970816

Dieu, Descartes, ses preuves et ma foi

par François Brooks

Selon le dictionnaire Lexis de Larousse, prouver une chose, c'est démontrer qu'elle est vraie au moyen d'arguments, de faits incontestables, de démonstrations abstraites. Prouver quelque chose, c'est aussi en faire apparaître l'existence, la réalité.

 

*  Première preuve de l'existence de Dieu selon Descartes :

l'argument ontologique

— Dieu existe parce que, en tant qu'être parfait, s'il lui manquait l'existence, il ne serait pas parfait. Donc, il existe.

Je réfute. C'est un syllogisme. On pose Dieu comme “étant parfait” dans la prémisse. Ça ne prouve rien, ça affirme. On postule son existence en lui octroyant un attribut dès le départ : la perfection.

— Ça tient par ses lacets de bottines, m'avait spontanément répondu mon ami Daniel.

 

*  Deuxième preuve de l'existence de Dieu selon Descartes :

l'idée du parfait

— Moi qui suis un être imparfait, il y a dans mon esprit une notion de perfection. Qui d'autre, sinon Dieu lui-même, a-t-il pu me donner cette notion de perfection?

Je réfute. De la même manière, dans tout ce que je peux imaginer et qui n'existe pas ou dont je n'ai aucune preuve, je pourrais dire, par exemple, que les extraterrestres existent. Suivant le même raisonnement, qui d'autre, sinon les extraterrestres eux-mêmes, ont-ils pu me donner cette notion. Et de même pour toute chimère.

N'est-il pas évident que, si un être humain est éduqué sans jamais entendre parler de Dieu, il n'en aura aucune idée? De la même manière, Descartes, au moment de son épochè, (doute radical et suspension de jugement) continuait à se servir de toutes ses connaissances apprises dont sa langue qui est sa structure de pensée et ses notions apprises sur Dieu. On lui avait enseigné que Dieu est parfait sinon il n'en aurait même pas eu la notion. D'ailleurs, la preuve ontologique de l'existence de Dieu avait été formulée bien avant Descartes, au onzième siècle, par Saint-Anselme chez les scolastiques. Et nous savons que Descartes a étudié au collège des Jésuites La Flèche sous un enseignement scolastique.

 

*  Troisième preuve de l'existence de Dieu selon Descartes :

l'existence propre à chaque homme

— L'existence propre à chaque homme ne tient pas de l'homme lui-même puisqu'il se serait créé parfait et ainsi, il serait Dieu. Elle ne peut donc être attribuée qu'à Dieu, être parfait.

Mais, se peut-il que Dieu, être parfait, puisse créer quelque chose d'imparfait? Si j'étais parfait, n'est-il pas évident que tout ce que je ferais, je le ferais parfaitement? Qui peut le plus peut le moins, allez-vous me rétorquer. Mais là encore, cette imperfection serait alors voulue par Dieu. Il serait donc aussi à l'origine de non seulement tout ce qu'il y a de bien mais de tout ce qu'il y a de mauvais. Ainsi, Dieu et le Diable seraient le même être. Par l'absurde, j'arrive à nouveau à réfuter cette preuve.

 

* * *

 

Dieu

Relativisme

Omni-Tout,

Infini

 

Maître de mon univers

 

Pierre Bégin me dit que le principe de Dieu en est un que l'on accepte ou que l'on refuse. C'est tout. Son existence n'a pas besoin d'être prouvée. Si on l'accepte, il vient avec toutes les possibilités (infinies) que cette notion permet à notre esprit. Si on le refuse, alors nous tombons dans le relativisme où chacun a sa propre vision, sa propre notion des choses et chacun est une sorte de petit dieu d'où émane une vérité toute personnelle. Chacun est le centre de son univers. Cette explication me porte davantage à vouloir que Dieu existe[1] qu'à croire à son existence sur les fondements d'une quelconque preuve. Ainsi, Dieu pourrait être nécessaire par son utilité et non par son existence effective. Et, s'il est utile, il existe mais en tant qu'objet de la pensée. Son utilité effective peut être démontrée dans le monde concret par les réalisations que la foi a pu laisser. Le bienfait de ces réalisations peut cependant être mitigé puisque, au nom de Dieu, on construit des cathédrales mais on fait aussi des guerres. Et, de plus, une guerre peut être juste et la construction de la cathédrale injustifiée. Ici, nous revenons au relativisme.

 

* * *

 

Accepter Dieu comme principe suprême, c'est ouvrir mon esprit sur des possibilités infinies. C'est accepter de me donner dans l'existence une position inférieure, perfectible, où j'accepte qu'il existe toujours pour moi une façon de m'améliorer, d'en connaître davantage ; c'est inclure dans ma vie la promesse permanente d'un lendemain meilleur. Ainsi, par l'humilité, je saurai reconnaître la parcelle de Dieu qui existe chez les autres et je chercherai à m'en approcher. Ne dit-on pas «En chaque homme, tu peux trouver ton maître». En voulant dire que chaque personne a quelque chose à m'apprendre et il est, de quelque façon, supérieur à moi. Cette disposition d'esprit est idéale pour apprendre et pour se perfectionner. En admettant que je n'aurai jamais la perfection de Dieu, mais désirant l'atteindre, j'ai devant moi un programme de vie des plus intéressants.

 

J'en viens, par mes réflexions, à comprendre que seul c'est possible, mais, accompagné de l'idée de Dieu, c'est plus facile.

 

Ainsi, Dieu n'est plus un être dominant, capricieux, limitatif et d'une perfection écrasante. Il est un principe qui permet à mon esprit de s'ouvrir au monde et de connaître ses mille manifestations. Ce principe permet la croissance de la connaissance et ne l'arrête jamais.

 

Léo Ferré, à qui, dans les dernières années de sa vie, on avait demandé s'il croyait en l'existence de Dieu, avait répondu (tout comme mon amie Jacqueline Goldberger) «Je ne sais pas.». Quelle humilité! En effet, n'est-il pas prétentieux d'affirmer ou de nier l'existence de Dieu? Comme s'il m'appartenait de lui accorder d'être ou de ne pas être. Si cet être devait exister, il devrait, bien entendu, lui être loisible de choisir de se manifester ou non. Ainsi, si nous désirons qu'il existe, il est tout à notre loisir de le chercher. Et si nous désirons qu'il n'existe pas nous pouvons aussi choisir de le fuir ou de l'ignorer. Ne sommes-nous pas libres de notre pensée? Ceux qui cherchent Dieu m'intéressent ; de même ceux qui le fuient ou l'ignorent. Ceux qui l'ont trouvé m'inquiètent.

 



[1] On a dit de Descartes qu'il était athée parce qu'il avait éprouvé le besoin d'élaborer des preuves de l'existence de Dieu.