971003
par François Brooks
Société automobile
Autrefois un luxe, nous avons
fait de l'automobile un outil indispensable ; elle est omniprésente.
Société de consommation
Par définition, c'est une
société qui envoie au rebut, le plus rapidement possible, ce qu'elle produit.
Société de solitude
Monsieur Sartre, nous vous
avons bien compris : « L'enfer, c'est les autres ». Nous faisons tout pour les
tenir à distance: TÉLÉVISION,
CINÉMA, INTERNET, TÉLÉPHONE, RADIO, ...
Société de publicité (la
pub-culture)
La publicité est le lien
principal qui nous rattache aux autres. Par delà les solitudes, elle nous
fournit les modes qui teintent notre existence collective : CHEVEUX, COULEURS, COUPE DE VÊTEMENTS,
AUTOS, BOUFFE ETC. ; elle nous dit tout ce qui est inn. Elle
nous fournit notre raison d'être quotidienne ; elle a remplacé le vide laissé
après la mort de Dieu. Sur le mode de l'avoir personnel, elle est le reflet de
ce que nous voulons être, faire et paraître.
Société philo-rock-musique
Autrefois privilège des rois,
aujourd'hui, les bardes à tout va nous fournissent les rythmes et les idées qui
meublent nos façons de penser et nos moments intimes. Leurs inspirations,
aujourd'hui, sortent souvent des poubelles de la vie et donnent des musiques
sans air. Autrefois, et même jusqu'aux Beatles, naissant d'une ascèse
réfléchie, elles étaient servies sur des mélodies.
Société de clips
On nous avait appris qu'une
image vaut mille mots, on nous montre maintenant mille images à la fois. Alors,
il est devenu inutile de savoir ni parler ni écrire ; tout est dit.
Je refuse de posséder une automobile
; je n'achète que le strict minimum ; je fabrique au maximum ce dont j'ai
besoin ; je recherche le vrai monde ; je zappe les pubs ; je porte les mêmes
vêtements depuis parfois plus de dix ans ; je n'écoute plus la radio et ma TV
n'est pas loin des poubelles. J'écris et je parle ; je suis un mésadapté.
À la
mi-chemin de ma vie, je crois maintenant comprendre le regard de mon grand-père
qui avait 99 ans. Je vis dans un monde où les valeurs changent à mesure que le
temps passe et que de nouveaux jeunes remplacent les âges que j'ai laissés
vacants. Ce que j'ai appris à reconnaître comme étant important ne semble même
pas leur effleurer l'esprit. Je revois mon grand-père à moitié sourd avec les
pupilles blanchies et qui nous regarde ne sachant pas trop quoi nous dire. Il
n'avait plus pour réalité, déjà depuis de nombreuses années qu'une chambre
d'hôpital, quelques photos sur sa commode et le journal La
Presse dont il ne pouvait lire que les titres écrits en caractères
gras et dont je me demandais ce qu'il pouvait bien y comprendre, lui qui était
né et avait vécu dans une époque si différente de la nôtre. Quand nous lui
parlions, nous haussions le ton pour qu'il nous entende mais il nous posait
très peu de questions et il ne faisait que très peu de commentaires. Tellement
que je me demandais s'il avait bien entendu ou s'il avait bien compris ou ni
l'un ni l'autre. Ça n'avait plus tellement d'importance, je crois. Ces quelques
heures que nous passions en sa compagnie, une ou deux fois par année, mes deux
frères, ma mère et moi, étaient pour lui, je crois, un “agrément” de sa vie ;
c'est tout. Il avait dit une fois à ma mère : « Tu sais Ida, à mon âge, la
vie ne m'apporte plus beaucoup d'agrément ».
Je sais que la vieillesse n'est pas seulement corporelle,
c'est aussi un état d'esprit. Nous méprisions les vieux qui ne nous
comprenaient pas avec leurs valeurs “dépassées”. Je commence à voir la
dynamique de la chose et à comprendre qu'elle est inévitable. Comme on ne
vieillit pas du jour au lendemain, les valeurs ne sont pas dépassées du jour au
lendemain. Ça se fait petit à petit et je sens le choc soudainement lorsque je
m'arrête pour y penser. Je ne me reconnais plus dans les valeurs actuelles de
notre société et je sens que c'est cela vieillir.