971018
par François Brooks
Dans notre recherche du savoir, nous
aboutissons ainsi à la connaissance de notre ignorance fondamentale. L'homme
est instruit de cette ignorance par sa raison, car c'est grâce à elle qu'il peut
saisir l'identité des contradictions dans l'infini.
L'homme se trouve alors dans un état de docte ignorance.
Docte parce qu'il se sait ignorant. Ignorant parce qu'il est un
être fini et n'est pas capable de saisir l'infini divin.
« Mon Dieu, d'où vient qu'en la plus
haute considération de mon âme, je vous vois tout infini[...]. Ainsi il s'ensuit
qu'aucun n'approche votre infini grandeur que celui qui se tient dans
l'ignorance, à savoir celui qui sait qu'il ne vous connaît pas. »
(Nicolas
de Cues (en latin, Cusanus), 1401-1464, Atlas de la Philosophie, Livre
de poche p.91)
À partir du moment où je me positionne de
telle sorte que j'accepte qu'il existe quelque chose de plus grand que moi, je
me mets dans une position où je peux apprendre et me perfectionner. C'est
l'attitude qui me convient le mieux pour étudier. Conjugué avec l'intérêt pour
le sujet qui m'attire, j'espère pouvoir améliorer mes connaissances. Le piège
consiste à croire que je sais. Lorsque je crois savoir, j'estime ne plus rien
avoir à apprendre et mon esprit se ferme.
N'est-il
pas ennuyant d'être avec une personne qui nous prive de lui apprendre quelque
chose? C'est comme si notre expérience était invalide. Notre admiration pour
son savoir est son seul intérêt. Si cette personne n'a plus rien à apprendre,
peut-être voudra-t-elle partager son savoir avec moi. J'aurais alors beaucoup
plus de facilité à accepter son savoir s'il m'était présenté avec modestie.
S'il m'est présenté avec orgueil et prétention, ça me donne envie de défier cet
interlocuteur et de trouver la faille qui mettra au jour les limites de ses
connaissances. Cette prétention est comme le signe évident de la fragilité de
son savoir. Celui qui se vante a manifestement besoin de la reconnaissance des
autres et démontre le doute qu'il a de lui-même. Comment avoir confiance en une
personne qui doute d'elle-même surtout si elle cherche à cacher son doute en
arrière d'une attitude prétentieuse?
La combinaison parfaite pour le transfert
du savoir, c'est, je crois, un humble étudiant qui s'instruit auprès d'un
modeste professeur. Ajoutez à cela la passion mutuelle pour une matière donnée,
et l'apprentissage se fera dans la joie. Si le professeur enseigne avec
modestie, il garde lui-même une porte ouverte à l'apprentissage. Il se
positionne dans une situation où il est perfectible. Ainsi, il aura, comme son
étudiant, l'opportunité d'apprendre et ce dernier se sentira valorisé tout
comme lui. Les rôles pourront en venir à se confondre ; et si l'on parle d'une
relation enrichissante pour les deux, on pourra maintenant ne plus parler de
professeur et d'étudiant mais de deux personnes qui se passionnent pour le même
sujet.
* * *
Je fais souvent un effort volontaire pour
manifester de l'attention pour le sujet dont me perle une personne. Mon
interlocuteur devient alors plus attentif à ce qu'il me dit et ça accroît
instantanément mon niveau de cohérence. Il s'ensuit souvent une discussion
enflammée et enrichissante.
Voici les quatre clefs d'un échange
humain intéressant :
1- La modestie
— Présence gratuite
— Aucun but manifeste que d'être là, aimant
— Tu es important(e)
2 - l'attention
— Je t'aide à trouver tes mots, je devance
ta pensée, je te donne un feed-back pertinent
— Ce que tu dis m'intéresse
— Je fais en sorte que mon écoute attentive
te fasse sentir intelligent(e)
3 - la passion
— Rien d'autre, pour le moment, ne
m'intéresse davantage
4 - et l'humilité
— Tes réflexions me permettent de faire des
liens que je n'aurais pas pu faire seul, par moi-même ; c'est grâce à toi que
je m'enrichis.
Et ça commence par de la
considération pour notre interlocuteur.
Avez-vous déjà remarqué
que ces qualités humaines s'installent en nous automatiquement lorsque nous
faisons la cour au sexe recherché?