990817
par François Brooks
Frères humains – François Villon (La ballade des pendus)
Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous, merci.
...
Vous pensez que je suis une calamité dans votre
existence, que je ne vaux rien et que je vous empoisonne la vie? Vous voudriez
me voir sombrer au fond du fleuve les pieds coulés dans le ciment parce que
vous pensez que je suis un être immonde qui ne mérite pas de vivre? Vous êtes
persuadé qu'il n'y a personne de plus méchant que moi, que je suis un vil
pleutre pervers et la seule idée que je puisse respirer le même air que vous,
vous rend malade? Bref, vous me détestez?
Hé bien, consolez-vous! Parce que si vous avez raison, alors
vous avez au moins la chance de ne pas être emprisonné dans mon corps comme je
le suis. Vous n'avez à me supporter que lorsque vous me rencontrez ou pensez à
moi ; alors que je suis obligé de vivre dans cet être exécrable vingt-quatre
heures sur vingt-quatre, séquestré dans mes pensées immondes. Ma prison est
pire que la vôtre : je n'ai pas le choix, moi, de me supporter. Dieu a été
bien bon pour vous : il vous a épargné d'être aussi vilain que je le suis.