971018
par François Brooks
Il n'y a pas si longtemps, la sagesse
populaire parlait de droits
et devoirs
du citoyen. Aujourd'hui, on n'entend plus parler que de droits et libertés.
Que dire au fumeur qui fume dans un
espace public et qui refuse d'éteindre sa cigarette en rétorquant qu'il est
libre de fumer si ça lui plaît? Il me laisse donc savoir que ça lui déplairait de ne pas fumer et qu'il assume mon déplaisir à devoir respirer sa fumée. Mais que
fait-il de mon droit de respirer de l'air propre et exempt de particules
cancérigènes? Nous sommes ici dans un dilemme. Il semble évident que pour
occuper en même temps le même espace, il y en a un des deux qui devra vivre
dans l'inconfort.
J'avais appris, jeune, que ma liberté
s'arrête où commence celle de l'autre. Et aujourd'hui, la liberté est un thème
si sacré qu'il outrepasse le bon sens. Il est acquis que le bon sens est
élastique, variable et relatif à la situation de chacun. Il est aussi entendu
que ce qui est bien dans une situation peut être considéré comme mauvais dans
une autre et ce discours légitime le fumeur d'accaparer l'air que tout le monde
respire.
Je vais essayer de mettre les choses en
perspective et donner une place au bon sens qui, aujourd'hui, n'en déplaise à
Descartes, ne semble plus être la chose la mieux partagée au monde sinon que
personne ne se plaint d'en manquer.
1.
Est-il
nécessaire de rappeler qu'un mammifère, donc l'être humain, a besoin d'air pour
respirer.
2.
On
peut vivre toute une vie en santé sans fumer.
3.
L'usage
du tabac est en tête de liste comme cause de mortalité ainsi que la fumée
secondaire ; c'est maintenant démontré scientifiquement.
4.
Le
droit de vivre en santé prime sur le droit de détruire sa santé et celle des
autres.
La logique impartie aux Droits de fumeur nous amène à vivre actuellement le
non-sens commun le plus fabuleux qu'il m'ait été donné de voir. Après avoir
institué les soins de santé gratuits pour tous, notre gouvernement a englouti
des sommes astronomiques pour couvrir les frais des soins requis par les
maladies causées par le tabagisme. Si bien qu'on assiste à des compressions
budgétaires sans précédent dans les services de santé. Je travaille depuis
maintenant 24 ans. J'ai pris soin de ma santé en m'abstenant de fumer, en
faisant de l'activité physique et en surveillant mon alimentation. J'ai payé, à
chaque semaine, une cotisation pour l'assurance maladie. Si, maintenant, je
tombais malade, je devrais être soigné avec des moyens réduits. Tout ça, parce
que les fonds qui auraient dû être disponibles ont été, pour une bonne part,
utilisés pour soigner des fumeurs dont l'assurance de ces soins ne les
encourageait pas à prendre soin de leur santé. Leur logique est simple : si je
suis malade, on va me soigner.
N'est-il pas temps que ça change? N'est-il
pas temps de parler de Droits et Devoirs du citoyen? Aucune compagnie privée ne pourrait survivre avec
une telle logique. Si j'assure ma maison, c'est pour avoir le droit d'être dédommagé si elle passe au feu. N'ai-je pas, en même
temps, le devoir d'utiliser le feu d'une façon
appropriée? Ne suis-je pas en mesure de m'attendre à ce que ma compagnie
d'assurance refuse de m'indemniser si, pour chauffer ma maison, j'allume un feu
en plein milieu de mon salon et que ce feu provoque l'incendie de ma maison? Le
bon sens de ce raisonnement saute aux yeux. Comment se fait-il que notre
société continue de soigner gratuitement les gens qui tombent malades à la
suite de l'usage du tabac? Par humanisme, me direz-vous. Alors comment se
fait-il que nous acceptions les compressions budgétaires dans les soins de
santé? Ici, il y a un manque flagrant d'humanisme. Et je dirai même de
l'injustice pour ceux qui sont malades, qui ont fait attention à leur santé et
qui sont privés de soins.
Nous n'avons plus les moyens, en tant que
société, de supporter l'inconséquence des fumeurs qui abîment leur santé et
celle des autres. Il est temps qu'ils assument eux-mêmes leur choix. Ils ont la
liberté de fumer, soit, je serai le dernier à la
leur retirer, sauf dans les endroits publics. Mais ils ont aussi le devoir d'assumer les conséquences de leur
néfaste habitude. J'estime que les soins de santé dispensés pour les maladies
dues au tabagisme ne devraient plus être couverts par le régime québécois
d'assurance maladie. Sinon, j'estime qu'il devrait être possible de se retirer
de ce régime et ainsi, avoir la liberté d'utiliser les cotisations pour adhérer
à une police privée d'assurance maladie. De toute évidence, le gouvernement est
un mauvais administrateur des services de santé publique ; sa faillite en est
la preuve. Il devrait être possible dans une société libre et responsable de pouvoir se soustraire à un tel joug.
Le tabac est une drogue
comme toutes les autres. Elle provoque une telle dépendance qu'elle induit chez
son utilisateur des raisonnements qui défient le sens commun. Lorsqu'un drogué
est en manque, il ferait n'importe quoi pour avoir sa
dose. Aucune morale, ne peut l'atteindre. Il perd son sens civique et il
accapare l'air de toute la pièce. Comme tout être, entre deux maux, il choisit
le moindre. Il préfère affronter l'opprobre de quelques non-fumeurs que le
profond malaise du manque de nicotine. Il est temps que les lois concernant les
fumeurs dans les endroits publics aient des dents. Il est temps que les fumeurs
assument eux-mêmes les coûts des soins de santé que leur tabagisme occasionne.
Le tabac tue, c'est maintenant une chose reconnue et dénoncée depuis 1974. Nous
avons laissé assez de temps à la bonne volonté des fumeurs pour qu'elle se
manifeste. Il faut maintenant, prendre les moyens d'enrayer ce fléau et arrêter
d'assumer collectivement les torts causés par le tabagisme.