980212
par François Brooks
C'est sans doute aussi la jalousie qui me
fait parler mais les gens des mass média, trouvent souvent le moyen de
m'irriter lorsqu'ils s'adonnent au “side-line” facile de s'improviser
philosophe, souvent même sans s'en apercevoir. Si j'avais une tribune et une
cote d'écoute quotidienne ou hebdomadaire, sans doute serais-je tenté de
déverser mes élucubrations spirituelles (ma sagesse, devrais-je
dire) gratuitement, question de
m'enorgueillir (de me valoriser, devrais-je dire aujourd'hui) de savoir que tant de bons
“téléspectateurs” m'écoutent. J'en viens parfois à regretter le ton morne et
sévère de monsieur Gaétan Montreuil qui autrefois, lui au moins, s'il n'avait
pas le crédit d'être charmant à écouter, avait en tout cas celui de faire son
métier de lecteur de nouvelles sans emmerder personne avec ses désespoirs
soumis et sa philosophie de cuisine à la Bernard Derome.
Ça me fait penser à madame Juliette Huot
qui, d'excellente comédienne qu'elle était, avait jadis écrit un livre de
cuisine prétendant apporter des recettes pour faire maigrir alors qu'elle
souffrait d'un embonpoint dont elle n'a jamais su se départir. Quel autre
comédien, récemment, (Michel Dumont, pour ne pas le nommer) vous savez celui qui tient avec
excellence son rôle d'homme mature dans la cinquantaine dans la série Omerta et qui a récemment commencé à
professer sa philosophie sur Dieu, la vie, etc. Lui aussi, mais sur un ton
moins sentencieux que Vigneault, venait nous indiquer «les voies de la
sagesse».
Les professionnels du microphone peuvent
trouver mon oreille attentive lorsqu'ils
ne font pas preuve d'une assurance à
toute épreuve.
C'est charmant à entendre quelqu'un qui
trouve toujours le mot juste et qui endort l'esprit avec des belles paroles mais
les dieux de l'élocution sont trop loin de la vie réelle pour que je puisse me
laisser endormir. Zacharie Richard me colle beaucoup mieux à la peau lorsque je
l'entends répondre en hésitant et en cherchant ses mots pour éviter de dire des
bêtises. Je sens alors tout le respect pour son public qu'il a la sagesse de
trouver assez intelligent pour se permettre d'hésiter quelque peu avant
d'étaler sa philosophie personnelle (accouchée par Denise Bombardier).
‚ Je suis attentif aussi et surtout à ceux
qui ne se prennent pas trop au sérieux. J'aime bien le rire fou de Jacques
Languirand. Je reçois ce rire comme un délicieux mélange d'inconfort,
d'amusement et de stupidité d'un homme qui a la sagesse de reconnaître parfois
la futilité du pouvoir que lui donne le microphone et celle de reconnaître
aussi qu'il n'a rien inventé.
ƒ Lorsqu'ils évitent d'insulter mon
intelligence en me laissant le soin de juger par moi-même de la valeur de la
nouvelle qu'ils me livrent.
* * *
La pensée d'un artiste
m'apparaît le plus souvent comme suspecte sinon invalide. Comment un artiste
promu philosophe, peut-il exercer sa liberté de penser alors qu'il utilise la
TV ou la radio qui fait en quelque sorte la promotion de son image? Ce média
dont il se sert pour exprimer sa pensée sert ses propres besoins de carrière en
augmentant sa visibilité. Comment pourrait-il exprimer une idée qui va à
contre-courant des idées généralement admises sans nuire à son image et à sa
carrière? Dès lors, les idées qu'il exprime sont au service de sa carrière et
ne peuvent jouir de la liberté de penser que l'on serait en droit de s'attendre
d'un philosophe libre de toute contingence médiatique.