991206
par François Brooks
Je me sens triste de penser que si Marc
Lépine avait voulu nous dire quelque chose par son geste insensé de la tuerie
des étudiantes de la Polytechnique, il y a dix ans aujourd'hui, notre refus de
l'entendre fera que ces jeunes femmes seront mortes pour rien. Je ne voudrais
pas qu'elles soient mortes pour rien. Parce que si c'est le cas, à moins que
Lépine ait eu tort à 100%, j'ai bien peur qu'un geste semblable puisse se
reproduire. Ce serait regrettable.
On n'en finit plus de nous casser les
oreilles avec la violence faite aux femmes et toutes ces vilenies qui
n'appartiennent qu'à la gente masculine ; je me sens harcelé. Le seul fait
que je sois un homme me prédispose à violenter les femmes, être un harceleur
sexuel, un père absent, un pédophile, un irresponsable, et j'en passe. Si je
n'avais pas un peu de bon sens, j'en viendrais à détester ma propre nature, à
regretter de ne pas être né femme. Si ce matraquage moral n'est pas de la
violence faite aux hommes, je me demande bien comment le nommer.
Bien sûr, la scène de la tuerie de Lépine
est horrifiante et j'imagine bien l'angoisse que peut ressentir une jeune femme
se terrant sous un pupitre en lui disant, pour échapper à ses balles :
« je ne suis pas féministe », tout comme un quidam dirait devant un
nazi : « je ne suis pas juif », tout comme je dirais aux propos
assassins des journalistes de Radio-Canada : « je ne suis pas un
homme ».
Je ne voudrais pas qu'elles soient mortes
pour rien ces jeunes femmes, c'est pourquoi il faut que le féminisme cesse.
Qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions : je suis père de deux jeunes
adultes dont une fille de 21 ans ; si ma fille était tombée sous les
balles de Marc Lépine, moi aussi j'aurais voulu lui arracher le ventre pour lui
faire sentir ce qu'il m'aurait fait. Il faut que Lépine ait tort à 100%, il ne
faut plus en fabriquer d'autres. Les féministes lui donnent raison en
récupérant cette tuerie pour leur cause. Il n'a pas fait souffrir que des
femmes, loin de là[1].
* * *
Avec mon chèque de paye, cette semaine,
j'ai reçu un petit ruban blanc que monsieur le maire me demande de porter pour
souligner le triste anniversaire du 6 décembre 1989, en guise d'engagement à ne
jamais commettre, fermer les yeux ou me taire à propos de la violence faite aux
femmes[2]. Je me demande, en toute égalité, quand
demandera-t-on aux femmes de porter aussi un ruban en guise d'engagement à ne
jamais commettre, fermer les yeux ou se taire à propos de la violence faite aux
hommes? Faut-il rappeler qu'au Québec, nous détenons un triste record du monde
quant aux suicides des jeunes hommes entre 15 et 25 ans? La violence morale
faite aux hommes par notre société féministe ne se termine pas dans une tuerie
spectaculaire ; elle prend plutôt la forme silencieuse et anonyme du
suicide des jeunes hommes dont on ne parle jamais au téléjournal.
Vivre homme au Québec,
c'est être amené à se détester tous les jours en regardant le téléjournal. On
se croirait revenu au temps de l'inquisition où on brûlait les sorcières sur la
place publique. Les rôles sont simplement inversés. Ce sont maintenant les
femmes qui ont le beau rôle. Comme si celles-ci ne portaient pas en elles la
nature humaine, elles ne sont presque jamais au banc des accusés.
[1] Voir le texte :
« 991206
Marc Lépine et les féministes »
[2] Voir le texte : « Why I Won't
Wear A White Ribbon » de M. Adam Jones (1992) ou à cet URL : http://adamjones.freeservers.com/ribbon.htm