990322
par François Brooks
—
Quel est ton nom?
—
Nathalie.
Nos jeunes n'ont plus de nom. Désormais,
ils n'ont qu'un prénom. Essayez pour voir! Demandez son nom à un moins de 35
ans. Il vous répondra systématiquement par son prénom. Même si vous insistez,
il vous dira que son nom n'a pas d'importance, que “ici”, tout le monde le
connaît par son prénom et qu'il est le seul à avoir son prénom.
Qu'est-il arrivé pour qu'en une seule
génération, le nom se perde? Ce nom de famille qui autrefois faisait toute la
fierté des gens et dont souvent même la réputation ouvrait les portes sociales,
n'aurait-il plus aucune raison d'être? Ça me fait drôle de penser que les
féministes qui insistaient pour ajouter leur nom (pourtant donné par leur père)
au bout de celui de leur conjoint pour nommer leurs enfants voient celui-ci
pratiquement disparaître dans l'usage courant. On imposait à ces enfants une
signature si longue qu'ils ont tôt fait de régler le problème en l'éliminant
tout simplement. Je trouve cette solution plutôt pertinente puisqu'elle résout
aussi, pour au moins 50% des enfants (ceux dont les parents allaient divorcer),
l'odieux de porter sur leur dos le jumelage de deux noms qui sont pour eux
symbole de dispute.
Il fut un temps où porter le nom de son
père, fille ou garçon, loin d'être accablant, était synonyme de fierté. À cette
époque, on n'aurait jamais pensé se présenter par son prénom.
—
Quel est votre nom?
—
Brooks. (comme mon père dont je suis fier!)
Le nom seulement était synonyme de
respect, de réputation, de fortune.
Les familles ont éclaté et les enfants ne
mettent au monde bien souvent que des chiens et des chats. Ça me soulage
d'ailleurs de penser que la lignée de la folie féministe et des valeurs de
consommation qui l'accompagnent[1] s'arrêtera dès la deuxième génération
sur un chien ou un chat appelé «mon bébé» Dupont-Tremblay. Imaginons les
remords qu'auraient cette deuxième génération à insulter ses ancêtres en leur
faisant l'affront (côté pratique oblige) d'éliminer deux ou trois noms pour
n'en porter qu'un seul.
Une féministe « géniale »
m'avait présenté, une fois, son idée pour régler le problème définitivement.
Elle proposait que toutes les filles prennent, à la naissance, le nom de leur
mère et les garçons, celui de leur père. Belle guerre de clans en perspective!
Il y avait dans cette idée matière à alimenter les guerres féministes (hommes
vs femmes) pour des générations à venir. Au bout de trois générations seulement,
le nom à lui seul indiquerait si la personne est une fille ou un garçon. Bien
entendu, son idée géniale escamotait le fait que tous les noms provenaient d'un
aïeul masculin.
Autrefois, les gens
étaient d'abord fils de la terre, d'un lieu, d'une ville avant d'être des
individus. On s'appelait Paul de Constantinople ou Zénon d'Élée. On était aussi
le fils de son père : Jésus, fils de Joseph. Ensuite, les populations
grossissant, et les familles aussi, l'identité provenait de trois sources.
D'abord l'individu : François ; ensuite le clan familial : Brooks ; et pour
terminer, la provenance : de Montréal. Aujourd'hui, la famille a éclaté, nous
avons des adresses virtuelles et nous ne portons souvent plus que des “nick
names”. À vouloir tant l'affirmer, n'avons-nous pas perdu notre identité?
Détachés des liens véritables de notre provenance, ne sommes-nous pas condamnés
à chercher perpétuellement notre identité? Que l'on le veuille ou non, c'est
d'un lieu dont nous sommes nés, d'une famille que notre esprit s'est formé, et
ensuite seulement que se forme une identité personnelle. Le rejet de nos
sources ne fera-t-il de nous que des gens à la recherche d'eux-mêmes?