881120
par François Brooks
—
Sac de viande à frontière de peau dont nous nous croyons le prince et qui est
notre prison
ou
— La connaissance des lois de la
gravitation ne nous a pas libéré de la gravitation mais nous a permis de les utiliser
pour faire autre chose : aller sur la lune. (Henri
Laborit)
Il me semble que si je connaissais mieux
les lois qui régissent mon corps et mes comportements, non seulement j'en
deviendrais le prince, mais il me deviendrait un outil extraordinaire.
Je vois mon corps comme la prothèse de
mon esprit. Une merveilleuse prothèse, d'une beauté et d'une harmonie
fascinante. Autant lorsqu'elle se présente sous sa forme adaptée d'un autre
corps. Ce corps est en même temps la copie conforme de son esprit adapté à son
environnement, son legs génétique et le pouvoir que son esprit a pu obtenir de
son propre corps. Miroir, miroir, miroirs. Tout est le miroir de tout. Et si
cet esprit était le même. J'en ai souvent l'impression : le même esprit dans
chaque corps mais adapté à son environnement et son legs
génétique. Puissé-je avoir et garder la tranquillité et la lucidité de savoir
l'observer, cet Esprit par ces corps. C'est fantastique et j'ai l'impression
que ce n'est qu'un début.
Mais encore, le vivre, ce corps et cet
esprit. C'est que depuis que je me laisse bouger librement, faisant fi des
postures corporelles sociales apprises et convenables, j'ai découvert le
pouvoir que j'ai de me transporter dans des états de conscience tout autres que
ceux du commun. J'explore surtout des façons différentes de me sentir, comme
sous la drogue, mais tellement plus lucide et mieux en contact avec ceux que je
côtoie. Je me sens parfois plus ouvert mais parfois aussi plus fermé mais
toujours sachant que l'esprit qui m'habite est aussi présent dans les autres au
même titre et à la même valeur puisque c'est le même esprit, je crois.
Je suis de ceux qui ont
pris pour parti que ni Dieu ni rien n'existe, pour savoir, si peut-être,
puis-je réhabiliter quoi que ce soit par mon observation. Il me reste cependant
le pouvoir de Le reconnaître chez les autres et de L'inventer, de Lui donner
vie, surtout de Lui laisser prendre forme puisqu'Il est cette même personne, ce
même esprit manifesté par chaque corps que je côtoie et qui est pourtant bien
concret, bien réel, palpable, sensuel et sensitif.