Pourquoi et comment j'ai écrit ce livre Depuis 1912, je dirige à New York des séminaires destinés à compléter la formation pratique des industriels, fonctionnaires, membres de professions libérales, directeurs, ingénieurs et cadres d'entreprises... Au début, je me bornais à enseigner l'éloquence, ou plutôt l'art de s'exprimer avec plus de clarté, plus de puissance, plus d'aisance, aussi bien dans les entretiens ou réunions que dans les discours en public. Cependant, à mesure que les saisons passaient, je comprenais que, si les participants à mes stages avaient grand besoin de connaître les lois de la parole en public, il leur manquait une science infiniment plus précieuse : cette « psychologie pratique », cet art de rendre agréables, harmonieux et constructifs, leurs rapports professionnels ou personnels avec leurs semblables. D'ailleurs, j'avais moi-même grand besoin de l'apprendre. Quand je repense à ces années, je suis effaré de constater à quel point je manquais souvent de finesse et de tact. Si seulement quelqu'un m'avait alors mis entre les mains un ouvrage comme celui-ci !... En effet, le pouvoir d'influencer ses semblables est indispensable à tout homme qui vit en société, quelle que soit sa profession. Le comptable, l'architecte, le médecin ou l'ingénieur ne sauraient pas plus s'en passer que le vendeur, le cadre ou le directeur. Les études et les recherches, effectuées il y a quelques années à la demande de la Fondation Carnegie, ont révélé un fait extrêmement important : même dans les professions scientifiques comme celle d'ingénieur, la réussite est due pour 15 % environ aux connaissances techniques et pour 85 % à la personnalité, à l'habileté dans les rapports humains, à la faculté de susciter l'enthousiasme chez les autres. [...] les belles situations ne sont pas nécessairement confiées à ceux qui connaissent le mieux leur spécialité. Les hommes n'ayant que leur science technique abondent sur le marché. Mais celui qui possède la connaissance de son métier, plus le pouvoir d'influencer ses collaborateurs, s'élève vers le succès. Pour me documenter, outre mon expérience personnelle, j'ai lu tout ce que j'ai pu trouver sur le sujet, articles de journaux ou de magazines, oeuvres des philosophes classiques et des psychologues modernes... J'ai engagé un collaborateur que j'ai spécialement chargé de rechercher dans les bibliothèques tout ce que j'aurais pu omettre, ouvrages de psychologie, innombrables articles de journaux, biographies de grands hommes de toutes les époques... J'ai personnellement interviewé une foule de personnalités : les inventeurs Marconi et Edison, les dirigeants politiques Franklin D. Roosevelt et James Farley, le grand homme d'affaires Owen D. Young, l'explorateur Martin Johnson, les vedettes de cinéma Clark Gable, Mary Pickford... et je me suis efforcé de découvrir les méthodes qu'ils employaient dans leurs relations avec leurs semblables. J'ai condensé cette masse d'éléments en une courte conférence, intitulée : « Comment se faire des amis et les influencer. » Je dis « courte ». Elle était courte... au début. Mais elle s'est allongée au point de durer une heure et demie, et, depuis des années, je la donne aux participants à l'Entraînement Dale Carnegie à la Communication et au Leadership. |
1. Trois techniques fondamentales pour influencer les autres 1.1 - Ne critiquez pas, ne condamnez pas, ne vous plaignez pas John Wanamaker, propriétaire des grands magasins qui portent son nom, dit un jour : « Depuis trente ans, j'ai compris que la critique est inutile. J'ai bien assez de mal à corriger mes propres défauts sans me tourmenter parce que les hommes sont imparfaits et parce que Dieu n'a pas jugé bon de distribuer également à tous le don de l'intelligence. » Wanamaker en avait pris conscience très tôt. Pour moi, j'ai lutté pendant un tiers de siècle avant d'apercevoir la première lueur de cette vérité : quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, l'être humain se juge innocent, quelle que soit l'énormité de sa faute. La critique est vaine parce qu'elle met l'individu sur la défensive et le pousse à se justifier. La critique est dangereuse parce qu'elle blesse l'amour-propre et qu'elle provoque la rancune. Les expériences de B.F. Skinner, psychologue de réputation internationale, ont démontré que l'animal dont on récompensait la bonne conduite apprenait beaucoup plus rapidement et retenait mieux que l'animal puni pour son mauvais comportement. Des études plus récentes ont montré qu'il en allait de même pour l'être humain, car, en critiquant, nous n'obtenons pas de changement durable. Nous nous attirons, au contraire, rancune et amertume. Un autre psychologue célèbre, Hans Selye, dit : « Autant nous sommes avides d'approbation, autant nous redoutons le blâme. » La critique provoque la rancune et peut, de ce fait, décourager sérieusement employés, amis, entourage familial, sans pour autant redresser la situation. [...] Sachons bien que la critique est comme le pigeon voyageur : elle revient toujours à son point de départ. Disons-nous que la personne que nous désirons blâmer et corriger fera tout pour se justifier et nous condamnera en retour. Ou bien, comme tant d'autres, elle s'exclamera : « Je ne vois pas comment j'aurais pu agir autrement ! » [...] Connaissez-vous une personne que vous voudriez corriger ? Oui ? Parfait ! C'est une excellente idée. Mais pourquoi ne pas commencer par vous-même ? Ce serait beaucoup plus profitable que d'essayer de corriger les autres, et... beaucoup moins dangereux. Commençons par nous corriger nous-mêmes. Confucius disait : « Ne te plains pas de la neige qui se trouve sur le toit du voisin quand ton seuil est malpropre. » [...] Le premier imbécile venu est capable de critiquer, de condamner et de se plaindre. Mais il faut de la noblesse et de la maîtrise de soi pour comprendre et pardonner. « Un grand homme montre sa grandeur dans la manière dont il traite les petites gens. », disait Carlyle.
1.2
- Complimentez honnêtement et sincèrement Il n'est qu'un moyen au monde d'amener une personne à accomplir une certaine action. Y avez-vous jamais songé ? Un seul moyen ! C'est de susciter en elle le désir d'accomplir cette action. Retenez bien cela. Il n'existe pas d'autre manière. Évidemment, vous pouvez forcer un passant à vous donner sa montre en lui collant le canon d'un revolver contre les côtes. Vous pouvez faire travailler un employé, jusqu'à ce que vous ayez le dos tourné, en le menaçant de le flanquer à la porte. Vous pouvez obtenir l'obéissance d'un enfant par le fouet. Mais ces méthodes brutales ont des répercussions désastreuses. C'est seulement en vous procurant ce que vous voulez que je parviendrai à vous faire agir. Or, que voulez-vous ? Sigmund Freud prétend que tous nos actes sont provoqués par deux désirs fondamentaux : le désir sexuel et le désir d'être reconnu. Selon le philosophe John Dewey, le mobile le plus puissant de la nature humaine, c'est le « désir d'être important ». Rappelez-vous cette phrase : « Le désir d'être important. » Elle est lourde de sens ; vous la trouverez souvent dans ce livre. Quels sont nos besoins ? Peu de choses, mais ces choses nous les réclamons avec une insistance inlassable. Les voici : 1. La santé et la conservation de la vie 2. La nourriture 3. Le sommeil 4. L'argent et les biens qu'il procure 5. La survivance future 6. La satisfaction sexuelle 7. Le bonheur de nos enfants
8.
Le sentiment de notre importance Presque tous ces besoins sont généralement satisfaits, mais il en est un qui est rarement contenté ; et, pourtant, il est aussi profond, aussi impérieux que la faim. Cette aspiration, c'est ce que Freud appelle « le désir d'être reconnu ». C'est ce que John Dewey appelle « le désir d'être important ». William James disait : « Le principe le plus profond de la nature humaine, c'est la soif d'être apprécié. » Il ne parle pas du souhait ou du désir, mais de la « soif » d'être apprécié. C'est là une soif inextinguible et celui qui peut honnêtement étancher cette soif tient ses semblables entre ses mains. [...] « Rien ne tue davantage l'ambition d'une personne que les critiques de ses supérieurs. Je ne réprimande jamais personne. Je crois qu'il vaut mieux stimuler, donner aux êtres un idéal à atteindre. C'est pourquoi je suis toujours prêt à louer et je déteste gronder. Si je trouve une chose bien faite, j'approuve sincèrement et je prodigue des compliments. » Voilà ce que faisait Schwab ! Or, que faisons-nous habituellement ? Exactement le contraire. Quand une chose nous déplaît, nous crions et tempêtons ; mais, quand nous sommes satisfaits, nous ne disons mot. « On voit toujours les qualités de loin et les défauts de près. » « J'ai beaucoup voyagé, déclarait encore Schwab. J'ai rencontré une foule de gens de tous les milieux, mais je n'ai encore trouvé personne qui ne s'applique davantage et ne fasse meilleure besogne sous l'influence des encouragements que sous celle des critiques. » Il ajoutait que c'était là une des principales raisons de la réussite phénoménale d'Andrew Carnegie. Celui-ci, en effet, ne manquait jamais de féliciter ses collaborateurs, publiquement comme dans l'intimité. Et, même après sa mort, il trouva encore le moyen de les louer ; il rédigea ainsi sa propre épitaphe : « Ici repose un homme qui sut s'entourer d'êtres plus intelligents que lui. » [...] Je sais bien que certains lecteurs diront en lisant ces lignes : « Ah ! oui, la pommade... les coups d'encensoir... la flatterie, quoi ! J'ai déjà essayé. Ça ne prend pas avec les gens intelligents ! » Évidemment, une flatterie grossière ne trompera pas des êtres fins ; elle est creuse, fausse et intéressée. Il est normal qu'elle soit repoussée, et elle l'est généralement. Pourtant, il faut reconnaître que certaines personnes sont si avides d'éloges qu'elles goberont n'importe quoi, comme un malheureux affamé. En fin de compte, la flatterie fait plus de tort que de bien à son auteur. Elle n'est qu'une comédie, tandis que l'éloge spontané vient du coeur. Non, cent fois non ! je ne propose pas la flatterie ! Je veux parler de tout autre chose, d'une nouvelle attitude mentale, d'une nouvelle manière de vivre. Laissez-moi répéter cela : Je veux parler d'une nouvelle manière de vivre. Le philosophe Emerson disait : « Ce que vous êtes parle plus haut que ce que vous dites » ; c'est-à-dire : choisissez le langage qu'il vous plaira, vous ne pourrez jamais l'empêcher de révéler votre vraie nature. S'il suffisait de flatter, la chose serait facile, et nous deviendrions tous de merveilleux diplomates. Au lieu de nous concentrer sur nous-mêmes, efforçons-nous de voir les qualités de notre interlocuteur. Nous pourrons alors lui exprimer notre admiration sincère sans avoir recours à des compliments forcés qui sonneront faux. [...] L'éloge sincère est le miel des relations entre les hommes. [...] Emerson disait :« Tout homme m'est supérieur en quelque manière et je m'instruis auprès de lui. » Ce qui était vrai pour Emerson n'est-il pas mille fois plus vrai pour vous et moi ? Cessons de penser à nous-mêmes, à nos mérites, à nos désirs. Considérons ceux d'autrui. Pas de flatterie ! Que l'éloge généreux et sincère jaillisse de notre coeur ! Prodiguons des marques de gratitude et d'encouragement. Et nos paroles resteront gravées dans les coeurs ; elles seront répétées avec délices et chéries comme autant de trésors longtemps après que nous les aurons nous-mêmes oubliées.
1.3
- Motivez, susciter le désir de faire ce que vous proposez Chaque été, je vais pêcher sur un lac du Maine. En ce qui me concerne, je raffole des fraises à la crème. Mais je sais que, pour quelque raison mystérieuse, les poissons préfèrent les asticots. Aussi, lorsque je pêche, je ne pense pas à ce que j'aime, moi. Je pense à ce qu'ils aiment, eux. Je n'appâte pas mon hameçon avec des fraises à la crème. Je choisis plutôt quelque beau ver, quelque sauterelle, que je balance devant le poisson. Pourquoi ne pas employer la même tactique à l'égard des hommes ? Pourquoi toujours parler de ce que nous désirons ? Cela est vain, puéril, absurde. Naturellement, chacun s'intéresse à ce qu'il désire. Il s'y intéressera éternellement. Mais il sera le seul à y penser. Tous les autres sont semblables à lui sous ce rapport et ne se préoccupent que de leurs propres buts et aspirations. C'est pourquoi la seule façon d'influencer le voisin, c'est de lui parler de ce qu'il veut et de lui montrer comment il peut l'obtenir. [...] Chacune des actions que vous avez accomplies depuis le jour de votre naissance a été motivée par le fait que vous désiriez quelque chose. Oui, c'est vrai... il vous est arrivé de donner une somme importante à une oeuvre de charité. Voilà un geste totalement désintéressé, direz-vous. Et pourtant, il ne fait pas exception à la règle ci-dessus. Vous avez fait ce don pour avoir la satisfaction d'être charitable, d'accomplir une action généreuse, belle et noble... Si vous n'aviez pas désiré cette satisfaction plus que la possession de cette somme vous n'auriez pas fait ce don. Il est possible que vous ayez versé la somme parce que vous aviez honte de refuser... ou parce que c'était un ami, un client, qui vous avait sollicité. Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : vous avez donné parce que vous désiriez quelque chose. Dans son livre remarquable, L'Art d'influencer la conduite humaine, le professeur Harry A. Overstreet déclare : « ... L'action naît de nos désirs fondamentaux... Et le meilleur conseil qu'on puisse offrir à ceux qui désirent influencer leurs semblables, aussi bien dans les affaires, dans la politique, que dans l'enseignement ou la famille, c'est, avant tout, d'éveiller chez eux un ardent désir. » Il ajoute : « Celui qui peut réaliser cela s'attache tous les concours et toutes les sympathies, il connaît le succès. Celui qui en est incapable demeure pauvre et solitaire. » [...] Des milliers de vendeurs parcourent actuellement les routes, las, découragés, mal payés. Pourquoi ? Parce qu'ils ne pensent qu'à eux, qu'à ce qu'ils recherchent. Ils n'ont pas compris que ni vous ni moi ne désirons acheter — c'est-à-dire dépenser —, mais que nous désirons tous résoudre nos problèmes personnels. Or le vendeur qui nous aidera à y parvenir, qui nous montrera comment ses services ou sa marchandise nous permettront de faire une économie, d'éviter la monotonie, de nous distraire ou d'assurer notre avenir, celui-là aura su nous convaincre. Ou, plutôt, nous nous serons convaincus nous-mêmes, sans qu'on ait fait pression sur nous. Et nous achèterons ! [...] Hélas ! le monde est plein d'individus avides et égoïstes. C'est pourquoi l'être exceptionnel qui s'efforce de servir autrui généreusement et sans arrière-pensée possède un énorme avantage sur le reste de l'humanité, car il ne rencontre guère de concurrence. [...] Si la lecture de ce livre ne vous apportait qu'une seule chose : une aptitude croissante à considérer en toutes choses le point de vue d'autrui, eh bien ! ce livre compterait parmi les étapes principales de votre carrière. Considérer le point de vue d'autrui pour susciter en lui le vif désir de faire ce que vous proposez ne doit pas être interprété en termes de manipulation où la personne serait amenée à agir dans votre intérêt et contre le sien. Dans toute négociation, les deux parties devraient être gagnantes. [...] Un philosophe a dit que « manifester sa personnalité est pour l'homme une nécessité dominante. » |
2. Gagner la sympathie des gens 2.1 - Intéressez-vous réellement aux autres [Soyez sincère] Soyez aimable. Oubliez-vous. Pensez aux autres. Vous vous ferez plus d'amis en deux mois en vous intéressant sincèrement aux autres que vous ne pourriez en conquérir en deux ans en vous efforçant d'amener les autres à s'intéresser à vous. Et, pourtant, nous connaissons tous des gens qui peinent toute leur vie en voulant à tout prix que les autres s'intéressent à eux. Vains efforts !... Les gens ne songent pas à vous. Ils ne songent pas à moi. Ils songent à eux-mêmes. Ils y pensent le matin, à midi et le soir. La Compagnie des Téléphones de New York vient de faire une enquête pour savoir quel était le mot le plus fréquemment employé au cours des conversations. Vous avez deviné... C'est le pronom personnel « je ». Il a été prononcé trois mille neuf cents fois au cours de cinq cents conversations, « je », « je », « je »... « Moi », « moi », « moi » ! Quand vous examinez la photographie d'un groupe dont vous faites partie, quelle est la personne que vous regardez la première ? [...] Alfred Adler, le célèbre philosophe, a écrit un livre magnifique, intitulé : Le Vrai Sens de la vie, où il dit : « L'individu qui ne s'intéresse pas à ses semblables est celui qui rencontre le plus de difficultés dans l'existence et nuit le plus aux autres. » [...] Montrer intérêt et admiration sincères à autrui est une qualité qui vous permet de gagner sa sympathie. Et lorsque les employés d'une compagnie en font preuve, leurs clients leur restent fidèles. [...] [...] Il y a bien longtemps, cent ans avant Jésus-Christ, un poète romain, Publilius Syrus, observait : « Nous nous intéressons aux autres quand ils s'intéressent à nous. » Comme tous les principes de relations humaines, témoigner de l'intérêt à autrui doit être appliqué avec une totale sincérité. [...]
2.2
- Ayez le sourire J'ai passé jadis une soirée en la compagnie de Maurice Chevalier. Franchement, je fus déçu. Morne, taciturne, il était profondément différent de ce que j'avais espéré. Mais, tout à coup, il sourit. Ce fut exactement comme un rayon de soleil perçant les nuages... Sans son sourire, Maurice Chevalier serait peut-être resté ébéniste à Paris, comme son père et ses frères. Les actes en disent plus que les paroles. Le sourire dit : « Vous me plaisez... Je suis content de vous voir... Votre présence me rend heureux... » Bien entendu, je veux parler du sourire sincère, large et spontané qui séduit et réconforte, et non du sourire apprêté ou mécanique, car ce dernier ne trompe personne et, au lieu de plaire, il irrite. Le chef du personnel d'un grand magasin à New York me disait qu'il préférait engager une vendeuse à l'instruction élémentaire, mais au sourire délicieux, plutôt qu'une diplômée au visage froid. [...] Le directeur d'une des plus grandes sociétés caoutchoutières d'Amérique assure qu'un homme ne peut réussir dans une tâche s'il ne trouve du plaisir à l'accomplir. Il ne partage pas l'opinion trop répandue que seul un labeur acharné peut conduire au succès. Il faut, dit-il, que nous travaillions dans la joie ; si nous devons nous forcer, si notre métier nous ennuie, nous allons à l'échec. De même, il faut que nous nous plaisions dans la compagnie de nos semblables, si nous voulons qu'ils se plaisent dans la nôtre. [...] William James, professeur à Harvard, explique ce processus : « L'action semble succéder à la pensée, mais, en réalité, l'action et la pensée se produisent simultanément. En menant une action qui est sous le contrôle de la volonté, nous pouvons indirectement gouverner les sentiments qui échappent à son influence. « Ainsi donc, si nous avons perdu la joie, le meilleur moyen de la retrouver, c'est de nous comporter comme si elle était déjà en nous... » [...] Voici maintenant quelques conseils prodigués par le professeur Elbert Hubbard. Mais rappelez-vous bien ceci : pour en éprouver les bienfaits, il ne suffit pas de les parcourir, il faut les suivre. « En sortant de chez vous, rentrez le menton, portez haut la tête ; emplissez vos poumons de tout l'air qu'ils peuvent contenir ; aspirez les rayons du soleil ; offrez à tous votre sourire et mettez votre coeur dans chaque poignée de main. Ne perdez pas une minute à songer à vos ennemis. Efforcez-vous de déterminer clairement dans votre pensée le but que vous voulez atteindre, puis, sans vous laisser détourner, marchez droit vers cet idéal. Une fois que vous aurez fixé solidement en votre esprit les grandes et les belles choses que vous voulez accomplir, vous verrez que vous saisirez inconsciemment, au fil des jours, toutes les occasions favorables à la réalisation de votre projet, comme les coraux prennent dans le flot marin les éléments nécessaires à leur vie. Il vous suffira de créer en vous-même l'image de l'être que vous voulez devenir pour que, graduellement, s'opère en vous la transformation souhaitée... La pensée est suprême. Gardez une bonne attitude mentale, une attitude de courage, de loyauté et de gaieté. Les bonnes pensées sont constructives. Le désir fait venir toutes choses. Nous devenons pareils à l'idéal que nous portons en notre coeur... Levez la tête. Un dieu est enfermé dans la chrysalide humaine. » [...] Un sourire ne coûte rien mais il crée beaucoup. Il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne. Il ne dure qu'un instant mais son souvenir peut durer toute une vie. Personne n'est riche au point de pouvoir s'en passer. Il crée du bonheur à la maison, de bonnes relations dans les affaires. Il est le signe de l'amitié. Il ne peut être acheté, mendié, emprunté, ni volé. Il n'est d'aucune utilité tant qu'il n'a pas été donné. Lorsque vous rencontrez un homme trop las pour vous donner un sourire, laissez-lui le vôtre. Car nul n'a plus besoin d'un sourire que celui qui n'en a plus à offrir. 2.3 - Le nom d'une personne revêt pour elle une grande importance Jim Farley savait que chacun préfère son nom à tous les autres noms de la terre. Souvenez-vous de ce nom, prononcez-le correctement, et vous faites à son propriétaire un compliment subtil et apprécié. Mais si vous l'oubliez, si vous l'orthographiez mal, vous indisposez votre interlocuteur ou votre destinataire. [...] Les hommes sont si fiers de leur nom qu'ils s'efforcent de le perpétuer à tout prix. [...] Franklin D. Roosevelt savait que l'un des moyens les plus évidents, les plus faciles et les plus efficaces de plaire aux gens, c'est de retenir leur nom et de leur faire sentir leur importance. Or, que font la plupart d'entre nous ? Présentés à un étranger, ils bavardent quelques instants avec lui, puis, le moment venu de le quitter, ils sont incapables de le saluer par son nom. L'une des premières leçons à tirer en politique est celle-ci : savoir le nom de ses électeurs, c'est s'assurer la popularité et le pouvoir. L'ignorer, c'est tomber dans l'oubli. Cette mémoire particulière est aussi importante dans les rapports commerciaux ou sociaux qu'en politique. Napoléon III prétendait que, malgré toutes ses obligations, il pouvait se souvenir du nom de chaque personne qu'il rencontrait. Sa méthode était simple. Quand il n'entendait pas le nom distinctement, il disait : « Pardon, je n'ai pas très bien saisi. » S'il lui semblait difficile, il en demandait l'orthographe. Pendant sa conversation avec l'intéressé, il avait soin de prononcer son nom deux ou trois fois, tout en s'appliquant à l'associer mentalement à sa physionomie, à son aspect général. S'il s'agissait d'un grand personnage, l'empereur, une fois seul, écrivait son nom sur une feuille de papier, le regardait, y concentrait son attention et ne jetait la feuille qu'après avoir gravé le nom dans son esprit. Ainsi, il frappait sa mémoire visuelle en même temps que sa mémoire auditive. Tout cela prend du temps. Mais, a dit Emerson, « la courtoisie est faite de petits sacrifices ». Nous devrions nous rendre compte du formidable pouvoir d'un nom. En fait, le nom est l'identité de la personne. C'est ce qui la distingue des autres, lui donne son caractère unique. Les renseignements que nous communiquons ou les requêtes que nous formulons revêtent une importance particulière lorsque nous saluons par son nom celui à qui nous nous adressons. 2.4 - Sachez écouter ; encouragez les autres à parler d'eux-mêmes [...] Un écrivain disait : « Peu d'humains savent se défendre contre l'hommage d'une attention passionnée à leurs paroles. » Quant à moi, j'avais donné plus qu'une attention passionnée : j'avais prodigué à mon interlocuteur ma sympathie et mon admiration sincères. Je lui avais dit qu'il m'avait infiniment instruit et captivé — et c'était vrai. Je lui avais dit que j'aimerais posséder ses connaissances — et c'était vrai. Je lui avais déclaré que j'aurais été enchanté de vagabonder avec lui dans la campagne — et c'était vrai. Je lui avais exprimé mon désir de le revoir — et je veux le revoir. Voilà pourquoi cet homme m'avait qualifié de brillant causeur, alors qu'en réalité je n'avais été qu'un excellent auditeur, et que je l'avais encouragé à parler. Comment réussir auprès de vos interlocuteurs ? Comment les convaincre ? Comment mener à bien vos entretiens avec eux ? D'après le génial professeur Charles W. Eliot, il n'y a aucun mystère : pour conquérir la sympathie d'une personne, pour la mettre en humeur favorable et finalement la rallier à votre cause, il faut, avant tout, lui accorder votre attention exclusive lorsqu'elle s'exprime. Rien n'est plus flatteur. Eliot lui-même était passé maître dans l'art d'écouter. Henry James, l'un des plus grands romanciers américains, s'en souvient : « Écouter, pour le docteur Eliot, n'était pas simplement observer le silence. C'était une forme d'activité. Assis très droit, parfaitement immobile, les mains croisées sur les genoux, il faisait face à son interlocuteur et semblait écouter avec ses yeux autant qu'avec ses oreilles. Il vous écoutait intensément et réfléchissait à ce que vous aviez à dire au moment où vous l'énonciez... À la fin d'une entrevue, la personne qui lui avait parlé avait le sentiment qu'il avait tout compris. » C'est évident, n'est-ce pas ? Pas besoin d'avoir passé quatre ans à Harvard pour découvrir cette vérité. Et pourtant je connais, et vous connaissez, des entreprises qui louent des locaux magnifiques et ruineux, qui achètent leurs marchandises avantageusement, dépensent des sommes considérables en publicité et qui, pour finir, engagent des employés qui ne savent pas écouter, interrompent les clients, les contredisent, les irritent, et font tout apparemment pour les mécontenter ! C'est ainsi qu'un grand magasin de Chicago a failli perdre une fidèle cliente parce qu'une vendeuse refusait de l'écouter. Mme Henrietta Douglas, participante à notre Entraînement à Chicago, venait d'acheter un manteau en solde. De retour chez elle, elle remarque un accroc dans la doublure. Le lendemain, elle retourne dans le grand magasin et demande à la vendeuse de lui échanger le manteau. Celle-ci refuse catégoriquement de l'écouter. « Vous avez acheté ce manteau en solde », dit-elle et, pointant son doigt vers un panneau sur le mur, elle ajoute : « Vous n'avez qu'à lire ! Les articles soldés ne sont ni repris ni échangés. Vous l'avez acheté, vous le gardez. Vous n'avez qu'à recoudre la doublure vous-même. » Indignée, Mme Douglas jure de ne plus remettre les pieds dans ce magasin et s'apprête à sortir quand le chef de rayon, qui la connaît, s'approche d'elle et la salue. Mme Douglas le met alors au courant de l'incident. Le chef de rayon écoute attentivement toute l'histoire, examine le manteau et déclare : « Les articles soldés ne sont ni repris ni échangés pour que nous puissions écouler les marchandises en fin de saison. Mais cette mesure ne s'applique pas aux articles abîmés. Nous allons, bien sûr, réparer ou remplacer la doublure, ou, si vous préférez, nous allons vous rembourser. » Quelle différence ! Si ce chef de rayon ne s'était pas trouvé là par hasard et s'il n'avait pas écouté cette dame, le magasin aurait pu perdre définitivement cette cliente. L'écoute a autant d'importance dans la vie familiale que dans la vie professionnelle. Millie Esposito, de Croton-on-Hudson, dans l'État de New York, s'était fait un devoir d'écouter attentivement quand l'un de ses enfants désirait lui parler. Un soir, elle était assise dans la cuisine avec son fils Robert. Après une brève discussion sur un sujet qui le préoccupait, ce dernier lui dit : « Maman, je sais que tu m'aimes beaucoup. » Très touchée, Mme Esposito lui répondit : « Bien sûr que je t'aime beaucoup. En doutais-tu ? — Non, répliqua Robert, mais je sais vraiment que tu m'aimes parce que chaque fois que j'ai envie de te parler, tu interromps ce que tu es en train de faire, et tu m'écoutes. » [...] [...] ...se décharger de son fardeau. N'est-ce pas là ce que nous cherchons tous, lorsque nous sommes dans la peine ? C'est aussi ce que cherchent fréquemment le client irrité, l'employé mécontent ou l'ami blessé. L'un des hommes qui fut le plus à l'écoute des autres fut sans aucun doute Sigmund Freud. Voici, selon un témoignage, la manière dont le grand psychanalyste écoutait : « Cela m'avait profondément impressionné et je ne l'oublierai jamais. Il avait des qualités que je n'ai rencontrées chez aucun autre homme. Je n'ai jamais vu une telle concentration dans l'attention. Rien à voir avec le regard perçant qui pénètre jusqu'au fond de l'âme. Ses yeux exprimaient la douceur et la cordialité. Sa voix était profonde et agréable. Ses gestes étaient rares. Il m'accordait une attention extraordinaire, attentif à tout ce que je disais, même quand je m'exprimais mal. Vous n'avez aucune idée de ce que cela signifie d'être écouté de cette manière. » Si vous voulez savoir ce qu'il faut faire pour que les gens vous fuient, se moquent de vous derrière votre dos, ou même vous méprisent, voici la recette : n'écoutez jamais ce que disent les autres ; parlez constamment de vous-même. S'il vous vient une idée pendant que l'autre personne est en train de s'exprimer, n'attendez pas qu'elle ait fini. À quoi bon ? Ce qu'elle raconte n'est pas aussi intéressant, aussi brillant que ce que vous avez à dire. Pourquoi perdre votre temps à écouter ce bavardage ? Allez-y carrément, et coupez-la au milieu d'une phrase. Connaissez-vous des gens qui agissent ainsi ? Moi, oui, malheureusement... Des êtres assommants, imbus d'eux-mêmes, ivres de leur propre importance ! Le plus étonnant, c'est que certains d'entre eux sont des personnalités connues ! « L'homme qui ne parle que de lui-même ne pense qu'à lui-même. Et l'homme qui ne pense qu'à lui-même est irrémédiablement mal élevé », a dit Nicholas Murray Butler, président de l'université de Columbia. « Il n'a pas d'éducation, quel que soit le degré de son instruction. » Donc, si vous tenez à ce que votre conversation soit appréciée, sachez écouter. Suivez le conseil d'une femme d'esprit : « Pour être intéressant, soyez intéressé. » Posez des questions qui stimulent agréablement votre interlocuteur. Interrogez-le sur sa vie, sur ce qu'il a fait. Rappelez-vous que la personne avec qui vous conversez s'intéresse cent fois plus à ses désirs et à ses problèmes qu'à vous et à vos préoccupations. Sa rage de dents la tourmente davantage qu'une famine qui aurait causé la mort d'un million de Chinois. Un furoncle dans le dos l'inquiète bien plus que quarante tremblements de terre en Afrique. Songez à cela, la prochaine fois que vous vous engagerez dans une conversation. 2.5 - Parlez à votre interlocuteur de ce qui l'intéresse Les invités de Theodore Roosevelt étaient surpris de l'étendue et de la diversité de ses connaissances : Roosevelt savait parler aussi bien au cow-boy, au rustre, au politicien qu'au diplomate. Son secret ? Quand il attendait un visiteur, il restait longtemps éveillé le soir précédent pour étudier le sujet auquel son hôte s'intéressait particulièrement. Roosevelt savait, comme tous ceux qui se sont rendus populaires, que, pour trouver le chemin du coeur d'un homme, il faut l'entretenir de ce qu'il chérit le plus. Le génial William Lyon Phelps, jadis professeur de littérature à l'université de Yale, comprit très jeune cette vérité. « J'avais huit ans et je passais mes vacances chez ma tante, raconte-t-il dans son Essai sur la nature humaine. Un soir, un monsieur d'âge mûr vint nous voir. Après avoir échangé quelques politesses avec ma tante, il m'accorda toute son attention. À cette époque-là, je me passionnais pour les bateaux, et notre visiteur sut m'en parler d'une façon qui me parut particulièrement intéressante. Après son départ, je donnai libre cours à mon enthousiasme. Quel homme ! Comme il aimait les bateaux, comme il les connaissait ! Ma tante me fit observer qu'il était avocat à New York et que les bateaux le laissaient complètement indifférent. " Mais alors, m'écriai-je, pourquoi n'a-t-il parlé que de cela ? — Parce que c'est un homme bien élevé, répondit ma tante. Il a vu que tu t'intéressais énormément aux bateaux, et il t'a entretenu de ce qui te plaisait. Il a donc réussi à se rendre agréable. " » Et William Lyon Phelps ajoutait : « Je n'ai jamais oublié la remarque de ma tante. » [...] Depuis quatre ans, M. Duvernoy essayait de négocier la vente de son pain à un hôtel de New York. Il allait voir le directeur toutes les semaines. Il s'arrangeait pour le rencontrer à des soirées ou à des réunions. Il s'installa même dans l'hôtel pour pouvoir mieux « travailler » son client. Résultat nul. Après avoir suivi l'Entraînement Carnegie, il décida de modifier sa stratégie. Il s'efforça de découvrir les goûts et les opinions de son hôtelier. « J'appris, nous dit-il, qu'il appartenait à une association de directeurs d'hôtels appelée "Hotel Greeters of America". Grâce à son enthousiasme et à son activité, il en était même devenu le président. Aussi, quand je le revis, je me mis à parler des "Hotels Greeters". Quel accueil ! Tout vibrant d'enthousiasme, il m'entretint pendant une demi-heure de son organisation. Je vis bien alors que c'était sa marotte, la passion de sa vie. Avant que notre entretien ne fût achevé, il m'y avait enrôlé. « Je ne soufflais mot de mon pain. Mais, quelques jours plus tard, l'économe de l'hôtel me téléphonait pour me prier de venir avec des échantillons et des prix. « " Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, au patron, me dit-il en me voyant, mais il ne parle plus que de vous. " « Songez donc ! Voilà quatre ans que je le harcelais pour obtenir un contrat, et je serais encore en train de le solliciter si je n'avais pas pris la peine de m'enquérir de ses goûts et des choses qui lui étaient chères. » [...] Parler aux autres de ce qui les intéresse avantage votre interlocuteur autant que vous-même. Howard Z. Herzig, expert en communication interne des entreprises, a toujours appliqué ce principe. Quand on lui demande quel bienfait il en retire, il répond que, non seulement il reçoit de chacun un apport différent, mais aussi que cela lui permet d'élargir ses horizons. 2.6 - Faites sincèrement sentir aux autres leur importance Il existe une loi primordiale que nous devons respecter dans nos rapports avec nos semblables. Si nous l'observons, nous gagnerons amitié et bonheur. Mais, dès l'instant où nous la violerons, nous ferons naître sous nos pas d'innombrables difficultés. Cette règle, la voici : faites sentir aux autres leur importance. Comme nous l'avons expliqué plus haut, le désir d'être important est, selon le professeur John Dewey, le plus puissant des appétits humains. Pendant des millénaires, les philosophes ont spéculé sur les principes qui régissent les rapports des hommes entre eux. Toutes leurs méditations et leurs études n'ont abouti finalement qu'à un seul précepte. Il est aussi vieux que l'histoire de l'humanité. Zoroastre l'enseignait aux adorateurs du feu en Perse il y a trois mille ans. Confucius le prêchait en Chine il y a vingt-quatre siècles. Lao-Tseu, le fondateur du taoïsme, l'inculquait à ses disciples dans la vallée de Han. Cinq cents ans avant Jésus-Christ, Bouddha le proclamait sur les rives du Gange sacré, et les livres saints de l'hindouisme le mentionnaient mille ans avant lui. Plus tard, Jésus le prêcha parmi les collines pierreuses de la Judée. Il résuma en une seule phrase cette règle qui est probablement la plus importante du monde : « Agis envers les autres comme tu voudrais qu'ils agissent envers toi-même. » Vous tenez à l'estime de ceux qui vous entourent. Vous désirez qu'on rende justice à vos mérites. Il vous est doux de vous sentir important dans votre petite sphère. Vous détestez les lourdes flatteries, mais vous avez faim d'éloges sincères. Vous voulez être honoré, encouragé, complimenté. Tous nous aspirons à cela. Obéissons donc à la loi de l'Écriture : donnons aux autres ce que nous voudrions recevoir d'eux. Et cela, quand ?... comment ?... où ?... La réponse est simple : toujours et partout. Point n'est besoin d'être ambassadeur pour pratiquer cette philosophie. De petites phrases comme : « Excusez-moi de vous déranger... Voulez-vous avoir la bonté de... Voulez-vous, je vous prie... », sans oublier « Merci », sont l'huile qui lubrifie les mécanismes de notre vie quotidienne, en plus de la marque d'une bonne éducation. Le romancier Hall Caine était fils de forgeron et n'avait reçu qu'une instruction rudimentaire. Pourtant, il connut une extraordinaire célébrité. Voici l'origine de sa carrière. Il adorait la poésie et tous les poèmes de Dante Gabriel Rossetti. Ayant rédigé une déclaration élogieuse sur l'oeuvre du poète, il en adressa une copie à ce dernier, qui fut charmé ; il est probable qu'il pensa : « Un jeune homme qui a une aussi haute opinion de moi doit être fort intelligent. » Il invita le fils du forgeron à devenir son secrétaire. Grâce à sa nouvelle situation, le jeune homme rencontra les maîtres de la littérature. Conseillé et encouragé par eux, il se mit à écrire et connut un succès triomphal. Sa propriété, Greeba Castle, dans l'île de Man, devint un lieu de pèlerinage pour les touristes : il laissa une fortune de deux millions cinq cent mille dollars. Et pourtant, il serait peut-être mort pauvre et méconnu s'il n'avait pas écrit cet essai exprimant son admiration pour un homme illustre. Tel est le pouvoir, le prodigieux pouvoir de la louange quand elle vient du coeur. Rossetti se considérait comme un personnage important. Quoi de surprenant à cela ? Chacun de nous se croit important, très important. Plus d'une vie pourrait être changée si seulement nous prenions la peine de faire sentir aux autres leur importance. [...] Rappelez-vous la parole d'Emerson : « Tout homme m'est supérieur en quelque manière, et je m'instruis auprès de lui. » Il est pathétique de voir ceux qui ont le moins à s'enorgueillir essayer de combler leurs secrètes déficiences par des manifestations de vanité si bruyantes qu'elles offensent ceux qui en sont témoins. Comme le disait Shakespeare : « Homme ! Ô, homme vain ! Drapé d'un peu d'autorité, tu joues devant les Cieux de si grotesques comédies que tu ferais pleurer les anges. » |
3. Rallier les autres à votre point de vue
3.1
- Évitez les controverses, seul moyen d'en sortir vainqueur Peu de temps après la Première Guerre mondiale, je reçus une précieuse leçon. À cette époque Manager de Sir Ross Smith — le Lindbergh de l'Empire britannique — j'assiste, un soir, à un banquet donné en son honneur. Pendant le repas, mon voisin raconte une histoire en l'agrémentant de la citation suivante : « Il est un dieu qui façonne à son gré nos destinées, quelle qu'en soit l'ébauche faite par nous. » Le conteur prétend que cette citation provient de la Bible. Il se trompe. J'en suis certain. Il ne peut y avoir aucun doute quant à son origine. Aussi, pour déployer ma supériorité, pour affirmer mon savoir, je m'érige en correcteur, ce que personne ne me demande, et je lui fais observer que la phrase est de Shakespeare. Mais l'autre ne démord pas de ce qu'il a dit. Quoi ? Cette phrase serait de Shakespeare ? Impossible, absurde ! Elle se trouve dans la Bible, il le sait bien. L'auteur de l'anecdote est assis à ma droite, et Frank Gammond, un vieil ami à moi, se trouve à ma gauche. M. Gammond a consacré des années à l'étude de Shakespeare. Aussi nous tournons-nous vers lui d'un commun accord pour le prier d'arbitrer notre querelle. Après nous avoir écoutés, M. Gammond me donne un bon coup de pied sous la table, puis il annonce : « Dale, vous vous trompez, monsieur a raison. Cette parole est dans la Bible. »
En rentrant avec mon ami, ce soir-là, je lui dis : « Évitez toujours les querelles. » L'homme qui a prononcé ces paroles est mort maintenant, mais la leçon qu'il m'a donnée porte toujours ses fruits. Et c'était une leçon dont j'avais terriblement besoin. J'adorais les controverses. Pendant ma jeunesse, je discutais avec mon frère sur tous les sujets possibles et imaginables. Au collège, j'étudiais la logique et l'argumentation et ne manquais jamais de participer aux débats contradictoires. Ce n'est pas pour rien que je suis né dans le Missouri, pays des ergoteurs et des sceptiques... Plus tard, je dirigeai un cours de dialectique et même, je l'avoue, à ma grande honte, je formai le projet d'écrire un livre sur ce sujet. Depuis lors, j'ai assisté à des milliers de discussions, je les ai analysées, j'y ai pris part. Et ma conclusion, après ces innombrables expériences, c'est que le meilleur moyen de l'emporter dans une controverse, c'est de l'éviter. Fuyez les discussions comme vous fuiriez les serpents à sonnettes ou les tremblements de terre. Neuf fois sur dix, chacun des adversaires se retire du débat, plus que jamais convaincu d'avoir raison. Ces batailles-là, personne ne les gagne. En effet, si vous perdez... vous perdez ! Et si vous gagnez... vous perdez aussi. Comment cela ? Supposons que vous ayez remporté sur votre adversaire une victoire éclatante, que vous lui ayez prouvé qu'il avait tort. Et après ? Vous vous frottez les mains. Mais lui, que pense-t-il ? Vous lui avez fait sentir son infériorité. Vous avez blessé son amour-propre, son orgueil. Il est furieux. Et puis, vous le savez,
Homme convaincu malgré lui [...] Le sage Franklin disait : « À force de batailler et d'argumenter, vous parviendrez peut-être à confondre votre interlocuteur, mais votre victoire sera inutile, car jamais vous n'obtiendrez l'accord sincère de votre adversaire. » Alors, choisissez vous-même : un triomphe spectaculaire et théorique, ou bien un accord sincère. Il est bien rare qu'on obtienne les deux en même temps. Un journal de Boston reproduisait, un jour, cette amusante épitaphe en vers libres :
Ci-gît, dans son bon droit, William Jay Hé oui ! vous avez raison, cent fois raison, et vous vous acharnez à démontrer que vous avez raison. Pour ce qui est de modifier l'opinion de votre adversaire, vos efforts seront aussi vains que si vous aviez tort ! Écoutez l'histoire de M. Frederick Parsons, conseiller fiscal, qui était allé voir l'inspecteur des impôts au sujet d'une erreur. On avait taxé une somme de neuf mille dollars qui, assurait M. Parsons, n'avait jamais été encaissée, et ne le serait jamais, car le débiteur était insolvable. « Je ne veux pas le savoir, rétorquait froidement le percepteur ; ce revenu est indiqué, il doit être imposé. » « Nous avons discuté pendant une heure, nous confia M. Parsons. L'inspecteur était cassant, buté. Ni les preuves ni la logique ne réussissaient à le convaincre. Plus nous discutions, plus il s'entêtait... Je résolus alors de changer de tactique et de le mettre en valeur. « Je lui dis : " Je suppose, évidemment, que ce cas n'a pas grande importance, comparé aux décisions importantes et difficiles que vous êtes amené à prendre. J'ai moi-même quelque peu étudié les questions fiscales. Cela m'intéresse beaucoup... Seulement, moi, évidemment, j'ai dû étudier dans les livres, tandis que vous, vous avez acquis votre expérience face à face avec les hommes... en première ligne, si j'ose dire. Je souhaiterais parfois avoir un rôle comme le vôtre. J'apprendrais beaucoup. " En disant cela, remarquez-le bien, j'étais profondément sincère. « L'inspecteur se redressa dans son fauteuil et se mit à me parler de lui, de son métier, il cita certaines fraudes astucieuses qu'il avait découvertes. Son attitude devint de plus en plus cordiale, et bientôt il me parla de ses enfants. En me quittant, il m'annonça qu'il allait réviser mon cas et qu'il me ferait sous peu connaître sa décision. « Trois jours plus tard, il m'informait que, conformément à ma demande, il m'exemptait d'impôts sur le chapitre en question. » Cet inspecteur incarnait une caractéristique humaine flagrante : il désirait être important. Tant que le contribuable s'opposait à lui, il faisait valoir haut et fort son autorité. Mais quand l'argumentation s'arrêtait et qu'il pouvait exprimer son moi, il se montrait aimable et sympathique. « Ce n'est jamais la haine qui met fin à la haine : c'est l'amour », a dit Bouddha. Un malentendu n'est pas dissipé par une discussion, mais par le tact, la diplomatie, l'esprit de conciliation et par le désir généreux de considérer le point de vue de l'autre. [...] Un article de Bits and pieces émet des suggestions pour qu'un différend ne se transforme pas en dispute : Réservez bon accueil au différend. Souvenez-vous de la devise : « Quand deux partenaires sont toujours d'accord, l'un des deux n'est pas nécessaire. » S'il y a un point auquel vous n'avez pas pensé, soyez reconnaissant qu'on l'ait porté à votre attention. Ce différend est peut-être pour vous l'occasion d'une révision qui vous évitera de commettre une grave erreur. — Ne cédez pas à votre première impulsion. [...] — Maîtrisez votre colère. [...] — Commencez par écouter. [...] — Cherchez des terrains d'entente. [...] — Soyez honnête. Cherchez des points sur lesquels il se peut que vous ayez tort et admettez-les. Excusez-vous pour vos erreurs. Cela aidera à désarmer vos adversaires et à réduire leur attitude défensive. — Promettez de réfléchir aux idées de vos antagonistes, de les étudier avec soin. [...] — Remerciez sincèrement vos adversaires pour leur intérêt. [...] — Ajournez votre action pour laisser aux deux parties en présence le temps d'examiner en détail le problème. [...] [...]
3.2
- Respectez les opinions ; ne jamais dire à l'autre qu'il a tort Ne commencez jamais en annonçant : « Je vais vous prouver cela... Je vais vous démontrer que... » Cela équivaut à dire : « Je suis plus malin que vous. Je vais vous faire changer d'avis. » Vous créez une opposition et vous incitez l'interlocuteur à vous combattre avant même d'avoir pu entamer votre exposé. Il est difficile, même dans les conditions les plus favorables, de modifier l'opinion de nos semblables. Alors, pourquoi élever des obstacles ? Pourquoi ajouter encore à la difficulté ? Si vous avez l'intention de prouver quelque chose, que personne n'en sache rien. Opérez si adroitement, si subtilement, que nul ne puisse découvrir votre but. Suivez le conseil du poète :
Enseignez sans paraître enseigner. Il y a trois siècles, Galilée ne disait-il pas :
Enseigner, c'est rappeler aux autres Lord Chesterfield disait à son fils :
Sois plus sage que les autres, si tu peux ; Socrate répétait à ses disciples à Athènes :
Je ne sais qu'une chose : Que voulez-vous !... Je n'ai pas la prétention de me croire plus fort que Socrate : c'est pourquoi j'ai cessé d'affirmer aux gens qu'ils ont tort. Et je m'en suis bien trouvé ! Si quelqu'un vous affirme une chose que vous croyez fausse — et même que vous savez parfaitement être erronée —, n'est-il pas préférable de commencer ainsi : « Écoutez, je n'étais pas du tout de cet avis, mais je peux me tromper. Cela m'arrive souvent. Si je me trompe, je veux bien rectifier mon opinion... Examinons la chose ensemble, voulez-vous ? » Des phrases comme celles-là sont magiques, littéralement magiques. « Je peux me tromper... Voyons cela ensemble... » Il n'est personne au monde qui puisse objecter à ces mots-là ! [...] extrait du livre du professeur James Harvey Robinson, La Formation de l'Esprit. Il nous arrive de modifier spontanément nos opinions sans effort et sans émotion. Mais, si l'on vient nous affirmer que nous sommes dans l'erreur, nous nous révoltons contre cette accusation et prenons instantanément une attitude défensive. C'est avec légèreté que nous formons nos convictions, mais il suffit qu'on menace de nous les arracher pour que nous nous prenions pour elles d'une passion farouche. Évidemment, ce ne sont pas tant nos idées que notre amour-propre que nous craignons de voir en danger... L'adjectif possessif « mon », « ma » est pour chacun le plus important de tous les mots, et tenir compte de cela c'est le commencement de la sagesse. Il possède la même force, qu'il s'agisse de « mon » dîner, « mon » chien, « ma » maison, ou de « mon » père, « mon » pays, « mon » Dieu. Nous nous insurgeons non seulement quand on nous dit que notre montre est laide, que notre voiture est inconfortable, mais aussi quand on insinue que notre conception des canaux de Mars, de la valeur médicinale du salicylate ou de la civilisation des Pharaons est erronée... Il nous plaît de continuer à vivre dans nos croyances. Si nous les voyons menacées, nous éprouvons une révolte qui nous pousse à chercher tous les arguments possibles pour les sauver. En somme, notre soi-disant raisonnement consiste à imaginer des excuses pour conserver les vieilles théories qui nous sont chères. Carl Rogers, l'éminent psychologue, ne dit-il pas : « J'attache une immense valeur au fait de pouvoir me permettre de comprendre l'autre. Ma formulation peut vous paraître étrange. Est-il nécessaire de se permettre de comprendre l'autre ? Je le crois. Plutôt que chercher à comprendre, nous jugeons, nous évaluons ce que l'autre dit. Quand quelqu'un exprime ses sentiments, ses croyances, notre réaction presque immédiate est de les juger par un " c'est juste ", " c'est idiot ", " ce n'est pas normal ", " ce n'est pas raisonnable ", " ce n'est pas juste " ou " ce n'est pas bien ". Trop rarement nous nous permettons de comprendre précisément la signification que l'autre accorde à ce qu'il vient de dire. » [...] ne discutez pas avec votre interlocuteur, qu'il soit votre client, votre conjoint ou votre ennemi. Ne lui montrez pas qu'il se trompe, ne l'irritez pas, usez au contraire de diplomatie.
3.3
- Si vous avez tort, admettez-le promptement et énergiquement J'habite dans la banlieue, tout près de New York. Pourtant, à une minute de ma maison, se trouve un coin de forêt sauvage où les buissons de ronces se couvrent au printemps d'une écume de fleurs blanches, où les écureuils nichent et élèvent leurs petits, et où les asters poussent aussi haut que la tête d'un cheval. Ce lieu se nomme Forest Park... J'aime à m'y promener en compagnie de Rex, mon petit bouledogue. C'est un bon chien, affectueux et inoffensif, et, comme nous ne rencontrons presque jamais personne, je lui permets de vagabonder librement. Un jour, nous croisons un gendarme à cheval, un gendarme qui brûle d'envie de montrer son autorité. « Pourquoi laissez-vous cette bête courir dans le parc sans laisse ni muselière ? me dit-il sur un ton sec. Vous ne savez pas que c'est défendu ? — Si, je le sais, répliqué-je avec douceur, mais je ne pense pas que mon chien pourrait faire du mal ici. — Vous ne pensez pas ! La loi se moque de ce que vous pensez ! Cette bête-là est capable de tuer un écureuil ou de mordre un enfant... Enfin ! je vous laisse pour cette fois, mais, si je retrouve encore ce chien ici en liberté, je serais obligé de vous dresser procès verbal. » Docilement, je promets d'obéir. Et je tiens parole... pendant quelques jours. Mais Rex n'aime pas la muselière, et nous décidons de tenter notre chance. Tout va bien pendant un certain temps. Puis, un après-midi, après avoir escaladé une crête, je vois soudain, à mon grand émoi, la majesté de la loi en la personne de mon gendarme monté sur son cheval. Et Rex qui fonce en avant, droit sur l'homme ! Je suis pris. Je le sais. C'est pourquoi je n'attends pas que le policier m'interpelle. Je me hâte de présenter mes excuses le premier. Je dis : « Monsieur, vous me prenez sur le fait. C'est ma faute. Je n'ai pas d'excuse. Vous m'aviez prévenu la semaine dernière que, si je ramenais mon chien ici sans muselière, vous m'infligeriez une amende. » Le gendarme répond sur un ton modéré : « Oui... bien sûr... Mais je sais ce que c'est. On est tenté quelquefois de laisser un petit chien comme celui-ci courir un peu quand il n'y a personne aux alentours. — On est tenté... oui, mais tout de même, c'est défendu, rétorqué-je. — Oh ! je ne crois pas qu'une petite bête comme ça fasse du mal à quelqu'un », observe le gendarme. J'insiste : « Non, mais il pourrait étrangler des écureuils ! — Écoutez, reprend à son tour le gendarme, il ne faut pas non plus prendre les choses trop sérieusement. Tenez, voilà ce que vous allez faire. Vous allez laisser votre chien se sauver là-bas, de l'autre côté, pour que je ne le voie pas... Et puis, n'en parlons plus ! » Ce gendarme n'était qu'un homme, après tout ; il voulait affirmer son importance. Aussi, quand je m'accusai, la seule façon qui lui restait de garder sa propre estime, c'était de prendre une attitude magnanime. Mais supposons que j'aie tenté de me justifier ; que serait-il arrivé ? Une discussion. Et vous savez comment elles finissent. Au lieu de le contredire, j'ai reconnu qu'il avait parfaitement raison et que j'avais absolument tort. Je l'ai admis promptement, ouvertement et de bon coeur. L'affaire s'est terminée gracieusement, moi prenant son parti et lui prenant le mien. [...] Quand nous savons que nous méritons une remontrance, ne vaut-il pas mieux prendre les devants courageusement et faire notre mea culpa ? Le blâme que nous nous infligeons n'est-il pas plus acceptable que l'accusation lancée par une bouche étrangère ? Hâtez-vous de dire de vous-même toutes les choses déplaisantes que l'autre personne allait exprimer. Dites-les avant elle et vous la désarmerez. Il y a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent pour qu'elle adopte alors une attitude généreuse et clémente, et qu'elle ferme les yeux sur vos fautes, tout comme le gendarme de Forest Park. [...] Elbert Hubbard était un chroniqueur des plus originaux ; ses écrits cinglants suscitaient parfois de vives rancunes, mais, grâce à son habileté, il arrivait souvent à transformer ses adversaires en amis. Par exemple, quand un lecteur en colère lui écrivait pour protester qu'il n'était pas du tout d'accord avec son dernier article et terminait en le traitant de noms peu flatteurs, il répondait par la note suivante : « À bien réfléchir, je ne suis pas complètement d'accord moi-même avec cet article. Tout ce que j'ai écrit hier ne me plaît pas nécessairement aujourd'hui. Je suis heureux de connaître votre opinion sur ce sujet. La prochaine fois que vous passerez dans le voisinage, venez donc me rendre une visite, nous pourrons discuter cette question à loisir. » Que pouvez-vous rétorquer à un homme qui vous parle de cette manière ? Quand nous sommes sûrs d'avoir raison, efforçons-nous avec tact et douceur de faire partager notre opinion. Mais quand nous sommes dans notre tort — ce qui se produit avec une fréquence étonnante, si nous avons la franchise de l'admettre —, reconnaissons notre erreur promptement et de bon coeur. Non seulement nous constaterons des résultats surprenants, mais encore ce sera beaucoup plus amusant que d'essayer de nous défendre. Retenons bien ceci :
« On obtient peu en s'opposant,
3.4
- Commencez de façon amicale [...] Après avoir passé des semaines à préparer le terrain par une active propagande au sein de la population ouvrière, Rockefeller fit un discours aux grévistes. Ce discours fut un chef-d'oeuvre. Il produisit des résultats étonnants. Il calma les vagues hostiles qui entouraient Rockefeller et menaçaient de l'engloutir. Il lui permit de conquérir une foule de partisans. Il présenta les choses d'une manière si cordiale et si adroite que les belligérants reprirent leur travail sans souffler mot de l'augmentation pour laquelle ils s'étaient si farouchement battus. Je reproduis plus bas le début de ce speech remarquable. Voyez comme il rayonne de sympathie, de chaleur et de bonne volonté. Rappelez-vous que Rockefeller s'adressait à des hommes qui, quelques jours plus tôt, voulaient le pendre. Pourtant, son ton n'aurait pu être plus gracieux et plus amical s'il avait parlé à un groupe de missionnaires. Son texte est émaillé de phrases comme celles-ci : « Je suis fier d'être parmi vous, j'ai visité vos foyers, nous nous rencontrons ici comme des amis... esprit d'entente mutuelle... intérêts communs... c'est à votre courtoisie que je dois d'être ici. » Le discours commençait ainsi : « Ce jour est pour moi marqué d'une pierre blanche. C'est la première fois que j'ai le plaisir et la chance de rencontrer à la fois les représentants du personnel de cette grande maison, ses administrateurs et ses chefs, et je vous assure que je suis fier d'être ici et que je me souviendrai de cette réunion aussi longtemps que je vivrai. Si cette assemblée s'était tenue deux semaines plus tôt, je n'aurais été pour la plupart d'entre vous qu'un étranger. Mais, il y a quelques jours, j'ai parcouru tous les camps des bassins miniers du Sud, je me suis entretenu avec vos représentants, j'ai visité vos foyers, parlé avec vos femmes et vos enfants... C'est pourquoi nous nous voyons ici, non comme des adversaires, mais comme des amis, et c'est dans cet esprit de sympathie mutuelle que je suis heureux de pouvoir discuter avec vous de nos intérêts communs. « C'est uniquement à votre courtoisie que je dois d'être admis dans cette réunion des directeurs de la Compagnie et des représentants du personnel, car je n'ai l'avantage d'appartenir ni au premier ni au deuxième groupe. Et, pourtant, je me sens intimement associé à vous tous, car, en un sens, je représente à la fois le patronat et les travailleurs... » Cela n'est-il pas un magnifique exemple de l'art de transformer les ennemis en amis ? Supposons que Rockefeller ait choisi une autre stratégie. Supposons qu'il ait livré bataille aux mineurs, qu'il leur ait jeté au visage toutes sortes de vérités blessantes, et qu'il ait insinué par ses intonations qu'ils étaient dans leur tort. Admettons même que, par une logique irréfutable, il leur ait démontré leurs fautes. Que se serait-il produit ? Un surcroît de colère, de rancune et de révolte ! Si un homme n'éprouve pour vous que haine et ressentiment, vous ne l'amènerez jamais, même avec tous les raisonnements du monde, à épouser votre point de vue. Les parents grondeurs, les patrons et les époux autoritaires, les femmes querelleuses devraient comprendre que les gens détestent modifier leurs opinions. Nous ne les obligerons jamais par la force à partager notre avis. Pour cela, comptons plutôt sur la douceur et l'amitié, sur beaucoup de douceur et d'amitié. Il y a plus d'un siècle, Lincoln disait : Une vieille et sage maxime nous assure qu'« une goutte de miel attrape plus de mouches qu'une pinte de fiel ». Cela est vrai aussi pour les humains. Si vous voulez rallier un homme à votre cause, persuadez-le d'abord que vous êtes son ami. Ce sera la goutte de miel qui touchera son coeur, et c'est par le coeur qu'on parvient à l'esprit.
3.5
- Posez des questions qui font dire oui immédiatement Quand vous voulez convaincre votre auditeur, évitez, dès le début de la conversation, de soulever les questions sur lesquelles vous et lui ne vous entendez pas. Appliquez-vous, au contraire, jusqu'à la fin, à souligner les points sur lesquels vous êtes tous les deux du même avis. Autant que possible, montrez que vous travaillez au même but, et que vous différez seulement quant aux moyens d'y parvenir. Tâchez d'amener cette personne à dire : « Oui, oui » le plus tôt possible. Faites qu'elle n'ait pas à prononcer de « non ». Le professeur Overstreet, dans son livre L'Art d'influencer la conduite humaine, déclare : « Une réponse négative est un obstacle difficile à surmonter. Quand une personne a dit " non ", tout son orgueil exige qu'elle garde une attitude constante, qu'elle continue à dire " non ". Comprend-elle plus tard que ce " non " était injustifié ? Tant pis ! Elle ne peut se rétracter : elle doit ménager avant tout son précieux amour-propre. Voilà pourquoi il est extrêmement important de lancer, dès le début, votre interlocuteur dans la bonne direction : celle des acquiescements. » [...] C'est par cette méthode des « acquiescements préparatoires », si je puis dire, que M. James Eberson, employé de banque, évita à sa maison la perte d'un client. « J'avais remis, dit-il, à un monsieur qui désirait ouvrir un compte à notre banque le formulaire d'usage à remplir. Il répondit à quelques-unes des questions, puis refusa tout net de répondre aux autres. « Avant d'avoir étudié les relations humaines, j'aurais fait observer à ce futur client que, s'il ne fournissait pas les renseignements désirés, nous ne pourrions accepter son dépôt... D'ailleurs, je me souviens, à ma grande honte, d'avoir jadis commis pareille faute ; naturellement, j'avais pris un certain plaisir à formuler cet ultimatum : j'avais prouvé que j'étais le maître et qu'on ne badinait pas avec les règlements de ma société ! Malheureusement, je ne m'étais guère soucié de ce que pensait le client, qui était en droit d'attendre un accueil plus flatteur de la banque à laquelle il venait déposer ses fonds. « Ce jour-là, je résolus d'agir avec un peu plus de bon sens : j'allais éviter de penser à ce que nous voulions, nous, pour me concentrer sur les désirs du client, et, par-dessus tout, lui faire dire : " Oui, oui " dès le début. En conséquence, je déclarai que les détails qu'il refusait d'inscrire n'étaient pas absolument nécessaires. « — Cependant, continuai-je, supposons que vous veniez à disparaître subitement en laissant des fonds à votre banque, n'aimeriez-vous pas savoir cet argent transféré à votre parent le plus proche ? « — Mais, si, certainement, admit-il. « — Dans ces conditions, ne croyez-vous pas qu'il serait prudent de nous indiquer le nom de ce parent pour nous permettre, en cas de malheur, d'exécuter vos désirs sans erreur ni retard ? « Là aussi il dit " oui ". « Peu à peu il s'adoucit, en voyant que nous lui demandions ces renseignements dans son propre intérêt. Non seulement il fournit tous les détails désirés, mais encore, sur mon conseil, il nous confia la gestion de son portefeuille. « En lui faisant dire : " Oui, oui " dès le commencement, je lui avais fait oublier le but initial de notre discussion et je l'avais amené à faire de bon coeur tout ce que je lui demandais. » [...] Socrate a accompli ce que bien peu d'hommes ont réalisé à travers les âges : il a institué une philosophie nouvelle, et aujourd'hui, vingt-trois siècles après sa mort, il est honoré comme un des plus subtils psychologues de tous les temps. Quelle était sa méthode ? Disait-il à ses voisins qu'ils avaient tort ? Oh ! non ! Pas lui. Il était bien trop adroit pour cela. Toute sa technique, maintenant appelée « méthode socratique », consistait à poser des questions auxquelles son adversaire ne pouvait que répondre affirmativement. L'un après l'autre, il emportait toute une série d'acquiescements. Et ainsi, de question irrésistible en réponse affirmative, il entraînait son interlocuteur vers une conclusion que celui-ci aurait repoussée violemment quelques instants auparavant. La prochaine fois que nous serons tentés d'annoncer triomphalement à notre voisin qu'il se trompe, souvenons-nous du vieux Socrate, et formulons alors modestement une question — une question qui nous apportera un « oui ».
3.6
- Laissez votre interlocuteur parler tout à son aise La plupart des gens, quand ils essaient de convaincre un interlocuteur, parlent trop. Laissez donc l'autre « vider son sac ». Il connaît mieux que vous son affaire et ses problèmes. Posez-lui des questions, et laissez-le s'exprimer. Si vous n'êtes pas d'accord avec lui, vous serez tenté de l'interrompre. Mais n'en faites rien. C'est dangereux. Il ne vous écoutera pas tant qu'il ne sera pas libéré de toutes les idées qu'il brûle d'exprimer. Écoutez-le patiemment et avec impartialité. Donnez-lui votre attention pleine et sincère. Encouragez-le à dévoiler le fond de sa pensée. [...] Laisser parler les autres donne d'aussi bons résultats dans les relations familiales que dans les relations professionnelles. Les relations de Barbara Wilson avec sa fille Laurie se détérioraient rapidement. Laurie, qui avait été une enfant calme et plutôt conciliante, était devenue une adolescente fermée, parfois même agressive. Les sermons, les menaces et les punitions n'y faisaient rien. « Un jour, nous raconte Mme Wilson, j'ai abandonné. Laurie avait quitté la maison sans ma permission pour rendre visite à une amie. De plus, elle était partie sans avoir terminé son travail. À son retour, je suis prête à hurler, comme je l'ai déjà fait des milliers de fois, mais je ne m'en sens plus la force. Je me contente de la regarder et de lui dire tristement : " Pourquoi, Laurie, pourquoi ? " Laurie remarque alors l'état dans lequel je suis et d'une voix calme me répond : " Tu tiens vraiment à le savoir ? " Je hoche la tête et Laurie s'explique. Un peu hésitante au début, elle finit par me dire tout ce qu'elle a sur le coeur : je ne l'ai jamais écoutée ; je passe mon temps à lui dire de faire ci ou ça ; chaque fois qu'elle veut se confier à moi, je l'interromps en lui donnant des ordres. Je comprends qu'elle a besoin de moi, non pas d'une mère autoritaire mais d'une confidente, de quelqu'un capable de l'aider à passer le cap difficile de l'adolescence. Et au lieu de l'écouter, tout ce que j'avais su faire, c'était parler. Je ne l'avais jamais comprise. « Depuis ce jour-là, je la laisse s'exprimer tout à son aise. Elle se confie à moi et nos relations se sont nettement améliorées. Elle est redevenue la jeune fille ouverte et gaie qu'elle avait été. » [...] Même nos amis préfèrent nous entretenir de leurs mérites plutôt que de nous écouter vanter les nôtres. La Rochefoucauld dit : « Si vous voulez vous faire des ennemis, surpassez vos amis ; mais si vous voulez vous faire des alliés, laissez vos amis vous surpasser. » En effet, lorsqu'ils nous dominent, nos amis affirment leur importance ; dans le cas contraire, ils se sentent inférieurs et, par conséquent, jaloux.
3.7
- Accordez à votre interlocuteur le plaisir de croire que l'idée vient de lui Nous n'aimons pas qu'on nous impose quoi que ce soit. Nous aimons mieux agir de notre propre initiative. Il nous est agréable d'être consultés sur nos goûts et nos désirs. Prenons le cas de M. Eugene Wesson. Jusqu'à ce qu'il ait compris cela, il perd des milliers de dollars en affaires manquées. C'est un artiste décorateur en tissus, broderies, costumes, etc. Pendant trois ans il prospecte avec persévérance l'un des plus importants fabricants à New York. « Il ne refusait pas de me recevoir, explique M. Wesson, mais il ne me passait jamais de commande. Il examinait attentivement des dessins, puis concluait : " Non, Wesson, je ne crois pas que nous ferons encore affaire aujourd'hui. " » Après d'innombrables échecs, Wesson comprend que sa tactique est mauvaise, et qu'il fait fausse route. Il décide d'en sortir et se met à étudier l'art d'influencer les autres. Au bout de quelque temps, il lui vient une idée. Choisissant dans son atelier une demi-douzaine d'esquisses inachevées, il court chez le fabricant et lui dit : « Monsieur, je voudrais vous demander un service. Voici quelques dessins ; voulez-vous me dire comment nous devrions les compléter pour qu'ils vous conviennent ? » L'acheteur les examine un moment sans un mot, puis il déclare : « Laissez-les-moi quelques jours, Wesson, et revenez me voir. » Wesson obéit, revient trois jours plus tard, recueille les indications du fabricant et fait terminer les esquisses conformément à ses désirs. Résultat : elles sont toutes acceptées. Depuis cette époque, Wesson a reçu de son client toute une série d'autres travaux, établis également d'après ses idées. « Je comprends, nous dit l'artiste, pourquoi je n'ai pu réussir pendant des années à conquérir ce client. Je le poussais à acheter ce que, moi, je jugeais convenable pour lui. C'est le contraire qu'il fallait faire. Maintenant je le consulte, je lui demande son avis ; je lui donne l'impression qu'il crée lui-même ; et c'est vrai, il crée. Je n'ai plus besoin de le persuader ; il se convainc tout seul. » Laisser à son interlocuteur le plaisir de croire que l'idée vient de lui produit autant d'effets dans la vie familiale que dans les affaires ou la politique. [...] Il y a vingt-cinq siècles, le sage chinois Lao-Tseu disait que la raison pour laquelle les rivières et les mers reçoivent les hommages de centaines de ruisseaux des montagnes, c'est qu'elles restent plus bas qu'eux. Elles peuvent alors régner sur tous les ruisseaux de montagne. Le sage, voulant être au-dessus des autres, se place lui-même en dessous ; voulant être devant, il se place derrière. Ainsi, bien que sa place soit au-dessus des autres, ceux-ci ne sentent pas son poids ; bien que sa place soit devant, ils n'en sont pas blessés.
3.8
- Efforcez-vous de voir les choses du point de vue de votre interlocuteur Souvenez-vous de ceci : même si votre voisin est complètement dans l'erreur, il ne croit pas se tromper. Ne le condamnez pas ; le premier sot venu peut condamner. Essayez plutôt de le comprendre. C'est là le fait des êtres sages, tolérants et peut-être même exceptionnels. Pour penser et pour agir comme il le fait, votre voisin a une raison. Découvrez ce motif caché et vous connaîtrez le secret de ses actes et probablement de sa personnalité. Efforcez-vous sincèrement de vous mettre à sa place. Dites-vous : « Quels sentiments éprouverais-je, quelles seraient mes réactions si j'étais " dans ses souliers " ? » Ainsi vous épargnerez votre temps et vos nerfs ; en outre, vous vous perfectionnerez considérablement dans l'art de mener les hommes. « Considérez, écrivait un psychologue, le contraste qui existe entre l'intérêt passionné que vous portez à vos propres affaires et la tiède attention que vous accordez au reste du monde. Songez bien que tous les hommes de l'univers éprouvent exactement ce que vous éprouvez. Comme Lincoln et Roosevelt, vous aurez saisi le seul fondement solide des relations interpersonnelles, à savoir que la réussite dans nos rapports avec les autres dépend d'une compréhension profonde du point de vue de l'autre. » Le docteur Gerald S. Nirenberg a écrit : « Vous ne participez vraiment à une conversation que lorsque vous montrez à l'autre que vous considérez ses idées et ses sentiments comme étant aussi importants que les vôtres. En acceptant son point de vue, vous encouragez celui qui vous écoute à avoir l'esprit ouvert à vos idées. » [...] Si la lecture de ce livre ne vous apporte qu'une seule chose : une aptitude croissante à considérer en toutes circonstances le point de vue d'autrui autant que le vôtre, oui, même si cet ouvrage ne vous apporte que cela, il constituera déjà l'une des étapes les plus significatives de votre carrière.
3.9
- Accueillez avec sympathie les idées et les désirs des autres N'aimeriez-vous pas connaître une phrase magique grâce à laquelle vous éviteriez les querelles, dissiperiez les rancunes, stimuleriez les bonnes volontés et inciteriez votre auditeur à vous écouter attentivement ? Oui ?... Fort bien. Cette phrase, la voici : « Je comprends très bien votre attitude, si j'étais vous j'aurais probablement la même. » Une réponse comme celle-là calmera l'interlocuteur le plus coriace. Et vous pouvez la faire en étant parfaitement sincère, car, si vous étiez à la place de l'autre, vous réagiriez exactement comme lui. Prenez Al Capone, par exemple. Supposons que vous ayez hérité de son corps, de son tempérament, de son esprit, que vous ayez vécu dans le même entourage que lui et connu les mêmes expériences, vous auriez été précisément ce qu'il était. Car ce sont ces éléments qui ont fait ce qu'il était. Vous n'êtes pas un serpent à sonnettes, pour la seule raison que vos parents n'étaient pas des serpents à sonnettes. Ne tirez aucune vanité d'être tel que vous êtes. Les gens qui viennent à vous irrités, bornés, discutailleurs, ne sont pas à blâmer pour ce qu'ils sont. Plaignez-les. Accordez-leur votre sympathie. Dites-vous : « Si Dieu l'avait voulu, je serais cette personne-là ! » Les trois quarts des gens que vous rencontrerez ont cruellement soif de sympathie, de compréhension. Contentez-les et ils vous adoreront. [...] Joyce Norris, professeur de piano à Saint Louis, dans le Missouri, raconte comment elle a résolu un problème que les professeurs de piano rencontrent souvent avec les adolescentes. Babette avait des ongles exceptionnellement longs. C'est un handicap sérieux au piano. « Je savais que la longueur de ses ongles allait l'empêcher de bien jouer, alors qu'elle désirait réussir. Au cours de nos conversations préalables, je m'étais bien gardée d'y faire allusion. Je ne voulais pas la décourager et je savais aussi qu'elle ne voudrait pas renoncer à ce qui était sa fierté et l'objet de tant de soins. « Après sa première leçon, quand je sens le moment venu, je lui dis : " Babette, tu as de très jolies mains et de beaux ongles. Si tu veux jouer du piano aussi bien que tu en es capable, tu verras à quelle vitesse et avec quelle facilité tu obtiendras ce résultat si tu coupes tes ongles un peu plus courts. Penses-y, d'accord ? " « Elle fait une moue de désapprobation. J'en parle aussi à sa mère en soulignant, une fois de plus, la beauté des ongles de sa fille. La réaction est tout aussi négative. Il est visible que les ongles parfaitement manucurés de Babette ont également beaucoup d'importance pour elle. « La semaine suivante, Babette revient pour sa deuxième leçon. À ma grande surprise, elle s'est coupé les ongles. Je la complimente et la félicite d'avoir fait un tel sacrifice. Je remercie aussi sa mère d'avoir persuadé Babette de se couper les ongles. " Oh ! mais je n'y suis pour rien, réplique-t-elle. Babette s'y est résolue toute seule et c'est bien la première fois qu'elle se coupe les ongles pour quelqu'un. " » Mme Norris a-t-elle menacé Babette ? Lui a-t-elle dit qu'elle refuserait de donner des leçons à une élève ayant des ongles trop longs ? Non. Au contraire. Elle l'a complimentée pour la beauté de ses ongles et a reconnu que cela représenterait un gros sacrifice de les couper. C'était sa manière de lui dire : « Je comprends ce que tu ressens, je sais que ce ne sera pas facile, mais tu seras récompensée par la rapidité de tes progrès en musique. » [...] Tous, nous avons besoin de sympathie. L'enfant s'empresse d'exhiber sa coupure ou sa bosse, ou même se cogne lui-même pour se faire plaindre et cajoler. Les adultes décrivent longuement leurs accidents, leurs maladies et les détails de leurs opérations chirurgicales. Que ses malheurs soient vrais ou imaginaires, l'homme se complaît dans la pitié de soi-même. Si vous voulez gagner les autres à votre point de vue accueillez avec sympathie les idées et les désirs des autres.
3.10
- Faites appel aux sentiments élevés Un garage avait six clients qui refusaient de payer leurs factures de réparations. Soyons précis : ils ne refusaient pas précisément de payer, ils protestaient contre un débit qu'ils prétendaient erroné. Or les six intéressés avaient donné leur signature pour approuver le travail exécuté. La société savait qu'elle avait raison et le leur avait dit. Première erreur. Puis le service comptabilité était entré en action pour faire régler ces factures. Avec succès, pensez-vous ? 1. Ils rendirent visite à chaque client pour réclamer fermement le paiement de la facture en souffrance. 2. Ils affirmèrent que eux, garagistes, avaient entièrement raison et que, par conséquent, lui, le client, avait indiscutablement tort. 3. Ils déclarèrent que eux, garagistes, connaissaient les voitures mieux que n'importe quel client. Alors, à quoi bon protester ? Résultat : des discussions sans fin. Croyez-vous que ces méthodes amenèrent les débiteurs à payer ? Vous pouvez répondre vous-même. Les choses en étaient là et le chef comptable s'apprêtait à intenter des poursuites judiciaires, quand, par bonheur, l'affaire vint jusqu'aux oreilles du patron. Celui-ci se renseigna sur les clients récalcitrants et découvrit que tous avaient l'habitude d'effectuer promptement leurs règlements. Il y avait donc un vice, un vice grave, dans les méthodes de recouvrement de la comptabilité. Le directeur fit appeler un de ses collaborateurs, M. James L. Thomas, et lui confia la délicate mission de faire les encaissements. Voici ce que fit M. Thomas : « 1. Je savais, moi aussi, dit-il, que nos factures étaient parfaitement justes, mais de cela je ne soufflai mot. J'annonçai à chaque client que j'étais venu le voir pour découvrir ce que ma maison avait fait — ou omis de faire — pour le mécontenter. « 2. Je lui fis bien comprendre que je ne me ferais aucune opinion tant que je n'aurais pas entendu sa version du litige. J'eus soin de déclarer que ma maison n'était pas infaillible. « 3. Je lui dis qu'il connaissait sa voiture mieux que personne au monde. « 4. Je le laissai parler tout à son aise et je l'écoutai avec l'attention et toute la sympathie qu'il espérait. « 5. Finalement, quand il fut devenu plus calme et plus raisonnable, je fis appel à sa probité et à son équité. Je lui dis : " D'abord, je suis tout à fait de votre avis. Cette affaire a été très mal menée ; vous avez été importuné et irrité par un de nos employés. Cela n'aurait jamais dû se produire et je vous présente mes excuses au nom de ma maison. En vous écoutant exposer vos griefs, j'observais votre patience et votre impartialité. Et c'est parce que j'ai pu apprécier en vous ces qualités que je vais me permettre de vous demander un service. Voulez-vous rectifier vous-même votre facture ? Au fond, nul n'est mieux qualifié que vous pour le faire, car nul ne connaît la question mieux que vous. Voici le compte, je sais que vous l'ajusterez aussi scrupuleusement que si vous étiez le président de notre compagnie. Nous accepterons ensuite ce que vous aurez décidé. " « Que fit le client ? Il régla de bonne grâce la totalité de la somme demandée. Tous les autres firent comme lui, sauf un, qui profita de l'occasion pour refuser de payer quoi que ce soit sur le débit en souffrance. Et voici le bouquet : les six ex-mécontents nous commandèrent chacun une nouvelle voiture dans les deux années suivantes. « L'expérience m'a appris une chose, conclut M. Thomas. Quand une créance est contestée et qu'il est impossible d'obtenir les précisions nécessaires, le mieux est d'admettre d'emblée la bonne foi et l'honnêteté du client. D'une manière générale les acheteurs sont " réguliers " et tiennent à faire face à leurs engagements. Plutôt rares sont les exceptions à cette règle. Et je suis persuadé que même l'individu qui a tendance à tricher réagira favorablement si vous lui montrez que vous le tenez pour une personne intègre et loyale. »
3.11
- Démontrez spectaculairement vos idées ; frappez la vue et l'imagination Il faut du spectaculaire. Affirmer une vérité ne suffit pas. Il faut frapper l'imagination, rendre les faits vivants, intéressants, impressionnants. C'est ce que fait le cinéma ; c'est ce que fait la télévision. C'est ce que vous devez faire si vous voulez capter l'attention. [...] Vous pouvez, dans les affaires ou dans la vie de tous les jours, tout aussi bien présenter vos idées de façon spectaculaire. C'est facile. Jim Yeamans, vendeur à N.C.R. (National Cash Register Co), à Richmond, en Virginie, nous raconte comment il a réussi une vente en frappant l'imagination de son client. « La semaine dernière, je rends visite à un épicier du voisinage et je remarque que ses caisses enregistreuses sont démodées. Je m'approche de lui et lui dis : " Vous jetez littéralement l'argent en l'air chaque fois qu'un de vos clients est obligé de faire la queue. " Et là-dessus, je jette une poignée de pièces en l'air. Il devient tout de suite plus attentif. Les mots seuls auraient dû éveiller son intérêt, mais, au bruit des pièces retombant sur le sol, il reste pétrifié. Et j'obtiens sans mal qu'il me passe une commande pour remplacer toutes ces vieilles machines. » Ce principe marche aussi avec les enfants. Joe B. Fant, de Birmingham, dans l'Alabama, éprouvait des difficultés à obliger ses enfants de cinq et trois ans à ramasser et à ranger leurs jouets. Aussi inventa-t-il le jeu du « train ». Joey était le mécanicien sur son tricycle. Le wagon de Janet y était attaché et, le soir, elle chargeait tout le « charbon » sur le fourgon de queue (son wagon), puis sautait dedans tandis que son frère lui faisait faire le tour de la pièce. De cette manière la chambre était en ordre sans sermon, ni discussion, ni menace. Charles Schwab, bras droit d'Andrew Carnegie, le roi de l'acier, avait un chef d'atelier dont les ouvriers produisaient moins que la norme. « Comment se fait-il, lui dit Schwab, qu'un homme aussi capable que vous ne puisse obtenir un meilleur rendement de ses employés ? — Je ne sais pas, répondit l'autre. Je les ai tour à tour encouragés, stimulés, maudits et menacés de renvoi... Rien n'y a fait. » Ceci se passait le soir, juste avant l'arrivée de l'équipe de nuit. « Donnez-moi un morceau de craie, dit Schwab. Combien de " coulées ", aujourd'hui ? demanda-t-il au chef d'atelier. — Six. » Sans ajouter un mot, Schwab marqua un « 6 » sur le sol et s'éloigna. Lorsque ceux de l'équipe de nuit se présentèrent, ils virent le chiffre et demandèrent ce que cela signifiait. « Le patron est venu aujourd'hui, répondirent les autres. Il nous a demandé combien de " coulées " nous avions faites ; nous avons répondu " 6 ", et il l'a écrit par terre. » Le lendemain matin, Schwab revint. Le « 6 » de la veille avait été remplacé par un « 7 ».Quand l'équipe de jour arriva, elle vit le « 7 ». « Ainsi, les copains de la nuit se croyaient plus forts qu'eux ! C'est ce qu'on allait voir ! » Ils se mirent à l'ouvrage avec ardeur et, la journée finie, ils laissèrent derrière eux un « 10 » énorme et fanfaron. Les choses allaient de mieux en mieux... Bientôt la production de cet atelier, qui avait été jusqu'alors la plus faible de toute l'usine, passa au premier rang. Moralité ? La voici, exprimée par Charles Schwab lui-même : « Pour obtenir des résultats, stimulez la compétition, non par l'appât du gain, mais par une émulation plus noble, le désir de mieux faire, de surpasser les autres et de se surpasser. » [...] Frederic Herzberg, l'un des grands spécialistes du comportement, est d'accord sur ce point. Il a étudié en détail les comportements professionnels de milliers de personnes, de l'ouvrier d'usine aux cadres de direction. Quelle est la motivation essentielle qui pousse les gens à travailler ? L'argent ? Les bonnes conditions de travail ? Les avantages sociaux ? Non. La motivation essentielle, c'est le travail lui-même. Si le travail est passionnant, l'homme est motivé pour le faire bien. Harvey Firestone, fondateur de la grande marque de pneumatiques, disait : « J'ai constaté que l'argent seul n'a jamais suffi à faire agir les hommes de valeur. Ce qui les tente, c'est le risque, la lutte, la possibilité de vaincre, de se dépasser. Toutes les compétitions n'ont pas d'autre mobile que celui-là : le désir d'exceller et d'affirmer son importance. » |
4. Modifier l'attitude des autres sans irriter ni offenser 4.1 - S'il vous faut corriger une faute, commencez par des éloges sincères Le coiffeur savonne son client avant de le raser. C'est précisément ce que fit McKinley en 1896, quand il préparait sa campagne électorale pour la présidence de la République. Un de ses collaborateurs avait rédigé un discours qu'il jugeait en lui-même légèrement supérieur à ceux de Cicéron et de Démosthène réunis. Tout rayonnant d'orgueil, il lut à McKinley son oeuvre immortelle. Son allocution ne manquait pas de mérite. Mais elle ne pouvait convenir en la circonstance ; elle aurait soulevé une tornade de protestations et de sarcasmes. McKinley ne voulait pas blesser cet homme, ni étouffer son splendide enthousiasme. Pourtant, il fallait dire « non ». Observez comme il s'y prit adroitement pour y parvenir. « Mon ami, s'écria-t-il, votre discours est superbe ; il est remarquable ; personne n'aurait pu faire mieux. En bien des circonstances, c'est exactement un discours comme celui-ci qu'il nous faudrait. Mais, dans le cas présent, convient-il vraiment ? Tout raisonnable et mesuré qu'il paraisse, nous devons prévoir l'effet qu'il aura sur notre parti. Rentrez chez vous et écrivez-moi vite un autre speech suivant les indications que je vous donne, puis vous m'en enverrez une copie. » Le rédacteur obéit. McKinley l'aida de ses conseils, et il devint l'un des meilleurs orateurs de la campagne électorale. [...] M. Gaw est un citoyen ordinaire, comme vous et moi. Son entreprise avait été chargée de construire à Philadelphie un grand bâtiment qui devait être achevé à une certaine date. Tout allait bien ; la construction était presque terminée, quand tout à coup, le fabricant qui devait fournir les ornements en bronze pour la façade fit savoir qu'il lui serait impossible de livrer sa marchandise au jour promis. Quoi ? Un immeuble entier retardé ! De gros dédits à payer, de lourdes pertes, des complications ! Tout cela à cause d'un seul homme ! Coups de téléphone... Discussions... Remontrances... Tout fut vain. M. Gaw fut alors désigné pour aller à New York séduire le lion dans son antre. Quand il pénétra dans le bureau de l'industriel, il lui dit : « Savez-vous, monsieur, que votre nom est unique à Brooklyn ? » L'autre se montra surpris : « Non, dit-il, je l'ignorais. » M. Gaw poursuivit : « Je m'en suis aperçu en cherchant votre adresse dans l'annuaire du téléphone. » Le fabricant prit l'annuaire et le regarda avec intérêt. « Il est certain, déclara-t-il avec une fierté non dissimulée, que c'est un nom peu commun. Ma famille a émigré de Hollande et s'est établie ici il y a bientôt deux cents ans... » Pendant quelques minutes, il parla complaisamment de ses parents et de ses ancêtres. Quand il eut fini, M. Gaw lui fit des compliments de son usine et conclut : « C'est une des installations les plus propres et les mieux organisées que j'aie jamais vues. — J'ai passé ma vie à monter cette entreprise, dit l'industriel, et, mon Dieu ! j'en suis fier... Voulez-vous faire un tour dans mes ateliers ? » Tout au long de cette visite, M. Gaw admira les machines et les méthodes de travail, expliquant pourquoi il les trouvait supérieures aux autres. Il remarqua quelques dispositifs spéciaux : son hôte lui confia qu'ils étaient de son invention et tint à lui en décrire longuement le fonctionnement ; finalement, il insista pour emmener M. Gaw déjeuner avec lui. Jusque-là, notez-le bien, pas un mot n'avait été prononcé sur le but véritable du visiteur. À la fin du repas, l'industriel dit : « Parlons affaires. Naturellement, je sais pourquoi vous êtes ici... Je ne pensais pas que notre entrevue serait aussi agréable. Vous pouvez rentrer à Philadelphie avec ma promesse que les fournitures seront exécutées et livrées à temps, même si toutes les autres commandes doivent être suspendues. » M. Gaw obtint tout ce qu'il voulait sans même avoir à le demander. Le fournisseur tint parole, et le bâtiment fut achevé au jour dit. Les choses se seraient-elles passées ainsi si M. Gaw avait employé les méthodes violentes généralement adoptées en pareilles circonstances ? [...] Commençons par faire des éloges et nous ferons progresser notre entourage.
4.2
- Comment corriger les autres sans vous faire détester Charles Schwab, l'homme de confiance d'Andrew Carnegie, le roi de l'acier, qui, par son tact et sa diplomatie, avait su gagner la sympathie et la considération universelles, se promenait un jour, vers midi, dans ses ateliers. Il rencontra un groupe d'ouvriers qui fumaient. Exactement au-dessus de leurs têtes se trouvait un écriteau : « Défense de fumer. » Que fit Schwab ? Leur montra-t-il l'écriteau en s'écriant : « Vous ne savez donc pas lire ? » Oh ! non ! pas Schwab. Il s'approcha des hommes, tendit à chacun un cigare, et ajouta : « Vous me feriez plaisir en allant fumer ces cigares dehors. » Les ouvriers savaient qu'il avait noté leur infraction au règlement et ils l'admirèrent parce qu'il n'en avait rien dit, parce qu'il leur avait fait un cadeau et parce qu'il leur avait fait sentir leur importance. Qui n'aimerait un tel homme ? John Wanamaker, fondateur des grands magasins qui portent son nom, employait la même méthode. Il avait l'habitude de parcourir chaque jour ses nombreux rayons. Une fois, il vit une cliente qui attendait à un comptoir. Personne ne faisait attention à elle. Les vendeuses ? Elles étaient dans un coin en train de rire et de bavarder. Wanamaker ne souffla mot. Se glissant derrière le comptoir, il servit la cliente lui-même... puis continua son chemin. [...] Il suffit souvent de changer un mot de quatre lettres en un mot de deux lettres pour que l'échec devienne succès, pour modifier l'attitude des autres sans les offenser ni provoquer de rancune. Bien des gens commencent par faire des compliments sincères, puis ils ajoutent un « mais » et terminent sur une critique. Par exemple, pour modifier le comportement d'un enfant qui néglige ses études : « Nous sommes vraiment fiers de toi, Johnny, tes notes sont meilleures ce trimestre. Mais si tu avais fourni plus d'efforts en algèbre, tes résultats auraient été encore meilleurs. » Il se peut que Johnny se sente encouragé jusqu'à ce qu'il entende le mot « mais ». Il peut alors douter de la sincérité du compliment. Ce dernier n'est là que pour mieux introduire la critique. L'éloge perdant sa crédibilité, il est fort probable que nous ne changerons rien à l'attitude de Johnny envers ses études. En revanche, en remplaçant « mais » par « et », nous pourrions réussir à la modifier. « Nous sommes vraiment fiers de toi, Johnny, tes notes ce trimestre sont bien meilleures et, en poursuivant tes efforts, tu pourras relever aussi le niveau de tes résultats en algèbre. » Là, Johnny ne peut plus douter de la sincérité de l'éloge, car ce dernier ne mène à aucune critique. Nous avons attiré son attention sur le comportement que nous désirons voir changer, et il y a des chances pour qu'il veuille se montrer à la hauteur de nos espérances. Avec des personnes sensibles qui souffriraient d'une critique directe, attirez indirectement l'attention sur leurs erreurs, et vous ferez des merveilles. [...] L'un des principaux sujets de controverse entre réservistes et officiers de métier est la coupe des cheveux. Les réservistes se considèrent comme civils (qu'ils sont la plupart du temps) et n'apprécient pas la coupe réglementaire. Le sergent-chef Harley Kaiser, du 542e de l'École U.S.A.R., s'attaqua à ce problème alors qu'il entraînait un groupe d'officiers de réserve. En tant qu'ancien sergent-chef de l'armée de métier, on se serait attendu à ce qu'il hurle et menace ses troupes. Mais il préféra utiliser la manière indirecte : « Messieurs, commença-t-il, vous êtes des chefs. Vous serez efficaces lorsque vous commanderez par l'exemple. Vous vous devez d'être un modèle pour ceux que vous allez commander. Vous connaissez le règlement de l'armée concernant la coupe des cheveux. Pour ma part, je vais me faire couper les cheveux aujourd'hui, bien qu'ils soient plus courts que les vôtres. Regardez-vous dans la glace et, si vous estimez avoir besoin d'une coupe pour être un bon exemple, nous nous arrangerons pour que vous puissiez aller chez le coiffeur. » Comme prévu, plusieurs candidats se rendirent chez le coiffeur l'après-midi pour se faire faire une coupe réglementaire. Le lendemain matin, le sergent Kaiser déclara qu'il remarquait déjà des qualités de chef chez certains membres de la section. [...] Pour modifier la conduite d'une personne sans l'offenser ni l'irriter, faites remarquer erreurs ou défauts de manière indirecte. 4.3 - Mentionnez vos erreurs avant de corriger celles des autres Il y a quelques années, ma nièce, Joséphine Carnegie, quitta son Kansas natal pour devenir ma secrétaire à New York. Elle avait dix-neuf ans et venait de quitter le collège. Son expérience professionnelle était pour ainsi dire nulle. Aujourd'hui, c'est une des plus parfaites secrétaires que je connaisse. Mais, au début... eh bien ! au début, elle était... perfectible. Un jour que je m'apprêtais à lui faire une remontrance, je réfléchis et me dis : « Un moment, Dale... tu as deux fois l'âge de cette petite. Ton expérience est mille fois plus grande que la sienne. Comment peux-tu espérer qu'elle ait ton point de vue, ton jugement, tout médiocres qu'ils soient ? Rappelle-toi les gaffes monumentales, les erreurs stupides que tu commettais. Souviens-toi du jour où tu as fait cela... et puis cela... » Après avoir bien tout pesé, honnêtement et impartialement, je conclus qu'à âge égal la performance de Joséphine était supérieure à la mienne. Quand, par la suite, j'étais obligé de faire une observation à Joséphine, je commençais ainsi : « Tu as fait une erreur, Joséphine, mais elle n'est pas pire que bien des miennes. Le jugement ne se forme qu'avec le temps. Tu es bien plus raisonnable que je ne l'étais à ton âge. J'ai, moi-même, commis tant de bêtises que je ne pourrais guère critiquer qui que ce soit... Cependant, ne crois-tu pas qu'il eût été plus sage de t'y prendre ainsi ? etc. » Il nous est bien moins pénible d'entendre la liste de nos fautes si l'accusateur commence en confessant humblement qu'il est lui-même loin d'être irréprochable. [...] [...] Convenablement dosées et appliquées, la modestie et l'admiration nous permettront d'accomplir des prodiges dans notre vie. En reconnaissant nos propres erreurs (même si nous ne les avons pas corrigées) nous pouvons aider les autres à modifier leur comportement. Clarence Zerhusen, de Timonium, dans le Maryland, nous en donna un exemple lorsqu'il découvrit que son fils de quinze ans s'était mis à fumer. « Je ne voulais pas que David fume, dit M. Zerhusen, mais sa mère et moi fumions. Nous lui donnions tout le temps le mauvais exemple. J'expliquai à David que je m'étais mis à fumer à son âge et que la nicotine m'avait abîmé la santé. Maintenant il m'était impossible d'arrêter. Je lui rappelai combien ma toux était irritante et comme il avait insisté, quelques années auparavant, pour que je renonce au tabac. « Je ne l'exhortai pas à s'arrêter en le menaçant de tous les dangers qu'il encourait. Je me contentai de lui faire remarquer mon accoutumance et ce que cela signifiait pour moi. « Il y réfléchit un moment puis décida qu'il ne fumerait pas avant sa majorité. Les années ont passé, David n'a plus touché à une cigarette et n'en a d'ailleurs toujours pas l'intention. « À la suite de cette conversation, j'avais moi-même décidé d'arrêter de fumer et, grâce au soutien moral de ma famille, j'ai réussi. »
4.4
- Posez des questions plutôt que de donner des ordres directs Un homme qui avait travaillé trois ans dans le même bureau qu'Owen D. Young, l'économiste célèbre, père du Plan Young, disait qu'il n'avait jamais entendu celui-ci donner un ordre à qui que ce soit. Owen D. Young indiquait, proposait. Il ne commandait jamais. Owen D. Young ne disait pas par exemple : « Faites ceci », « Faites cela »... « Ne faites pas ceci ou cela. » Non, il annonçait : « Vous pourriez étudier ceci » ... « Pensez-vous que cela serait bien ? » Après avoir dicté une lettre, il interrogeait fréquemment ses collaborateurs : « Qu'en pensez-vous ? » Quand on lui soumettait un texte à revoir, il suggérait : « Peut-être vaudrait-il mieux tourner la phrase ainsi... » Il avait toujours soin de laisser une certaine initiative à ses collaborateurs ; jamais il ne leur faisait sentir de contrainte. Il les laissait agir librement et progresser par leurs erreurs. Voilà le genre d'attitude qui incite une personne à se corriger volontiers, qui ménage sa fierté, lui donne le sentiment de son importance et le désir de coopérer au lieu de se rebeller. [...] [...] Un professeur fit irruption dans la classe et d'un ton brusque demanda : « À qui appartient la voiture qui est garée en plein milieu de l'allée ? » Lorsque le propriétaire de la voiture répondit, le professeur hurla : « Enlevez-moi cette voiture sans perdre une minute, ou c'est moi qui vais le faire. » L'étudiant était dans son tort. Il n'aurait pas dû garer sa voiture à cet endroit. Mais, à partir de ce jour-là, il en voulut au professeur pour sa réaction, et non seulement lui, mais tous ses camarades de classe s'arrangèrent pour lui mener la vie dure. Si le professeur avait agi différemment et demandé plus aimablement : « À qui appartient la voiture qui se trouve dans l'allée ? », puis suggéré de la déplacer pour permettre aux autres voitures de circuler, l'étudiant l'aurait fait de bon coeur, et ni lui ni ses camarades n'en auraient conçu de rancune. Poser des questions rend non seulement un ordre plus acceptable, mais stimule aussi la créativité de votre interlocuteur. Les gens accepteront probablement plus facilement un ordre s'ils ont pris part à la décision qui est à son origine. Ian Mac Donald, de Johannesburg, directeur d'une petite usine qui fabriquait des pièces pour machines de précision, eut l'occasion de prendre une importante commande alors que l'atelier était déjà surchargé de travail. Le trop court délai de livraison aurait dû l'empêcher de l'accepter. Au lieu de harceler ses ouvriers pour qu'ils accélèrent leur cadence et exécutent d'urgence le travail, il les réunit et leur explique la situation. Il leur dit ce que cela représenterait pour la compagnie et donc pour eux, s'ils pouvaient livrer à temps cette commande. Puis il se met à leur poser des questions : « Pouvons-nous venir à bout de cette tâche supplémentaire ? » « Quelqu'un a-t-il une idée sur la manière de procéder ? » « Y a-t-il moyen d'adapter notre emploi du temps à ce surcroît de travail ? » Les employés proposèrent plusieurs solutions et insistèrent pour qu'il accepte la commande. Devant leur attitude positive, la commande fut acceptée, réalisée et livrée à temps. Posez des questions plutôt que de donner des ordres directs.
4.5
- Comment ménager l'amour propre de votre interlocuteur « Sauver la face ! » Voilà ce qui compte pour les humains ! Voilà ce qui est vital ! Pourtant combien d'entre nous y songent, quand il s'agit des autres ? Nous piétinons la sensibilité de nos semblables, nous imposons nos volontés, accusons, menaçons ; nous réprimandons devant témoins nos enfants ou nos employés, sans songer une minute aux réactions que nous provoquerons. Il en faudrait si peu, pourtant, un instant de réflexion, quelques bonnes paroles, un effort sincère pour nous oublier et comprendre les autres, il en faudrait si peu pour adoucir les coups que nous sommes obligés de porter. [...] Au cours d'une séance de notre Entraînement, deux participants discutaient des effets négatifs de la critique et des effets positifs de l'application du principe : « Laissez votre interlocuteur sauver la face. » Fred Clark d'Harrisburg, en Pennsylvanie, nous parla d'un incident survenu dans son entreprise. « Lors d'une réunion de production, un vice-président posa des questions pleines de sous-entendus à un de nos chefs, à propos d'un procédé de fabrication. Le ton de sa voix était agressif et visait à mettre en évidence les erreurs de ce responsable. Comme celui-ci ne voulait pas se trouver dans une position gênante devant ses collègues, il resta évasif dans ses réponses. Ce qui provoqua la colère du vice-président qui l'accusa de mentir. « Les bonnes relations de travail qui existaient avant cette rencontre furent détruites en quelques instants. À dater de ce jour, ce chef de production, qui était réellement un bon cadre, ne fut plus efficace. Il nous quitta quelques mois plus tard pour aller travailler chez un concurrent où, dit-on, il fait un excellent travail. » Une autre de nos participantes, Anna Mazzone, raconta comment un incident semblable s'était produit à son travail, mais avec une approche et des résultats, ô combien différents. On avait confié à Mme Mazzone, du service marketing, sa première mission importante : une étude de marché d'un nouveau produit. « Quand j'eus les résultats de l'étude, dit-elle, je fus effondrée. J'avais commis une grave erreur dans mon estimation, il fallait recommencer toute l'étude... « Bien pire, je n'avais pas le temps d'en discuter avec mon patron avant la réunion au cours de laquelle je devais présenter mon rapport sur le projet. « Quand je fus appelée pour faire ce rapport, je tremblais de peur. Mais je résolus de ne pas flancher pour ne pas m'attirer les remarques habituelles sur les femmes incapables d'assumer un poste de direction parce qu'elles ne maîtrisent pas leurs émotions. Je fis un bref rapport, déclarant qu'en raison d'une erreur de ma part, je devrais refaire l'étude avant la prochaine réunion. Je m'assis, m'attendant à voir mon patron exploser. « Il me remercia au contraire pour mon travail, et remarqua qu'il n'était pas rare de faire une erreur sur un nouveau projet. Il était persuadé que ma nouvelle analyse serait précise et pleine d'enseignements pour notre société. Il m'assura devant tous mes collègues qu'il avait foi en moi, qu'il savait que j'avais fait de mon mieux. « Je quittai la réunion la tête haute et bien déterminée à ne jamais laisser tomber mon patron. » Même si nous avons raison et que notre interlocuteur a tort, en lui faisant perdre la face, nous détruisons son ego. Le grand pionnier français de l'aviation et célèbre écrivain Antoine de Saint-Exupéry a écrit : « Je n'ai pas le droit de dire ou de faire quelque chose qui diminue un homme à ses propres yeux. Ce qui compte, ce n'est pas ce que je pense de lui, mais ce que lui pense de lui-même. Blesser un homme dans sa dignité est un crime. »
4.6
- Comment stimuler les hommes J'ai connu Pete Barlow. C'était un montreur de chiens et de poneys dans les cirques. J'aimais beaucoup voir Pete dresser ses chiens. Dès que l'un d'eux montrait le plus petit progrès, Pete le caressait, le félicitait, lui donnait de la viande, enfin faisait grand cas de sa réussite. Cette méthode n'est pas nouvelle. Elle est appliquée depuis des siècles par tous les dresseurs d'animaux. Pourquoi, je me le demande, ne nous montrons-nous pas aussi sensés avec les hommes qu'avec les bêtes ? Pourquoi ne présentons-nous pas la friandise au lieu du fouet, le compliment au lieu du blâme ? Faisons comme Pete Barlow : reconnaissons les progrès, si légers soient-ils, de ceux que nous voulons encourager. C'est ainsi que nous les stimulerons, que nous les engagerons à poursuivre leurs efforts. Dans un de ses livres, le psychologue Jess Lair fait le commentaire suivant : « L'éloge est comme le soleil pour l'esprit humain. Nous ne pouvons nous épanouir sans lui. Cependant, la plupart d'entre nous sont prêts à souffler sur les autres le vent glacial de la critique, bien plus qu'à leur réchauffer le coeur en les complimentant. » En faisant un retour en arrière, je revois comment quelques mots de louange ont suffi à changer ma vie. Ne pouvez-vous en dire autant ? L'histoire abonde en exemples où l'éloge a fait des miracles. [...] Complimenter au lieu de critiquer résume l'enseignement de B. F. Skinner. Ce grand psychologue a démontré, en en faisant l'expérience sur des animaux comme sur des humains, que lorsque la critique est réduite au minimum et le compliment accentué, ce qu'il y a de positif chez l'être humain se trouve renforcé, et ce qui est négatif s'en trouve affaibli parce qu'on n'y prête pas attention. [...] Keith Roper de Woodland Hills, en Californie, a appliqué ce principe avec un de ses employés. Un travail d'une exceptionnelle qualité avait été exécuté dans son imprimerie par un nouvel ouvrier imprimeur qui, d'autre part, avait du mal à s'adapter à son poste. Son supérieur estimait qu'il avait une attitude négative et qu'il fallait sérieusement songer à se passer de ses services. Mis au courant de cette situation, M. Roper se rendit lui-même à l'atelier pour converser avec le jeune homme. Il lui dit quelle avait été sa satisfaction en recevant son travail et souligna que c'était le meilleur que cet atelier avait réalisé depuis longtemps. Il lui en expliqua précisément les raisons en insistant sur ce qu'une collaboration comme la sienne représentait pour son entreprise. En l'espace de quelques jours, il se produisit un changement complet. Ce jeune imprimeur parla à plusieurs de ses collègues de la conversation qu'il avait eue avec son patron, se félicitant qu'il y ait quelqu'un, dans cette entreprise, pour apprécier le travail bien fait. Il devint à partir de ce jour-là un ouvrier loyal et dévoué. M. Roper ne s'était pas contenté de le complimenter et de lui dire : « Vous avez fait du bon travail. » Il lui avait expliqué en quoi son travail se distinguait des autres. Il ne s'agissait pas d'une vague flatterie, mais d'un compliment dûment motivé, et par conséquent plein de signification. Tout le monde aime être félicité, mais le compliment n'est apprécié que s'il repose sur des faits précis. Il est alors ressenti comme sincère, et non plus destiné simplement à faire plaisir. (Je sais par expérience [...] que certaines personnes essaieront d'utiliser la [...] méthode d'une façon artificielle : elles s'efforceront de séduire [...] non par des éloges et une gratitude sincères, mais par une flatterie servile et mensongère. Elles n'atteindront pas leur but. [Avertissement contenu dans l'édition 1979]) Souvenez-vous que nous avons grand besoin de compliments et de considération, et que nous ferons tout pour nous les attirer. Mais personne n'apprécie l'hypocrisie. Personne n'apprécie la flatterie. Je le répète : les méthodes exposées dans ce livre ne réussiront que si elles sont sincères et viennent du coeur. Ce que je préconise, ce n'est pas une série de « trucs ». C'est une nouvelle manière de vivre. Si nous savons révéler leurs trésors cachés à ceux qui nous entourent, nous ferons beaucoup plus que les influencer ou les stimuler. Nous les ferons progresser et se métamorphoser. Voici ce qu'en dit le professeur William James, doyen de Harvard et sans doute le plus grand psychologue américain : « Comparés à notre potentiel, nous ne sommes qu'à demi éveillés. Nous n'utilisons qu'une faible partie de nos ressources physiques et mentales. L'être humain vit bien en deçà de ses capacités. Il possède des trésors de talents qu'il laisse dormir. » Vous qui lisez ou relisez ces lignes, vous possédez forcément des capacités que vous laissez en sommeil ou, du moins, que vous n'exploitez pas au maximum. Parmi elles, se trouve la puissance quasi magique de stimuler les autres par vos encouragements sincères et de leur faire connaître les talents qui sommeillent en eux. Les talents se fanent sous la critique. Ils fleurissent et fructifient avec l'encouragement.
4.7
- Comment inciter l'autre à se dépasser En somme, si vous désirez développer une certaine qualité chez un individu, agissez comme si cette qualité était déjà un de ses traits dominants. Shakespeare disait : « Si une vertu vous fait défaut, feignez de la posséder. » Feignez, vous aussi, de croire à l'existence de telle ou telle vertu chez la personne que vous voulez perfectionner. Affirmez ouvertement votre confiance en elle. Donnez-lui une belle réputation à justifier, et elle fera des efforts prodigieux pour éviter de démériter à vos yeux. [...] Un matin, le docteur Martin Fitzhugh, dentiste à Dublin, en Irlande, reçut un choc lorsque l'une de ses patientes lui fit remarquer que son porte-gobelet en métal n'était pas très propre. Il est vrai que la patiente se rinçait la bouche avec le gobelet en carton et non avec son support, mais un dentiste se doit d'utiliser un équipement impeccable. Après le départ de sa cliente, le docteur Fitzhugh écrit un mot à Bridgit, sa femme de ménage, qui vient nettoyer son cabinet deux fois par semaine :
Chère Bridgit, « Le lendemain, en arrivant, raconte le docteur Fitzhugh, je vois que mon bureau et mon fauteuil ont été parfaitement astiqués. En entrant dans le cabinet, je remarque que le porte-gobelet est impeccablement propre. J'ai donné à ma femme de ménage une réputation à mériter et cela a suffi à décupler ses efforts. A-t-elle réclamé du temps supplémentaire ? Pas du tout. »
4.8
- Comment favoriser les progrès Dites à votre enfant, à votre conjoint ou à votre collaborateur qu'il est stupide, qu'il n'a aucune disposition pour tel travail ou tel jeu, qu'il le fait mal, qu'il n'y entend rien, et vous détruisez en lui tout désir de se perfectionner. Mais essayez la méthode opposée : dispensez généreusement les encouragements ; arrangez-vous pour que la tâche à accomplir semble facile ; montrez à celui que vous voulez stimuler que vous avez confiance en ses capacités ; dites-lui qu'il possède un talent qu'il ne soupçonne pas... et il s'exercera jusqu'au petit jour s'il le faut. [...] Clarence M. Jones, l'un des animateurs de notre Entraînement à Cincinnati, Ohio, nous a raconté comment en l'encourageant, en faisant en sorte que l'erreur semble facile à corriger, il a réussi à provoquer un changement complet dans la vie de son fils. « En 1970, mon fils David, alors âgé de quinze ans, est venu vivre avec moi à Cincinnati. Il avait mené une vie dure. En 1958, une profonde blessure à la tête, lors d'un accident de voiture, lui avait laissé sur le front une vilaine cicatrice. Jusqu'à quinze ans, sa scolarité s'était passée dans des classes spéciales pour enfants retardés. Sans doute à cause de sa cicatrice, l'administration de l'école considérait que son cerveau avait été touché et ne fonctionnait pas normalement. Il avait deux ans de retard et ne savait pas ses tables de multiplication. « Un point positif toutefois : il s'intéressait beaucoup aux appareils de radio et de télévision. Il voulait devenir réparateur de T.V. Je l'encourageai dans cette voie et lui fis remarquer qu'il avait besoin des mathématiques pour obtenir le diplôme nécessaire à cette qualification. Je décidai de l'aider à progresser dans cette matière. « Nous nous sommes procuré quatre jeux de fiches : multiplication, division, addition et soustraction. À mesure que nous progressions, nous mettions les bonnes réponses d'un côté et les mauvaises de l'autre. Quand David fournissait une mauvaise réponse, je lui indiquais la bonne, puis plaçais la fiche dans le paquet " à refaire ", et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. Je mettais en valeur chacune de ses réponses justes, surtout quand précédemment la réponse avait été fausse. Tous les soirs, nous reprenions le paquet à refaire jusqu'à ce qu'il ne reste plus de fiches. « Chaque soir, nous minutions l'exercice au chrono. Je lui promis que, s'il me donnait toutes les réponses en huit minutes, nous arrêterions l'exercice. Ceci semblait être un objectif possible à atteindre. Le premier soir, il lui fallut cinquante-deux minutes, le deuxième soir quarante-huit, puis quarante-cinq, quarante-quatre, quarante et une, puis au-dessous de quarante minutes. Nous fêtions chaque progrès. J'appelais ma femme, nous l'embrassions tous les deux et nous nous mettions tous trois à danser de joie. À la fin du mois, toutes ses réponses étaient correctes en moins de huit minutes. Chaque fois qu'il faisait un léger progrès, il demandait à tout recommencer. Il avait fait une découverte fantastique : apprendre était facile et amusant. « Naturellement, il fit de réels progrès en maths. Étonnante, la facilité avec laquelle on progresse en maths quand on sait multiplier ! Il s'étonna lui-même en rapportant un B à la maison. Cela ne lui était jamais arrivé auparavant. D'autres changements se produisirent avec la même incroyable rapidité. Il se mit à développer ses talents naturels pour le dessin. Plus tard, au cours de l'année, son professeur de technologie le chargea même de faire une exposition. Il choisit de fabriquer une série très complexe de modèles réduits pour démontrer l'effet des leviers. Cela demandait de l'habileté, non seulement pour les croquis et la maquette, mais aussi pour les mathématiques appliquées. Son exposition lui rapporta le premier prix à la foire de la science de son école ; il fut même admis à participer au concours de la ville de Cincinnati où il remporta le troisième prix. « Voilà un enfant qui avait été recalé deux années de suite, à qui on avait dit que son cerveau avait été endommagé, un enfant que ses camarades traitaient de Frankenstein dont le cerveau avait fui par sa blessure à la tête ! Et il découvrait qu'il pouvait vraiment apprendre et créer. Le résultat ? De la quatrième à l'université, il figura régulièrement au tableau d'honneur. Après avoir compris qu'apprendre était facile, sa vie entière en fut changée. »
4.9
- Comment motiver On était en 1915. Depuis plus d'un an, les nations d'Europe s'entretuaient dans le plus effroyable massacre jamais vu. L'Amérique était plongée dans la consternation. Pourrait-on jamais rétablir la paix ? Nul ne le savait. Cependant, Wilson était résolu à faire un effort pour y parvenir. Il allait envoyer un émissaire pour tenir conseil avec les dirigeants européens. William Jennings Bryan, l'apôtre de la paix, brûlait de partir. Il entrevoyait la possibilité de servir une grande cause et de rendre son nom immortel. Mais Wilson choisit un autre homme, le colonel House, son ami intime. Et c'est à ce dernier qu'incomba le difficile devoir d'annoncer la nouvelle à Bryan.
Il rapporta l'entrevue dans son journal : « Je répondis que le Président était d'avis qu'il serait peu prudent de rendre cette démarche officielle. Or, si Bryan partait, sa personnalité fort connue attirerait l'attention, on se demanderait pourquoi il était venu... » « Vous êtes trop important pour cette mission », voilà ce qu'il laissait entendre. Et Bryan fut satisfait. Adroit et expérimenté, le colonel House mettait en pratique l'un des grands principes qui régissent les rapports des hommes entre eux : Faites en sorte que les autres soient heureux de faire ce que vous suggérez. Quand Wilson invita McAdoo à faire partie de son cabinet, il observa aussi ce principe, et, pourtant, ce qu'il proposait n'était pas un sacrifice, mais, au contraire, un immense honneur. Il agit de telle sorte que l'autre se sentit doublement flatté. Laissons McAdoo raconter l'épisode : « Wilson me dit qu'il serait très heureux si je voulais bien accepter le portefeuille de secrétaire du Trésor. Il avait une manière exquise d'exprimer les choses : il me donnait l'impression qu'en acceptant ce grand honneur, c'était encore moi qui lui ferais une faveur. » Les hommes d'État et les diplomates ne sont pas les seuls à appliquer le principe « Rendez les autres heureux de faire ce que vous suggérez ». Dale O. Ferrier de Fort Wayne, dans l'Indiana, a raconté comment il a encouragé un de ses jeunes enfants à accomplir de bonne grâce les corvées dont on le chargeait : « L'une de ces corvées consistait à ramasser les poires pour que la personne chargée de tondre la pelouse n'ait pas à s'arrêter sous les poiriers pour les enlever. Il n'aimait pas ce travail et il lui arrivait souvent, soit de ne pas le faire du tout, soit de le faire si mal que, pour couper l'herbe, il fallait quand même s'arrêter et ramasser les poires oubliées. Pour éviter un affrontement, je lui dis un jour : " Jeff, je te propose un marché. Pour chaque panier de poires que tu ramasseras, je te donnerai un dollar. Mais si, ton travail terminé, je trouve encore des poires par terre, je t'enlèverai un dollar par poire. Qu'est-ce que tu en dis ? " Comme c'était à prévoir, non seulement il ramassa toutes les poires, mais je dus le surveiller pour qu'il n'en cueille pas dans les arbres afin d'en remplir ses paniers ! » Je connais un orateur qu'on invite de tous côtés à donner des conférences. Comme il ne peut satisfaire tout le monde, il est constamment obligé de refuser, mais il le fait d'une manière si habile que le solliciteur s'en va content malgré tout. Comment opère-t-il ? Évidemment, il ne se borne pas à dire qu'il est surchargé de travail, etc. Non. Après avoir exprimé ses remerciements et le regret de ne pouvoir accéder à la demande formulée, il s'empresse de suggérer un remplaçant. En somme, il ne laisse pas à l'intéressé le temps d'éprouver une déception. Il fait vite dévier sa pensée vers l'autre conférencier. [...] Pour modifier une attitude ou un comportement, il est utile de garder en mémoire les points suivants : 1. Soyez sincère. Ne faites pas de fausses promesses. Oubliez votre propre intérêt et concentrez-vous sur l'intérêt de votre interlocuteur. 2. Sachez exactement ce que vous voulez que votre interlocuteur fasse. 3. Mettez-vous à la place de votre interlocuteur. Demandez-vous ce qu'il veut réellement. 4. Considérez les avantages que votre interlocuteur peut retirer en accomplissant ce que vous lui proposez. 5. Faites que ces avantages soient en accord avec les désirs de votre interlocuteur. 6. Quand vous faites votre proposition, formulez-la de telle manière que votre interlocuteur comprenne qu'il va en retirer un avantage personnel. |
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[1]
Dale Carnegie, Comment se faire des amis (1936), Hachette © 1990.
[2]
« Rappelez-vous, si vous voulez être aimé instantanément, faites comme le chiot :
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