970914
par François Brooks
Descartes part d'un postulat : il est impossible que Dieu n'existe pas. Alors, pourquoi donc cherche-t-il à en prouver l'existence?
Avec Descartes, l'interrogation
systématique de toute connaissance se justifie par le doute que suscite
l'origine de l'être. Je suis né à un moment précis dans le temps et j'ai
conscience qu'il y a des choses qui ont précédé mon existence et ma conscience.
Dans un univers causal, je reconnais être le résultat d'une suite de causes qui
m'ont fait apparaître. Mais quelle est la cause première? Je m'interroge, je
doute, et ce doute est très justifié puisqu'on était là avant moi et je ne
pourrai jamais réellement savoir puisque je n'y étais pas. Comme si j'étais né
pour douter ; le doute justifie l'être : Je doute, donc je suis. Voici donc la première certitude : j'existe.
Ne sachant pas d'où je viens et ne
pouvant vivre dans l'ignorance de mon origine, j'imagine, je pose comme vrai
(en attendant de meilleures explications et non sans quelque prétention) l'existence d'un Dieu parfait et
tout-puissant qui serait à l'origine de toute chose, donc, de moi-même. Avec
cette réflexion, Descartes en arrive à sa deuxième certitude : Puisque j'existe, Dieu existe. Il ne saurait en être autrement.
Puisqu'il faut une cause
première, cette cause première
existe et elle est ce qu'il est convenu de nommer “Dieu”. Si Dieu n'existait
pas, je ne serais pas là. J'existe, donc Dieu existe. Ainsi arrive la deuxième certitude : Dieu existe.
* * *
C'est aussi comme si l'être humain était
le test que Dieu fait subir à la nature. Seule créature à connaître Dieu,
l'humain est doté de deux choses indispensables aux tests : Le corps, qui est le lien direct avec la nature
et l'esprit, qui est le lien direct avec Dieu.
Mais il y a un problème logique de
taille. Ainsi, au nombre de ses attributs, Dieu compte la perfection. De même,
l'être humain, dans cette théologie, est reconnu pour être imparfait. Mais se
peut-il que Dieu, être parfait, puisse créer quelque chose d'imparfait?
Difficile à croire sinon que l'imperfection serait une composante de la
perfection, et nous pourrions aussi dire que Dieu et Diable existent en
complémentarité comme le Yin et le Yang Taoïste mais ici, on sortirait du
domaine de Descartes puisqu'il oppose et distingue la perfection de
l'imperfection. Si j'étais parfait, n'est-il pas évident que tout ce que je
ferais, je le ferais parfaitement? Peut-on dire alors que, si Dieu existe, sa
création est parfaite, ainsi en est-il de moi et de toutes choses? Ce serait
prétentieux et irréaliste. Dieu n'existe donc pas puisque l'imperfection
existe. Dieu est une
idée qui, elle, existe,
puisque nous y pensons. Alors, une idée de la perfection peut exister, puisque
c'est une abstraction ; mais elle est limitée au domaine de la pensée et ne
peut s'appliquer au monde matériel.
Dans la sagesse populaire, le premier
venu vous le dira, la perfection n'existe pas. Tout juste pouvons-nous avoir
une idée de la perfection et une idée n'est réelle que dans le monde de la
pensée. La réalité de la matière est une et objective. La réalité de la pensée
est multiple et subjective. Ainsi, il y a autant de réalités différentes qu'il
y a d'êtres différents pour la percevoir. La perfection est unique et
inaccessible. La réalité de la matière est la perfection et c'est tout comme
Dieu, unique et inconnaissable. Tout juste pouvons-nous prétendre vouloir nous
en approcher par l'observation.
L'idée d'un être parfait me fait penser à
la légende du roi mort de faim parce que tout ce qu'il touchait se transformait
en or. Ainsi, à la limite, la perfection absolue devient l'imperfection absolue
puisqu'elle sort du domaine applicable à la vie.
Par contre, l'idée de Dieu peut avoir une
utilité dans le monde matériel dans la mesure où il est considéré comme une
tendance à l'amélioration, un sens vers lequel il faut tendre mais sachant bien
qu'il faut éviter de vouloir l'atteindre puisque ce serait sombrer dans le
fanatisme, l'extrémisme, la compulsion. Ainsi, à petite dose, Dieu améliore ; à
forte dose, il empoisonne.
De toute cette réflexion,
il m'apparaît clairement qu'il existe deux mondes parallèles. Le monde
matériel, incluant le corps et toute matière. Et le monde de l'esprit, qui est
un monde essentiellement représentatif ; c'est-à-dire un monde de concepts.
Mais pourraient-ils exister l'un sans l'autre?