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1543 |
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Héliocentrisme |
Épigraphe
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Exorde [2] Tu as dans cet ouvrage encore nouveau, né et édité, studieux lecteur, les Mouvements des étoiles, tant fixes qu'errantes, rétablis d'une part d'après les observations anciennes, d'autre part d'après les récentes : et de plus pourvus de nouvelles et admirables hypothèses. Tu as encore les Tables très apprêtées, desquelles tu pourras le plus possible très facilement calculer les mêmes [mouvements] pour les temps que tu veux. Donc acquiers, lis, fais usage. Que personne ignorant la géométrie n'entre. À Nuremberg, chez Jean Petreius, en l'an MDXLIII. |
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Le monde est fait sphérique [3] D'abord il doit être remarqué par nous que le monde est sphérique, soit parce que la forme elle-même est la plus parfaite de toutes, n'ayant besoin d'aucun assemblage, toute en bon état, soit qu'elle-même soit la plus ample des figures qui convienne pour renfermer toutes les choses et les respecter le plus, soit encore parce que chaque partie la plus disjointe du monde est vue selon une telle forme : je dis le Soleil, la Lune et les étoiles ; soit parce que tout désirerait être terminé par celle-ci, ce qui apparaît dans les gouttes d'eau et dans les autres corps liquides, tandis qu'ils désirent être terminés par soi. C'est pourquoi personne ne douterait qu'une telle forme n'ait été attribuée aux corps célestes. |
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La Terre est également faite sphérique [4] La Terre également est sphérique puisqu'elle s'appuie sur son centre par toute partie. Quoique l'orbe ne semble pas sur-le-champ délivré dans une si grande élévation des montagnes et dans la descente des vallées, qui pourtant ne varient en rien la rondeur universelle de la Terre. Ce qui est ainsi manifeste. En effet pour ceux allant souvent de partout vers le Nord, ce pôle de la révolution diurne est peu à peu soulevé, l'autre allant tout autant à l'opposé, et une plus grande quantité d'étoiles vers le Nord sont vues ne pas se coucher, et dans le Sud, certaines en plus grande quantité ne pas se lever. [...] Il est saisi par les navigateurs que les eaux s'appuient également sur la même forme, puisque la Terre qui n'est pas distinguée depuis le navire est presque toujours aperçue depuis le sommet du mât. Et inversement si quelque chose brillant est employé au sommet du mât, il semble descendre peu à peu pour ceux restant sur le rivage, le vaisseau étant avancé depuis la Terre, jusqu'à ce qu'à la fin il soit occulté, comme se couchant. [...] |
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Le mouvement des corps célestes est fait égal et circulaire [5] Après cela nous exposerons que le mouvement des corps célestes est circulaire. En effet la mobilité de la Sphère est d'être roulée en cercle, obtenant sa forme par l'acte même dans le corps le plus simple, où il n'est pas de trouver le commencement, ni la fin, ni de distinguer l'un de l'autre, tandis qu'elle est mue par elle-même sur elle-même. La révolution quotidienne est très manifeste, que les Grecs appellent Nycthémère ce qui est l'espace du temps diurne et nocturne. Par celle-ci, tout le monde est pensé être entraîné du levant au couchant, la Terre exceptée. Cette mesure est comprise commune de tous les mouvements, puisque encore nous mesurons le temps lui-même surtout par le nombre des jours. Ensuite nous voyons les autres révolutions comme faisant effort contre, c'est-à-dire depuis le coucher vers le lever du Soleil, dis-je, de la Lune et des cinq étoiles errantes. Ainsi le Soleil nous règle l'année, la Lune les mois, temps très banaux ; ainsi les autres cinq planètes font chacune leur circuit. Il y a pourtant de multiples différences : d'abord parce qu'ils ne sont pas enveloppés dans les mêmes pôles que ce premier mouvement, courant à travers l'obliquité du zodiaque. Ensuite parce que dans leur circuit même ils ne semblent pas être uniformément portés : en effet le Soleil et la Lune sont saisis tantôt lents, tantôt plus rapides dans la course. D'autre part nous distinguons que les cinq autres étoiles font des stations d'un côté de l'autre. Et puisque le Soleil se dirige toujours selon un chemin direct, les autres s'écartent selon des modes variés, courant çà et là tantôt vers le Sud, tantôt vers le Nord, d'où elles ont été dites planètes [du grec planêtês « errant »]. Ajoute encore que quelquefois elles sont faites plus proches de la Terre et elles sont appelées Périgées, une autre fois plus éloignées, et sont dites Apogées. Néanmoins il faut avouer que les mouvements sont circulaires ou composés de plusieurs cercles, parce qu'elles observent pour les stations et les rétablissements des inégalités de ce mode selon une loi déterminée, ce qui ne pourrait être fait s'ils n'étaient pas circulaires. En effet le cercle est le seul qui peut ramener ce qui a été accompli, de même que, par exemple, le Soleil par un mouvement composé de cercles, dans lequel plusieurs mouvements sont compris, ramène pour nous dans le temps de quatre années l'inégalité des jours et des nuits. Puisqu'il ne peut être fait qu'un corps simple céleste soit mû inégalement sur un orbe. Il faudrait en effet que cela arrive, ou à cause de l'inconstance de la vertu mouvant, soit qu'elle soit empruntée, soit une nature interne, ou à cause de la disparité du corps tourné. En vérité puisque l'intelligence a de l'aversion pour les deux, et que quelque chose de tel est estimé indigne en eux qui ont été établis dans le meilleur arrangement : il est convenable que leurs mouvements uniformes nous apparaissent non uniformes ou à cause de leurs cercles de pôles divers, soit encore parce que la Terre ne serait pas au milieu des cercles dans lesquels ils sont mus et qu'il arrive pour nous observant depuis la Terre les passages de ces astres à cause des inégales distances, que les plus proches semblent plus grands que les plus éloignés par soi-même, ainsi (comme il a été démontré dans les optiques) dans des circonférences d'orbes égales, à cause de la différente distance de la vision, les mouvements apparaîtront inégaux dans des temps égaux. Et pour cette cause je pense nécessaire avant toutes choses de remarquer diligemment quelle manière d'être est faite de la Terre au ciel, afin que tandis que nous voulons scruter les choses très hautes, nous n'ignorions pas celles qui sont les plus proches de nous, et que par la même erreur nous n'attribuions pas aux choses célestes celles qui sont à la Terre. |
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Pourquoi les anciens estimèrent
que [6]
Pour quelles certaines autres raisons les anciens Philosophes s'efforcèrent-ils de bâtir que la Terre demeure dans le milieu du monde ? Assurément ils allèguent le plus possible la cause de la gravité et de la légèreté. Bien sûr l'élément de la Terre est le plus lourd, et toutes les choses pesantes sont portées vers elles-mêmes tendant en son plus profond milieu. Car la Terre se montrant ronde, sur laquelle les graves sont portés de chaque côté par leur nature tout à fait elle-même à angles droits vers sa surface, à moins qu'ils ne soient retenus sur la surface même, se précipitent vers son centre : puisque la ligne droite qui s'applique à angles droits sur la surface de la limite selon laquelle elle atteint la sphère, mène au centre. Donc toute la Terre se reposera d'autant plus dans le milieu, qui reçoit en soi tout ce qui tombe, et elle restera constamment immobile par son poids. Ils s'efforcent de prouver également de la même manière, par le raisonnement, les mouvements et sa nature. Certes le mouvement d'un corps simple est simple, dit Aristote : assurément l'un rectiligne, l'autre circulaire [sont] les plus simples des mouvements. D'autre part parmi les rectilignes, l'un [est] en montant, l'autre en descendant. Par le fait qu'à l'égard de tout mouvement simple, ou celui qui est vers le bas [est] vers le milieu ; ou [celui qui est] vers le haut [est] depuis le milieu ; ou que [celui qui est] autour du milieu est lui-même circulaire. Certes il convient seulement à la terre et à l'eau qui sont estimées pesantes, d'être portées vers le bas, ce qui est de gagner le milieu. De plus, pour l'air et le feu qui sont pourvus de légèreté, d'être éloignés du milieu et vers le haut : il semble conforme que le mouvement rectiligne soit concédé à ces quatre éléments, d'autre part aux corps célestes d'être tournés sur un orbe autour du milieu. Ceci selon Aristote. Si donc, dit l'Alexandrin Ptolémée, la Terre était tournée, au moins dans la révolution quotidienne, il faudrait qu'arrive le contraire des choses dites ci-dessus. Car il faudrait que le mouvement soit très excité, et sa rapidité impraticable qui, dans 24 heures, franchirait tout le tour de la Terre. Et ce qui est fortement mû par une rotation imprévue semble tout à fait inconvenant pour un amas, et être très dispersé pour l'homogénéité, à moins qu'il ne soit maintenu par une certaine force cohérente ; et depuis longtemps, dit-il, la Terre dispersée aurait abouti au ciel lui-même (ce qui est tout à fait ridicule), et d'autant plus que ce qui est animé et les autres poids quelconques, décomposés, ne resteraient fermes en aucune manière. Et même les corps tombant en ligne droite n'aborderaient pas vers leur lieu destiné et à la perpendiculaire, déplacés pendant ce temps par une aussi grande vitesse. Nous verrions également les nuages et chaque autre chose pendant dans l'air, être toujours portés vers le couchant. |
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Réfutation des raisons citées, et leur insuffisance [7] Et assurément par des causes semblables à celles-là, on dit que la Terre est au repos au milieu du monde, et qu'elle se tient certainement ainsi. En vérité si quelqu'un opine que la Terre est tournée, il dira encore que le mouvement est naturel, non violent. Assurément ce qui est selon la nature s'applique à des effets contraires à ceux qui [sont] selon la violence. En effet [les corps] sur lesquels la force ou l'élan sont portés, ne sont pas nécessairement détruits, et ils ne peuvent longtemps subsister ; assurément ceux qui sont faits par la nature se tiennent correctement et sont conservés dans leur meilleure composition. En vain donc Ptolémée craint que la Terre ne soit dispersée, et dans la révolution toutes les choses terrestres faites par la vertu de la nature, laquelle est de loin autre que celle de l'art ou que celle qui pourrait être atteinte par le talent humain. Mais pourquoi ne conjecture-t-il encore plus cela au sujet du monde, dont il faut que le mouvement soit d'autant plus rapide que le ciel est plus grand que la Terre ? Est-ce pour la raison qu'il est séparé du milieu par l'intensité inexprimable du mouvement que le ciel a été fait si grand ; autrement tomberait-il s'il s'arrêtait ? Certainement si cette raison avait lieu, la grandeur également du ciel s'en irait vers l'infini. Car lui-même sera d'autant plus emporté en haut par l'élan du mouvement, que le mouvement sera plus rapide, à cause de la circonférence toujours croissante qu'il serait nécessaire de franchir dans l'espace de 24 heures ; et inversement le mouvement croissant, l'immensité du ciel croîtrait. Ainsi la vitesse ferait avancer la grandeur, et la grandeur la vitesse, soit jusqu'à l'infini. Mais selon cet axiome Physique que ce qui est infini ne peut être franchi ni mû par aucune méthode, nécessairement le ciel sera immobile. Mais on dit qu'il n'y a pas de corps au-delà du ciel, pas de lieu, pas de vide, et absolument rien, et c'est pourquoi il n'y a [rien] qui puisse s'échapper du ciel : alors raisonnablement il est étonnant que quelque chose puisse être contenu par rien. Mais si le ciel était infini et seulement fini par la concavité intérieure, peut-être serait-il davantage présenté comme vrai qu'il n'y a rien au-delà du ciel, puisque de prouver que le monde est fini, est le mouvement. Que le monde soit fini ou infini, nous le renvoyons à la controverse des naturalistes, ayant ceci de certain, que la Terre enfermée par les pôles est terminée par une surface ronde. Pourquoi donc hésitons-nous jusqu'ici de lui concéder la mobilité en accord avec la nature de sa forme, dont la fin est ignorée et ne peut être connue, et que de ne pas reconnaître dans le ciel qu'il y a l'apparence de sa révolution quotidienne et dans la Terre la vérité [de cette révolution] ? Et cela se tient pareillement que si l'Énée de Virgile disait : nous nous éloignons du port, et les terres et les villes reculent. Puisqu'un navire flottant sous la tranquillité, tout ce qui est à l'extérieur est distingué se mouvoir à l'image de son mouvement par les navigateurs, et qu'inversement ils pensent être au repos avec tout ce qui est avec eux. Ainsi certes il peut arriver dans le mouvement de la Terre que tout le monde soit estimé tourner autour. Que dirions-nous donc des nuages et du reste, pendant de quelque manière qu'il plaît dans l'air ou s'abaissant et de nouveau tendant vers les régions élevées, si ce n'est que non seulement la Terre avec l'élément liquide conjugué à soi serait ainsi mue, mais également, une partie non modique de l'air, et quelle qu'elle soit, elle aurait d'une certaine façon un lien avec la Terre ? Soit parce que l'air proche de la terre ou de l'eau, mêlé à la matière, suive la même nature que la Terre, soit parce que le mouvement de l'air soit plus acquisitif et qu'il participe sans résistance à la perpétuelle révolution de la Terre par quelque contiguïté. [...] |
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Si plusieurs mouvements pourraient être
attribués [8]
Donc puisque rien n'empêche la mobilité à la Terre, je pense qu'on doit voir maintenant si encore plusieurs mouvements lui conviennent, afin qu'elle puisse être estimée un des astres errants [planètes]. En effet parce que le centre n'est pas fait de toutes les révolutions, le mouvement apparent inégal des [astres] errants et leurs distances variables depuis la Terre montrent qu'ils ne peuvent être compris sur un cercle homocentrique à la Terre. Donc plusieurs centres existant, qui doutera difficilement [qu'il en est] également du centre du monde, à savoir si celui-ci serait [celui] de la gravité terrestre ou un autre ? Certes j'estime que la gravité n'est autre qu'une certaine appétence naturelle mise dans les parties par la divine providence de l'auteur de l'univers, afin qu'elles se rassemblent dans une unité entière, se réunissant dans la forme d'un globe. Il est plausible encore que quelque rapport du Soleil, de la Lune et des autres astres errants brillants existe, de sorte que par son efficacité ils demeurent dans la rotondité, dans laquelle ils se représentent, qui néanmoins font leurs circuits de façons multiples. Et si donc la Terre en faisait d'autres, pense selon un centre, il serait nécessaire qu'ils soient [tels] que ceux qui apparaissent du dehors dans beaucoup [d'autres] dans lesquels nous trouvons le circuit annuel. Puisque s'il était permuté du Solaire au terrestre, l'immobilité étant concédée au Soleil, le lever et le coucher des signes et des étoiles fixes par lesquels sont faits les matins et les soirs apparaîtraient du même mode : il semblerait également que les stations, les rétrogradations et les progressions, sont du mouvement non de ces [astres] mais de la Terre, qu'ils lui empruntent par leurs apparences. Enfin le Soleil lui-même sera pensé posséder le centre du monde, et cette harmonie de tout le monde nous enseigne la raison de l'ordre selon lequel toutes les choses se succèdent mutuellement, si seulement nous examinons la chose elle-même avec les deux yeux (comme on dit). |
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L'ordre des orbes célestes [9] L'ordre des sphères suit dans ce mode, commençant le début depuis le plus haut. La première et la plus haute de toutes est la sphère des étoiles fixes les contenant toutes et soi-même : et pour cette raison immobile, c'est-à-dire le lieu de l'univers auquel soit rapporté le mouvement et la position de tous les autres astres. En effet parce que certains estiment que celle-ci est encore mue d'un certain mode, nous assignerons une autre cause pourquoi elle apparaîtrait ainsi, en déduction du mouvement terrestre. Saturne première des errantes suit, qui emplit son circuit en 30 ans. Après celle-ci Jupiter mobile par une révolution en douze ans. Ensuite Mars qui tourne en deux ans. La révolution annuelle obtient dans l'ordre le quatrième lieu, dans lequel nous disons qu'est contenue la Terre avec l'orbe lunaire comme un épicycle. En cinquième lieu Vénus est ramenée le neuvième mois. Enfin Mercure tient le sixième lieu, faisant le circuit en l'espace de quatre-vingt jours.
Au milieu de tous réside véritablement le Soleil. Qui en effet poserait dans ce très beau temple ce flambeau en un autre ou meilleur lieu que celui d'où il pourrait illuminer tout en même temps ? Puisque certains non ineptement l'appellent la lampe du monde, d'autres la pensée, d'autres le conducteur. Trismégiste [l'appelle] Dieu visible, l'Électre de Sophocle observant tout. Ainsi certainement le Soleil, comme sur un trône royal gouverne la famille des Astres agissant autour. La Terre également n'est pas du tout privée du serviteur lunaire, mais, comme dit Aristote au sujet des êtres animés, la Lune a la plus grande parenté avec la Terre. Cependant la Terre engendre par le Soleil, et est imprégnée d'un enfantement annuel. Nous trouvons donc sous cet arrangement une symétrie à admirer, et un noeud certain d'harmonie du mouvement et de la grandeur des orbes, tel qu'il ne peut être trouvé par un autre mode. |
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[1]
Nicolas Gessner, Tous sur orbite, Éditions Montparnasse © 1996,
[2]
Nicolas Copernic, Sur les révolutions des orbes célestes (1543), Livre premier,
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