joseph Arthur, comte de Gobineau, Essai sur l'inégalité des races humaines. (Livres 1 à 4, Éditions Pierre Belfond, 1967).

[2] Ibid. p. 63-64.

[3] Ibid. p. 78.

[4] Salvador, Histoire des juifs. In-8°. Paris.

[5] Ibid. p. 183-184.

[6] « Le goût et l'odorat sont, chez le nègre, aussi puissants qu'informes. Il mange tout, et les odeurs les plus répugnantes, à notre avis, lui sont agréables. » (Pruner, ouvrage cité, t. I p. 133.)

[7] M. Martius remarque que l'Européen surpasse les hommes de couleur en intensité du fluide nerveux. (Reise in Brasilien, t. I, p. 259.)

[8] Ibid. p. 185.

[9] Ibid. p. 187 à 189.

[10] Je suis encore plus généreux que M. J. Mohl. Le savant professeur exprime ainsi son opinion à ce sujet : « Quand on réfléchit qu'il n'y a eu dans le monde que trois grandes impulsions civilisatrices, celle donnée par les Indiens, celle donnée par les Sémites et celle donnée par les Chinois, que l'histoire de l'esprit humain n'est que le développement et la lutte de ces trois éléments, on comprend alors de quelle importance, etc. » (Rapport annuel fait à la Société asiatique, 1851.) On ne verra rien, du reste, dans ce que j'ai à dire qui contredise ce point de vue fort exact, mais un peu abstrait.

[11] Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion d'en avertir le lecteur je me vois quelquefois contraint de poser a priori, comme déjà démontrés, des faits qui sont discutés plus tard. Je demande pardon de cette liberté sans laquelle il me serait impossible de cheminer. Tout ce que je puis faire, c'est d'en restreindre l'usage aux cas véritablement impérieux. L'origine ariane des sociétés égyptienne et chinoise appelle la démonstration, je ne me le dissimule pas, et je ferai de mon mieux pour la donner.