1780 et 1834

Arithmétique des plaisirs

par Jeremy Bentham

Extrait de « Déontologie ou science de la morale »
et de « Principles of Morals and Legislation »

Le bonheur est vertu, le malheur vice

Prudence et bienveillance

Principe d'utilité

Mesure des plaisirs et de la douleur

* * *

Le bonheur est vertu, le malheur vice [1]

Helvétius est le premier moraliste dont les yeux se soient fixés sur le principe utilitaire. Il en vit l'éclat et la puissance, et c'est, sous son influence et échauffé de ses rayons, qu'il formula ses raisonnements.

Nous avons fréquemment rappelé le principe général. La morale est l'art de maximiser le bonheur. Ses lois nous prescrivent la conduite dont le résultat doit être de laisser à l'existence humaine, prise dans son ensemble, la plus grande quantité de bonheur.

Or, la plus grande quantité de bonheur doit dépendre des moyens, des sources ou des instruments par lesquels les causes de bonheur sont produites ou les causes de malheur évitées.

En tant que ces causes sont accessibles à l'homme et sous l'influence de sa volonté, et deviennent la règle de sa conduite pour la production du bonheur, cette conduite peut être désignée par un seul mot, celui de vertu ; en tant que, sous l'empire des mêmes circonstances, la conduite qu'elles amènent produit un résultat de malheur, cette conduite est dénigrée par un mot d'un caractère contraire, celui de vice.

Il suit de là que ce qu'on nommera vertu n'aura mérité ce nom qu'autant qu'il contribuera au bonheur, au bonheur de l'individu lui-même ou de quelque autre personne. De même, on ne pourra donner nom de vice qu'à ce qui sera productif de malheur.

Les sources du bonheur sont ou physiques ou intellectuelles : c'est des sources physiques que le moraliste s'occupe plus spécialement. La culture de l'esprit, la création du plaisir par l'action des facultés purement intellectuelles, appartiennent à une autre branche d'instruction.

Prudence et bienveillance [2]

Or, comme le bonheur de tout homme dépend principalement de sa propre conduite, soit envers lui-même, soit envers les autres, dans toutes les occasions où il exerce une influence quelconque sur leur bonheur, il nous reste à donner à la théorie de la morale sa valeur pratique, en en faisant l'application aux circonstances de la vie et en groupant les actions humaines sous les deux grandes divisions que nous avons si souvent indiquées, nous voulons dire la prudence et la bienveillance.

Il semble, au premier aperçu, que les considérations de la bienveillance doivent l'emporter sur les considérations de prudence, en ce sens que la carrière où se développe l'action de la prudence est étroite et tout individuelle ; celle de la bienveillance, au contraire, sociale, vaste, universelle. Néanmoins, c'est à la prudence à avoir le pas ; car, bien qu'elle ne regarde qu'un individu, cet individu est l'homme lui-même ; cet individu est l'homme sur les actions duquel il s'agit d'exercer une influence que nul autre que lui ne peut exercer. Un homme peut disposer de sa volonté ; mais il n'a sur la volonté des autres qu'une autorité limitée. Et cette autorité même, la possédât-il, les affections personnelles et prudentielles sont plus essentielles à l'existence et, conséquemment, au bonheur de l'homme, plus essentielles à chaque homme en particulier et, par conséquent, à la totalité de la race humaine, que ne le sont les affections sympathiques. Il est d'ailleurs plus simple et plus facile, pour traiter convenablement cette matière, de commencer par un individu isolé avant de passer aux rapports de cet individu avec le reste de la société. Il est donc naturel que nous nous attachions d'abord à rechercher l'influence de sa conduite sur son propre bonheur, là où le bonheur d'aucun autre individu n'est en question ; nous devrons ensuite examiner quelles sont les lois de la prudence qui comprennent dans leur sphère le bien-être d'autrui ; et, enfin, nous aborderons la partie la plus vaste de ce sujet, la considération des lois de la bienveillance effective.

On a trop fréquemment attaché aux considérations personnelles une sorte de discrédit, parce que, dans leurs calculs erronés, on leur a laissé envahir et troubler les régions de la bienveillance ; parce qu'il est quelquefois arrivé que les sympathies bienfaisantes leur ont été sacrifiées. Et une estimation erronée de ce dont la nature humaine serait capable, si l'on pouvait réussir à faire prépondérer le principe social sur le principe personnel, a conduit certains hommes à conclure qu'il existe des raisons suffisantes pour commander et justifier le sacrifice de la personnalité. Des animaux du même sexe se rassemblent, a-t-on dit, qui n'ont, par conséquent, aucun besoin à satisfaire par leur réunion, et qui n'obéissent en cela qu'à un instinct d'agrégation. On en conclut que l'homme recherche la société pour elle-même ; qu'il y a en lui un instinct irrésistible de sociabilité indépendant des jouissances qu'il en retire. Mais la vérité de cette assertion peut être mise en doute. Il y a tout lieu de croire que le principal motif qui réunit les animaux, est la nécessité de se procurer leur nourriture et de se défendre (et c'est assurément là un motif personnel). Le lien le plus fort est, sans contredit, la communauté de besoins et de dangers ; et c'est elle qui détermine le plus souvent l'association de certains animaux. Ceux, au contraire, qui ne trouvent dans leurs semblables aucune assistance, soit pour se nourrir, soit pour se défendre ; ceux chez qui la rareté et la nature précaire de leurs moyens de subsistance, crée une opposition d'intérêts, et c'est dans cette catégorie qu'il faut ranger les principaux animaux de proie, comme le lion, le tigre, etc., ceux-là ne s'associent pas ; et s'il en est autrement pour ceux d'entre eux qui sont plus faibles, tels que les loups, par exemple, on peut attribuer cette différence à l'impossibilité où se trouve chacun d'eux isolément de vaincre les animaux qui sont leur proie habituelle. Ils s'attaquent aux chevaux et aux bœufs qui sont plus forts qu'eux, et aux moutons qui sont veillés et gardés par les hommes, leurs propriétaires. Le renard est un animal carnassier, et rarement il s'associe ; mais, aussi, il a pour proie la volaille et des animaux plus faibles que lui. Ses intérêts étant d'une nature solitaire plutôt que sociale, son caractère et sa condition sont de la même nature.

Ainsi la prudence se divise en deux classes : la prudence qui ne concerne que nous, la prudence isolée, lorsqu'il n'est question que des intérêts de l'individu lui-même ; et la prudence qui concerne autrui, celle dans laquelle il est question des intérêts des autres ; car, bien que le bonheur d'un homme soit nécessairement et naturellement son objet principal et définitif, cependant, ce bonheur dépend tellement de la conduite des autres à son égard, que la prudence lui fait un devoir de chercher à régler et à diriger cette conduite dans le sens le plus favorable à ses intérêts.

De là l'association de la prudence à la bienveillance ; de là la nécessité de s'assurer des prescriptions de la bienveillance effective, ne fût-ce qu'en vue des intérêts de la prudence.

De même la bienveillance soit négative, comme lorsqu'un homme s'abstient de faire ce qui peut nuire à autrui, soit positive, comme lorsqu'un homme confère du plaisir à autrui ; la bienveillance est de deux espèces, l'une praticable sans sacrifice personnel, l'autre dont l'exercice exige ce sacrifice.

Pour ce qui est de l'application de ces principes à la pratique, comme ils portent sur toutes les choses de la vie, sur les événements de chaque jour, de chaque existence individuelle, et comme ces événements sont variés à l'infini dans leur caractère, il est évident que tout ce que nous pouvons faire, c'est d'établir des règles générales et de donner quelques exemples à l'appui. Ces exemples seront comme ces lampes dont la flamme, bien qu'exiguë, étend au loin sa sphère lumineuse. Dans tout l'édifice moral, il y a unité, simplicité, symétries ; chaque partie fait comprendre toutes les autres ; chaque fragment donne le caractère, la mesure du tout. Une fois qu'on quitte le cercle du vague et du dogmatisme, tout est harmonieux dans le code moral ; qui ne comprend qu'un très petit nombre d'articles, lesquels sont applicables à tous les cas possibles et résolvent toutes les questions discutables.

L'amour du moi sert de base à la bienveillance universelle ; il n'en saurait servir à la malveillance universelle : et c'est ce qui prouve l'union intime qui existe entre l'intérêt de l'individu et celui du genre humain.

Principe d'utilité [3]

I. La nature a placé l'être humain sous la gouvernance de deux maîtres souverains : la douleur et le plaisir. Ce sont eux seuls qui nous montrent ce que nous devons faire et déterminent nos actions. Leur règne se rattache aussi bien à la norme du bien et du mal qu'au rapport de cause à effet. Ils nous dirigent dans tout ce que nous faisons, disons et pensons : chaque effort pour nous en libérer ne sert qu'à montrer notre sujétion. L'humain peut prétendre s'en affranchir sans pourtant y échapper un seul instant. Le principe d'utilité reconnaît cette sujétion et l'assume en tant que système voué à ériger une œuvre de satisfaction par l'action de la raison et la loi. Tout système qui tente de le remettre en question en perd le sens, se soumet au caprice plutôt qu'à la raison et à l'obscurité plutôt qu'à la lumière.

II. Le principe d'utilité est au fondement du présent ouvrage. Il sera donc approprié de commencer par fournir une explication claire et précise de ce qu'il signifie. Le principe d'utilité signifie ce principe qui approuve ou désapprouve chaque action, quelle qu'elle soit, selon qu'elle tende à augmenter ou diminuer le bonheur d'une partie dont l'intérêt est en question ou, en d'autres mots, qui favorise ou s'oppose au bonheur. Il en est ainsi de chaque action, non seulement d'une personne, mais aussi de toute mesure gouvernementale.

III. L'utilité signifie la caractéristique de tout objet, qui tend à produire un bénéfice, un avantage, un plaisir, le bien ou du bonheur (tout cela, dans le cas présent, revenant au même) ou (ce qui revient encore au même) qui prévient un dommage, une douleur, un mal ou un désagrément à la partie dont l'intérêt est en jeu ; si cette partie est la communauté en général, il s'agit alors du bonheur de la communauté ; le bonheur particulier, s'il s'agit d'un individu.

I. Nature has placed mankind under the governance of two sovereign masters, pain and pleasure. It is for them alone to point out what we ought to do, as well as to determine what we shall do. On the one hand the standard of right and wrong, on the other the chain of causes and effects, are fastened to their throne. They govern us in all we do, in all we say, in all we think : every effort we can make to throw off our subjection, will serve but to demonstrate and confirm it. In words a man may pretend to abjure their empire : but in reality he will remain subject to it all the while. The principle of utility recognises this subjection, and assumes it for the foundation of that system, the object of which is to rear the fabric of felicity by the hands of reason and of law. System which attempt to question it, deal in sounds instead of sense, in caprice instead of reason, in darkness instead of light.

II. The principle of utility is the foundation of the present work : it will be proper therefore at the outset to give an explicit and determinate account of what is meant by it. By the principle of utility is meant that principle which approves or disapproves of every action whatsoever, according to the tendency which it appears to have to augment or diminish the happiness of the party whose interest is in question : or, what is the same thing in other words, to promote or to oppose that happiness. I say of every action whatsoever ; and therefore not only of every action of a private individual, but of every measure of government.

III. By utility is meant that property in any object, whereby it tends to produce benefit, advantage, pleasure, good, or happiness, (all this in the present case comes to the same thing) or (what comes again to the same thing) to prevent the happening of mischief, pain, evil, or unhappiness to the party whose interest is considered : if that party be the community in general, then the happiness of the community : if a particular individual, then the happiness of that individual.

Mesure des plaisirs et de la douleur [4]
Value of a Lot of Pleasure or Pain, How to be Measured

I. L'atteinte du plaisir et l'évitement des douleurs sont les buts poursuivis par le législateur. Il lui incombe alors de comprendre leur valeur. Les plaisirs et les douleurs sont ses outils de travail. Il lui incombe alors de comprendre leur force qui est, en d'autre mots, leur valeur.

I. Pleasure then, and the avoidance of pains, are the ends which the legislator has in view : it behoves him therefore to understand their value. Pleasures and pains are the instruments he has to work with : it behoves him therefore to understand their force, which is again in other words their value.

II. À partir de considérations personnelles, la valeur d'un plaisir ou d'une douleur sera plus ou moins grande selon les quatre considérations suivantes :

  1. L'intensité.

  2. La durée.

  3. La certitude ou incertitude.

  4. La proximité ou distance.

II. To a person considered by himself, the value of a pleasure or pain considered by itself, will be greater or less, according to the four following circumstances :

  1. Its intensity.

  2. Its duration.

  3. Its certainty or uncertainty.

  4. Its propinquity or remoteness.

III. Voici les circonstances à prendre en compte dans l'évaluation du plaisir ou de la douleur considérés par eux-mêmes. Mais quand la valeur d'un plaisir ou douleur doit être considérée dans le but d'évaluer la tendance d'une action par laquelle il est produit, il y a deux autres circonstances à prendre en compte :

  1. Sa fécondité, ou la chance d'être prolongé par des sensations du même ordre, soit plaisirs pour le cas d'un plaisir, ou douleurs pour le cas d'une douleur.

  2. Sa pureté, ou la chance de ne pas être suivi de sensations de nature contraire soit plaisirs pour le cas d'un plaisir, ou douleurs pour le cas d'une douleur.

Ces deux dernières, toutefois, sont des propriétés difficilement estimables en rapport avec le plaisir ou la douleur en soi ; on ne peut, par conséquent, les prendre en compte rigoureusement sur la valeur du plaisir ou de la douleur spécifique. Elles ne doivent être considérées que selon une action ou un autre événement par lequel un tel plaisir ou douleur a été provoqué ; et en conséquence, elles ne doivent être pris en compte seulement qu'en tant que tendance provoquée par l'action ou l'événement.

III. These are the circumstances which are to be considered in estimating a pleasure or a pain considered each of them by itself. But when the value of any pleasure or pain is considered for the purpose of estimating the tendency of any act by which it is produced, there are two other circumstances to be taken into account, these are,

  1. Its fecundity or the chance it has of being followed by sensations of the same kind: that is, pleasures, if it be a pleasure: pains, if it be a pain.

  2. Its purity, or the chance it has of not being followed by sensations of opposite kind: that is: pains, if it be a pleasure, pleasures, if it be a pain

These two last, however, are in strictness and scarcely to be deemed properties of the pleasure or the pain itself; they are not, therefore, in strictness to be taken into the account of the value of that pleasure or that pain. They are in strictness to be deemed in properties only of the act, or other event, by which such pleasure or pain has been produced; and accordingly are only to be taken into the account of the tendency of such act or such event.

IV. Pour un certain nombre de personnes pour chacune desquelles la valeur d'un plaisir ou d'une douleur s'applique, celui-ci sera plus ou moins grand selon sept circonstances : à savoir, les six précédant une septième.

  1. Son intensité.

  2. Sa durée.

  3. Sa certitude ou incertitude.

  4. Son imminence ou délai.

  5. Sa fécondité.

  6. Sa pureté.

Et une supplémentaire, à savoir :

  1. Son étendue ; étant le nombre de personnes à qui elles s'appliquent ; ou (en d'autres mots) qui en sont affectées.

IV. To a number of persons, with reference to each of whom the value of a pleasure or a pain is considered, it will be greater or less, according to seven circumstances : to wit, the six preceding ones ; viz.

  1. Its intensity.

  2. Its duration.

  3. Its certainty or uncertainty.

  4. Its propinquity or remoteness.

  5. Its fecundity.

  6. Its purity.

And one other to wit:

  1. Its extent; that is, the number of persons to whom it extends; or (in other words) who are affected by it.

V. Pour une prise en compte précise de la tendance générale de toute action par laquelle les intérêts de la communauté sont affectés, procéder de la manière suivante. Commencer par toute personne dont les intérêts de la communauté apparaissent comme étant directement affectés et prendre en compte :

  1. Estimer la valeur de chaque plaisir distinct produit par l'action, le plus important en premier.

  2. Estimer la valeur de chaque douleur apparaissant, la plus importante en premier.

  3. Estimer la valeur de chaque plaisir distinct arrivant ensuite. Ceci constitue la fécondité du premier plaisir et l'impureté de la première douleur.

  4. Estimer la valeur de chaque douleur arrivant ensuite. Ceci constitue la fécondité de la première douleur et l'impureté du premier plaisir.

  5. Faire la somme de toutes les valeurs des plaisirs et celle des douleurs de part et d'autre. La balance donne la bonne tendance d'une action sur le tout si elle penche du côté du plaisir conformément aux intérêts de chaque individu ; si elle penche du côté de la douleur, c'est la mauvaise tendance qui l'emporte.

  6. Répéter le processus pour chacune des personnes dont les intérêts sont affectés. Additionner les quantités exprimant les bonnes tendances produites par les actions pour chaque individu d'une part et faire de même pour les mauvaises. Établir la proportion ; si la balance penche du côté du plaisir on aura la tendance générale positive de l'action en proportion du nombre d'individus concernés ; et inversement si elle penche du côté de la douleur

V. To take an exact account then the general tendency of any act, by which the interests of a community are affected, proceeds as follows. Begin with any one person of those whose interests seem most immediately to be affected by it : and take an account,

  1. Of the value of each distinguishable pleasure which appears to be produced by it in the first instance.

  2. Of the value of each pain which appears to be produced by it in the first instance.

  3. Of the value of each pleasure which appears to be produced by it after the first. This constitutes the fecundity of the first pleasure and the impurity of the first pain.

  4. Of the value of each pain which appears to be produced by it after the first. This constitutes the fecundity of the first pain, and the impurity of the first pleasure.

  5. Sum up all the values of all the pleasures on the one side, and those of all the pains on the other. The balance, if it be on the side of pleasure, will give the good tendency of act upon the whole, with respect to the interests of that individual person; if on the side of pain, the bad tendency of it upon the whole.

  6. Take an account of the number of persons whose interests appear to be concerned; and repeat the above process with respect to each. Sum up the numbers expressive of the degrees of good tendency, which the act has, with respect to each individual, in regard to whom the tendency of it is good upon the whole: do this again with respect to each individual, in regard to whom the tendency of it is bad upon the whole. Take the balance; which, if on the side of pleasure, will give the general good tendency of the act, with respect to the total number or community of individuals concerned; if on the side of pain, the general evil tendency, with respect to the same community.

VI. Ce procédé ne doit pas être utilisé systématiquement pour établir chaque jugement moral ou chaque opération législative ou judiciaire. Il peut cependant servir de référence : à mesure que le processus poursuivi à ces occasions s'en approche il sera d'autant plus près d'une caractérisation exacte.

VI. It is not to be expected that this process should be strictly pursued previously to every moral judgement, or to every legislative of judicial operation. It may, however, be always kept in view : and as near as the process actually pursued on these occasions approaches to it, so near will such process approach to the character of an exact one.

VII. Le même processus est également applicable au plaisir et à la douleur, sous quelque forme qu'ils apparaissent et quel que soit la dénomination qu'on utilise pour les les distinguer : que le plaisir soit nommé « bon » (étant proprement la cause ou l'instrument du plaisir) ou « profit » (étant un plaisir lointain, ou la cause, ou l'instrument d'un plaisir lointain) ou commodité, profit, rémunération, bonheur, ainsi de suite ; et pour la douleur, qu'on le désigne sous l'appellation de « mal » (s'opposant au « bien ») ou dommage, ou inconvénient, ou désavantage, ou perte, ou malheur, et ainsi de suite.

VII. The same process is alike applicable to pleasure and pain, in whatever shape they appear: and by whatever denomination they are distinguished : to pleasure, whether it be called good (which is properly the cause or instrument of pleasure) or profit (which is distant pleasure, or the cause or instrument of distant pleasure), or convenience, benefit, emolument, happiness and so forth : to pain, whether it be called evil, (which corresponds to good) or mischief, or inconvenience , or disadvantage, or loss, or unhappiness, and so forth.

VIII. Ceci n'est pas plus une nouveauté injustifiée qu'une théorie inutile. Tout ceci n'est rien d'autre qu'une pratique de l'humanité ayant une conception claire de ses propres intérêts et parfaitement conformes à ceux-ci. Sur quelle base doit-on évaluer, par exemple, l'acte de propriété d'un domaine foncier ? Sur la base qui permet à l'homme de produire des plaisirs de toutes sortes et, ce qui revient au même, qui lui permet d'éviter des douleurs de toutes sortes. Mais la valeur d'un tel acte de propriété est entendue universellement comme développement ou dépréciation selon la longueur ou la brièveté de la période qu'un homme le possède ; sa certitude ou incertitude d'en prendre possession ; et l'imminence ou le délai de temps auquel, le cas échéant, il en devient propriétaire. Et pour l'intensité du plaisir qu'un homme peut en retirer, on ne peut la déterminer puisqu'elle dépend de l'utilité que chaque personne peut en faire ; ceci ne peut être estimé tant qu'il ne puisse en tirer un plaisir particulier, ou que n'apparaisse une douleur qu'il peut éviter. Pour la même raison, il ne peut pas plus appréhender la fécondité ou la pureté de ces plaisirs.

Ainsi en est-il, en général, pour le plaisir et la douleur, le bonheur et le malheur.

VIII. Nor is this a novel and unwarranted, any more than it is a useless theory. In all this there is nothing but what the practice of mankind, whosesoever they have a clear view of their own interest, is perfectly conformable too. An article of property an estate in land, for instance, is valuable, on what account ? On account of the pleasures of all kinds which it enables a man to produce, and what comes to the same thing the pains of all kinds which it enables him to avert. But the value of such an article of property is universally understood to rise or fall according to the length or shortness of the time which a man has in it : the certainty or uncertainty of its coming into possession : and the nearness or remoteness of the time at which, if at all, it is to come into possession. As to the intensity of the pleasure which a man may derive from it, this is never thought of, because it depends upon the use which each particular person may come to make of it ; which cannot be estimated till the particular pleasures he may come to derive from it, or the particular pains he may come to exclude by means of it, are brought to view. For the same reason, neither does he think of the fecundity or purity of those pleasures.

Thus much for pleasure and pain, happiness and unhappiness, in general.

[1] Jeremy Bentham, Déontologie ou science de la morale (1834), Éditions Encre Marine © 2006, pages 255 et 256.

[2] Ibid. pages 256 à 259.

[3] Jeremy Bentham, An Introduction to the Principles of Morals and Legislation (1780), Dover Publications 2007, Ch. 1, pages 1 et 2. (Traduction F. Brooks)

[4] Ibid. Chapitre 4, pages 29 à 32.

Philo5
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