970922
par
On naît avec ce que la vie nous donne et chacun fait de son
mieux compte tenu des circonstances qui nous adviennent. Il se peut que
certains aient besoin d'aide pour améliorer leur sort et c'est formidable de
pouvoir rencontrer des personnes qui ont suffisamment de générosité pour se
prêter à l'amélioration des choses. Mais lorsque ces dernières arrivent avec
leur superbe, elles me font penser à cette dame vêtue luxueusement qui, croyant
bien faire, va aider les indigents. La bonté qu'elle affiche est un apparat,
tout comme son vêtement. Pour vaincre la misère, il faut d'abord démontrer de
l'empathie envers ceux qui souffrent. Et l'empathie, ça commence par un acte de
modestie. Madame Groult, vous suscitez peut-être l'admiration de certaines
femmes idolâtres, comme le démontre madame Bombardier lorsqu'elle vous
interview. Vous êtes son phare. Mais, à mes yeux, vous êtes un phare bien pâle
en comparaison de mère Thérésa qui avait compris que son action était
nécessaire auprès des hommes comme des femmes.
Comme si l'oppression
appartenait à un sexe, vous dressez les hommes contre les femmes alors que c'est
la misère qu'il faut combattre. À commencer par la misère intellectuelle si
répandue chez les gens instruits comme vous. Le bon sens n'a pas de sexe et la
bêtise non plus. Et je refuse d'avoir à me sentir coupable qu'il se produise
une injustice parce que l'analyse intellectuelle d'un problème fait en sorte de
créer une catégorie d'oppresseurs dans laquelle on m'inclue simplement parce
que j'ai des couilles entre les jambes, un salaire décent pour vivre ou de quoi
manger à ma faim tous les jours. À vous entendre l'humanité tout entière
devrait se sentir responsable et se sentir préoccupée par le problème à chaque
fois que quelqu'un se livre à des actes abominables. Le monde est ce qu'il est
depuis bien avant que je n'arrive au monde et, quelle que soit la suite des
grands êtres qui y soient venus, l'humain a ce défaut qu'il n'est pas parfait
et qu'il est parfois plutôt misérable. Ainsi, si aucun Jésus, Mahomet,
Lao-tseu, Gandhi ou Einstein n'a pu éliminer les tares humaines, comment le
pourrais-je? Je suis loin de croire que la culpabilité personnelle, dont les
paroles des justiciers semblent vouloir m'accabler, n'y apporte quoi que ce
soit.
Ce qui m'empêchera
toujours d'être raciste, féministe ou de m'engager à fond dans un groupe
quelconque, c'est que l'imbécillité est répartie de façon uniforme sur la
planète et ainsi, quel que soit le parti auquel j'ai adhéré, elle n'est jamais
très loin. C'est aussi ce qui m'empêchera toujours de proférer des généralités
en catégorisant les gens qui appartiennent à une profession, un sexe, une
classe sociale, une minorité ou une majorité. Je veux garder ma liberté
intellectuelle et pouvoir critiquer au besoin un noir, un médecin, un
homosexuel ou un membre de ma famille sans laisser mon esprit se gêner du fait de
sa particularité. Ce qui me console, c'est qu'il en est de même pour le bon
sens ; je crois que celui-ci est aussi réparti de façon uniforme sur la planète
et dans toutes les couches de la société. Et puisque l'imbécillité me guette,
comme elle guette tout le monde, je souhaite ardemment qu'on me remette ce
texte sous le nez lorsque je proférerai des généralisations.
...
Il faudrait peut-être que je me relise. Aurais-je pu proférer quelque
généralisation dans ce que je viens d'écrire?