960913
par François Brooks
À ma réflexion d'hier, il vient encore de
se rajouter un nouveau doute. (Pourrait-on dire « je doute, donc je
suis » ?) Ma mémoire crée mon individualité, ma souffrance fait
s'éveiller ma conscience mais le fait que ce soit moi qui souffre, et personne
d'autre, ajoute un nouveau doute puisque ma souffrance est vécue par moi-même au tout début de ma vie
lorsque je suis en parfaite inconscience de mon être. Je suis le même continuum
de souffrance et d'être maintenant qu'au tout début de ma vie. La première fois
que j'ai réalisé (pris conscience) de ma finalité, j'avais deux ou trois ans.
J'étais dans ma bassinette (petit parc intérieur en bois de 36po. par 36 po.
clôturé) et on installait les tuyaux de la fournaise à Pointe-aux-Trembles. Je
souffrais de ne pouvoir sortir de mon parc et je me demandais : «Pourquoi moi
?, Pourquoi ?»[1] Je réalisai dès ce moment mon existence,
mon individualité et mes limitations douloureuses.
Est-ce que la douleur serait l'origine de l'existence et
de l'individualité ? Ensuite, je veux bien accepter l'idée qu'après ma mort, je
retournerai tout simplement au néant, mais ça ne m'explique pas l'origine de
mon être comme individu conscient d'être lui et non pas quelqu'un d'autre ou
quelqu'autre chose. Et tout à coup, sur un autre plan, ma pensée effleure
l'idée que je suis un univers composé de myriades d'individus. Et je verse dans
l'infiniment petit et l'infiniment grand.