970917
(à l'émission Enjeux à la TV de Radio-Canada)
par François Brooks
Les écoles sont pauvres. Mais où vont
donc nos taxes? Nous sommes un des pays les plus taxés au monde et nous n'avons
jamais été aussi taxés. Pourtant, les écoles n'ont même plus un livre à mettre
à la disposition de chaque élève. On en achète 30 et on les ramasse à la fin du
cours pour qu'ils puissent servir aux autres classes. Nous sommes devenus si
pauvres qu'il n'y a que des photocopies pour contenir nos connaissances et
encore elles sont en quantité limitées. En 1965, la connaissance était dans de
beaux livres somptueux qu'on utilisait années après années en y prenant soin.
Maintenant, à l'image de notre société de consommation, nos connaissances sont
distribuées imprimées sur des feuilles photocopiées jetables après usage. Nous
ne sommes pas en Afrique en 1965 ; nous sommes au Québec en 1997!!! Une solution
utilisée par la télévision d'État et dans les transports publics depuis
longtemps a alors fait son apparition dans les écoles : les commanditaires. Si
l'argent est le nerf de la guerre, la publicité devient l'âme de nos
institutions. Je suis contre la pub dans les écoles pour les six raisons
suivantes.
On perd sa liberté de choix.
On choisit d'acheter un produit parce que
l'on sait qu'il existe. La pub dans les écoles agit sur une clientèle captive.
On aura même plus le choix de ne pas consommer, ce sera une valeur qui ira de
soi.
On véhicule des valeurs d'une grande
pauvreté
La consommation (Big Mac et compagnie)
plutôt que Dieu ou Voltaire qu'a-t-on gagné? La richesse des premières valeurs que
l'on transmet à nos enfants est primordiale. Elles sont la fondation de la
société de demain. Le jeter après usage de la société de consommation ne peut
remplacer la valeur culturelle acquise par l'histoire occidentale ; ce serait
échanger un trésor contre des pacotilles.
On perd son regard critique
Comment critiquer Mac Donald après qu'il
nous ait donné à manger? Si l'école est redevable à ses commanditaires d'avoir
un ordinateur, comment critiquer La Baie ou Maytag s'ils mettent sur le marché
une mauvaise série? Ils achètent notre indulgence d'avance.
On
perd son indépendance intellectuelle
Si on doit d'avoir des livres au
commanditaire, comment critiquer Ford pour les valeurs que son produit véhicule
si un jour on se rend compte que son produit nous amène à vivres dans un style
de vie aberrant?
On
transforme les enfants en outils de marketing
Notre refus d'acheter est incompris s'ils
veulent nous vendre quelque chose. Ils seront portés à croire que nous ne
voulons pas les encourager dans leur démarche scolaire. C'est la fin de
l'instruction gratuite pour tous. Obliger les enfants à vendre du chocolat ou
une autre babiole, c'est les faire travailler pour payer leurs études.
Nos institutions ne nous appartiennent
plus
Elles appartiennent aux commanditaires.
Ainsi ce seront eux qui dicteront les valeurs à adopter pour notre société. Ils
influenceront l'aménagement des locaux de la classe en fonction de leurs
besoins se réservant la meilleure place. Ce n'est qu'une question de temps et
de pauvreté. Plus l'école sera pauvre, plus les commanditaires prendront de
place.
Que diriez-vous si on vous
obligeait à réciter un Je vous salue Marie en classe avant de commencer chaque cours? Ça vous
rappellerait des souvenirs, n'est-ce pas? Avons-nous quitté, il y a 30 ans, des
années de grande noirceur pour retomber aujourd'hui dans une aberration
semblable? Sommes-nous si pauvres que nous devions à nouveau vendre notre âme
pour pouvoir nous instruire?