Pourquoi je m'écris ?
Je m'écris parce que j'ai besoin de parler à quelqu'un et que je suis seul.
J'ai peur de passer pour un fou si je me mets à parler tout seul. Et dire qu'on est des milliards sur la planète !
Je m'écris comme les fous se parlent tout seuls. En me targuant de ne pas être fou, je me parle à moi-même avec un stylo.
C'est commode : la mémoire du stylo a un plus long cours que celle de la parole.
Je m'écris avec la vague satisfaction que je suis peut-être en train d'écrire à quelqu'un de compatissant qui, dans un futur quelconque,
me lira avec empathie et toutes ces émotions que je voudrais que ressente cet idéal lecteur imaginaire.
Je m'écris comme je me regarde dans un miroir ; mes phrases étant le visage de ma pensée.
Je peux ainsi observer celle-ci comme si je regardais quelqu'un d'autre. Ainsi je me dédouble et ça réduit ma solitude.
Je m'écris parce que ça ne coûte rien. Un thérapeute me coûterait une fortune ; je parle tout le temps.
J'écris parce que j'ai besoin d'évaluer le modèle du monde que je me suis fabriqué. Ainsi, je peux l'examiner à loisir et, au besoin, le modifier.
Pourquoi ai-je besoin d'un modèle du monde ? Pour comprendre mon existence. Donner des lignes (schémas) à mon cortex qui a besoin d'ordre
pour soulager son angoisse. Les animaux n'en ont pas besoin ; ils vivent dans une telle immédiateté.
|