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par François Brooks
Je trouve risible de voir à quel point
mes contemporains acceptent de vivre en pratiquant des comportements si
contradictoires. Celle-ci s'alimente exclusivement d'aliments biologiques mais
elle va faire son marché chaque semaine chez Rachelle-Béry en voiture. Celui-là
classe tous les jours religieusement ses rebuts à leur place dans le bac à
récupération mais il fume comme une cheminée. Un autre se véhicule à vélo une
cigarette au bec. Une autre encore est partisane féministe enragée et proclame
sa liberté au premier male venu mais elle est esclave de son verre
d'alcool et/ou de ses cigarettes. Bien sûr, j'ai aussi mes
contradictions ; bienvenu au club!
Monsieur David Suzuki, dans son livre Naked
Ape To Superspecies nous fait observer fort pertinemment que si chaque
habitant de la planète devait vivre au même niveau de vie que les Canadiens, il
nous faudrait les ressources de cinq planètes comme la Terre. Il nous amène à
nous poser une question pertinente : compte tenu du fait que nous soyons
informés des problèmes écologiques qu'engendre notre style de vie, ne
devrions-nous pas changer nos habitudes de consommation? Son livre nous
démontre avec une évidence frappante que nous courons collectivement vers la
catastrophe. Alors pourquoi n'y a-t-il pas une panique écologique
générale, une police de l'environnement sévère, voire tyrannique? Rien! Chaque
jour nous écoutons les journalistes nous faire la chronique du réchauffement de
la planète, le temps passe et tout un chacun continue de se voiturer
quotidiennement, le plus souvent seul, dans son véhicule moteur, comme si de
rien n'était? J'ai parfois l'impression d'assister impuissant à la chronique
d'une fin du monde annoncée et consentie. Quoiqu'il faudra trouver autre chose
à dire comme catastrophe que la planète se réchauffe ; en ce qui me
concerne, cette nouvelle, pour un Canadien, miss météo vous le dira, c'est une
bonne nouvelle.
Monsieur
Suzuki pose le problème sur la prémisse que nous voulons tous vivre et que la
vie est notre bien le plus cher. N'en serait-il pas autrement? Si tant de gens,
directement sur leur personne, sont captif du cycle tabac-alcool-café je serais
porté à mettre en cause la prémisse pro-vie de Suzuki. De toute évidence, pour
une bonne partie de la population, la vie n'a pas tant de valeur. Mais pourquoi
donc?
Je
pense que dans notre inconscient collectif, nous désirons la fin du monde
tout simplement parce que le mythe le plus profond qui nous habite la prévoit.
Notre religion chrétienne a décrit une création du monde et en prévoit la
fin : l'Apocalypse. N'est-il pas curieux de constater que les problèmes de
pollution originent pour la plus grande part des pays industrialisés qui sont
le plus souvent d'obédience chrétienne, juive ou musulmane?
Vous
me direz que vous n'êtes pas croyant et que pour vous la religion est un mythe
qui vous laisse froid? Non, vous, vous êtes un scientifique! Alors, vous croyez
donc à l'Histoire et au Big Bang. Le Big Bang n'est-il pas une tentative
scientifique d'expliquer la Création du monde? Et l'Histoire n'est-elle pas là
pour nous expliquer comment se sont déroulés les événements entre le
« début » et la « fin »? Et cette fin, si vous ne la
connaissez pas, comment connaîtrez-vous L'histoire? Sans le savoir, n'êtes-vous
pas un disciple d'Auguste Comte, un scientiste?
Nos religions monothéistes ne sont-elles
pas en train de nous jouer un vilain tour. Ne sommes-nous pas en train
d'inviter la fin du monde?
À cet effet, le paganisme
était plus sécuritaire. En effet, on ne croyait pas à un Dieu unique qui contrôlait
tout (et auquel l'homme passe son temps à se substituer) mais à un ensemble de
forces qui se déployaient avec harmonie dans l'univers et dont l'Homme faisait
partie. Les religions autochtones voyaient la vie comme un cycle perpétuel où
la vie se reproduit sans cesse éternellement. Ils vivaient dans l'éternité,
tout comme Adam et Ève avant qu'ils ne mangent le fruit de l'arbre de la
science du bien et du mal. Après, ils ont su ce qui était bien et ce qui était
mal, l'Histoire a commencé et ils se sont mis à mourir. N'y a-t-il pas un moyen
de nous déprogrammer collectivement pour que l'on en vienne à croire à la vie
éternelle avant la mort? Je pense que cette déprogrammation devra être notre
premier pas ; avant même de penser adopter des comportements écologiques,
il nous faut croire en la vie éternelle sur terre. Il faut refuser la fin du
monde! Et individuellement, il faut dire oui à la vie dans chacune de nos
actions!