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par Némésius |
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~ 400 |
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L'Âme [1] |
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SOMMAIRE |
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De l'âme [2] Il faudrait un long discours pour réfuter tant d'opinions différentes. Toutefois, il suffira d'opposer les raisons d'Ammonius [3], maître de Plotin, et de Numénius [4] le Pythagoricien, à tous ceux qui prétendent que l'âme est matérielle. Or, voici ces raisons : Les corps, n'ayant en eux rien d'immuable, sont naturellement sujets au changement, à la dissolution, et à des divisions infinies ; il leur faut nécessairement un principe conservateur qui leur donne de la consistance, qui en lie, et en affermisse les parties : c'est ce principe [30] conservateur que nous appelons âme. Mais, si l'âme est aussi matérielle, quelque subtile que soit la matière qui la compose, qui pourra lui donner à elle-même de la consistance, puisque nous venons de voir que toute matière a besoin d'un principe conservateur ? Il en sera de même à l'infini, jusqu'à ce qu'enfin nous arrivions à une substance immatérielle. Si l'on dit, comme les Stoïciens, que les corps sont naturellement doués d'un mouvement tant intérieur qu'extérieur ; que le mouvement extérieur est la cause de la grandeur et des propriétés physiques, et que le mouvement intérieur produit l'union et la substance ; nous demanderons, puisque tout mouvement procède d'une force, quelle est cette force, et en quoi consiste son essence ? Si donc cette force est une matière (car il faut distinguer la matière de son produit ; et l'on appelle produit de la matière ce qui participe de la matière) ; nous demanderons ce que c'est que cette chose qui participe de la matière. Est-elle, elle-même, matière ou non ? Si elle est matière, comment peut-elle être seulement un produit de la matière ? Si elle ne l'est pas, elle est donc immatérielle ; mais si elle est immatérielle, elle n'est pas un corps, car tout corps est matériel. Si l'on dit que les corps ayant les trois dimensions, l'âme doit les avoir aussi, puisqu'elle est répandue dans tout le corps, et que, par [31] conséquent, elle est matérielle, nous répondrons que, bien que tout corps ait les trois dimensions, tout ce que l'on conçoit avec les trois dimensions, n'est pas corps pour cela. Car l'espace et la qualité, bien qu'ils soient essentiellement immatériels, sont pourtant considérés accidentellement comme des choses susceptibles de dimension. Il en est de même de l'âme, qui, par sa nature, est étrangère à la dimension, mais qui, se trouvant accidentellement unie à une substance qui a les trois dimensions, est conçue, elle-même, avec ces dimensions. De plus, tout corps reçoit son mouvement de l'extérieur, ou de l'intérieur : si c'est de l'extérieur, il est inanimé ; si c'est de l'intérieur, il est animé. Donc, si l'âme est un corps, et si elle reçoit son mouvement du dehors, elle est inanimée ; si elle le reçoit du dedans, elle est animée. Or, il est absurde de dire que l'âme est en même temps animée et inanimée : l'âme n'est donc pas un corps. En outre, si l'âme se nourrit, c'est de choses immatérielles, car les sciences sont ses aliments. Or, aucun corps ne se nourrit de choses immatérielles : l'âme n'est donc pas un corps. |
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L'union de l'âme avec le corps [5] Cherchons maintenant comment se fait l'union de l'âme avec le corps inanimé : car c'est une chose fort obscure. [...] Ammonius, maître de Plotin, expliquait ainsi la difficulté qui nous occupe. Il disait que les choses intellectuelles sont d'une telle nature, qu'elles s'unissent à celles qui peuvent les recevoir, comme les choses qui périssent ensemble ; et qu'étant unies elles demeurent distinctes et incorruptibles, comme celles qui sont. Car, pour les corps, l'union produit un changement complet dans les choses unies, puisqu'elles deviennent d'autres corps : c'est ainsi que les éléments se changent en corps composés, la [68] nourriture en sang, le sang en chairs, et en d'autres parties du corps. Mais pour les choses intellectuelles, l'union se fait sans qu'il en résulte de changement ; car une chose de ce genre est essentiellement immuable, elle disparaît ou s'anéantit, mais elle n'est pas susceptible de changement. Or, elle ne peut pas être anéantie, car elle ne serait pas immortelle ; et comme l'âme est la vie, si elle changeait dans l'union, elle deviendrait autre chose, et ne serait plus la vie. Que procurerait-elle donc au corps si elle ne lui donnait pas la vie ? L'âme n'éprouve donc aucun changement dans son union. Puisqu'il est démontré que les choses intellectuelles sont immuables dans leur essence, il en résulte nécessairement qu'elles ne s'altèrent point en même temps que les choses auxquelles elles sont unies. L'âme est donc unie au corps, mais elle n'est pas confondue avec lui. La sympathie qui existe entre eux montre qu'ils sont unis : car l'animal tout entier éprouve une même affection, comme étant un. Ce qui montre que l'âme n'est pas confondue avec le corps, c'est qu'elle s'isole en quelque sorte de lui pendant le sommeil ; qu'elle le laisse comme inanimé, en lui conservant seulement un souffle de vie, afin qu'il ne meure pas tout à fait ; et qu'elle ne se sert que de sa propre énergie dans les songes, pour prévoir l'avenir, et pour [69] vivre dans le monde intellectuel. Cela se voit encore lorsqu'elle se recueille pour se livrer à ses pensées : car, alors, elle s'isole du corps autant que cela se peut, et elle se retire en elle-même, afin de pouvoir mieux s'appliquer aux choses. En effet, étant incorporelle, elle pénètre partout, comme les choses qui s'altèrent ensemble ; elle demeure inaltérable, comme les choses sans mélange ; et elle conserve son unité ; enfin, elle fait tourner à son profit les choses dans lesquelles elle se trouve, et ne tombe jamais, elle-même, sous leur dépendance. Or, de même que le soleil, par sa présence, rend l'air brillant et lumineux, et que la lumière est unie à l'air sans être confondue avec lui ; de même l'âme, étant unie au corps, en demeure tout à fait distincte. Mais il y a cette différence, que le soleil, étant un corps, et étant limité dans un certain espace, ne se trouve pas partout où est sa lumière ; il en est de même du feu, car il demeure dans le bois ou dans la mèche de la lampe, comme renfermé dans un lieu : tandis que l'âme, qui est incorporelle et qui n'est pas circonscrite dans un lieu, se trouve tout entière partout où est sa lumière, ainsi que dans tout le corps ; et il n'est aucune partie éclairée par elle, où elle ne se trouve en entier. Car elle n'est pas soumise au corps, mais celui-ci lui est soumis ; et elle n'est pas dans le corps, comme dans un vase ou dans une outre, mais le corps est plutôt en elle. [70] Les choses intellectuelles ne sont donc pas arrêtées par les corps, mais elles se répandent dans tout le corps, elles le pénètrent, elles le parcourent, et elles ne sauraient être renfermées dans un lieu matériel. Car, en vertu de leur nature, elles résident dans le domaine de l'intelligence, et elles sont ou en elles-mêmes, ou dans des choses intellectuelles d'un ordre plus relevé. C'est ainsi que l'âme est tantôt en elle-même, lorsqu'elle raisonne ; tantôt dans la pensée, lorsqu'elle se livre à la contemplation. Lors donc qu'on dit qu'elle est dans le corps, on ne veut pas dire qu'elle y soit comme dans un lieu, on entend seulement qu'elle est en rapport avec lui, et qu'elle y est présente, comme on dit que Dieu est présent en nous. Car nous disons que l'âme est Unie au corps par une certaine relation, par une force attractive, et par une inclination, comme nous disons que deux amants sont unis, non d'une manière corporelle et locale, mais par une disposition de l'âme. D'ailleurs, l'affection de l'âme n'ayant ni dimensions, ni poids, ni parties, ne peut pas être circonscrite par des limites locales. En effet, dans quel lieu ce qui n'a point de parties peut-il être renfermé ? Car le lieu et le corps sont des choses coexistantes : le lieu est l'espace limité dans lequel le contenant renferme le contenu. Mais si l'on disait : « Mon âme est donc à Alexandrie, à Rome, et partout ailleurs », on [71] parlerait encore de lieu sans y prendre garde ; puisque être à Alexandrie, ou, en général, être quelque part, c'est être en un lieu : or, l'âme n'est absolument en aucun lieu, elle peut seulement être eu rapport avec quelque lieu ; car il a été démontré qu'elle ne saurait être renfermée dans un lieu. Lors donc qu'une substance intellectuelle est en rapport avec un lieu, ou avec une chose qui est dans un lieu, nous disons, d'une manière figurée, qu'elle est dans ce lieu, parce qu'elle y tend par son activité; et nous prenons le lieu pour l'inclination ou pour l'activité qui l'y porte. Quand il faudrait dire : elle exerce là son activité ; nous disons : elle est là. |
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[1]
Ammonius Saccas n'a rien écrit. Son enseignement secret s'adressait à un petit groupe d'initiés tenus par le serment de ne jamais révéler aux profanes
les vérités qu'il leur confiait. Cependant deux fragments de Némésius, dans son ouvrage De la nature de l'homme
(écrit vers 400 apr. J.-C.),
rapportent la pensée d'Ammonius Saccas sur l'âme.
[2]
Némésius, De la nature de l'homme (vers 400), Hachette, Paris 1844, Chapitre 2 - De l'Âme,
pp. 29-31, traduction M. J. B. Thibault.
[3] Ammonius Saccas, philosophe néoplatonicien, qui chercha à établir un rapprochement entre la doctrine de Platon et celle d'Aristote. [4] Numénius d'Apamée : il reconnaissait l'immatérialité de l'âme, et son immortalité. [5] Ibid., Chapitre 3 - De l'union de l'âme et du corps, pp. 65, 67-71. |
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