980128
par François Brooks
Il y a
toutes sortes de silences...
Il y a les silences lourds...
Comme en
classe, lorsque l'institutrice vient de vous semoncer devant tout le monde et que
vous voulez rentrer sous le tapis.
Il y a les silences inquiétants...
Comme
lorsque vous êtes caché avec une petite copine, nu sous la galerie, et que
votre mère rôde en vous appelant.
Il y a les silences embarrassants...
Comme lorsqu'on
vient de vous présenter une personne à qui vous ne savez vraiment pas quoi dire
pour engager la conversation.
Il y a les silences bruyants...
Comme
lorsque vous essayez d'adresser la parole à quelqu'un et que son chien aboie
sans cesse si fort qu'il couvre systématiquement vos paroles.
Il y a les silences complices...
Comme
lorsqu'on vous invective à tort devant votre meilleur ami et que vous savez
qu'il vous soutient inconditionnellement.
Il y a les silences angoissants...
Comme
lorsque le chien du voisin s'est abstenu de japper alors qu'il est midi et dix
et qu'il vous dérange tous les jours à midi.
Il y a les silences flous...
Comme
après un bon repas lorsque la conversation tombe et qu'on se demande pourquoi
ne trouve-t-on plus rien à dire alors que nous étions si loquaces l'heure
d'avant.
Il y a les silences approbateurs...
Qui ne dit
rien consent? Mais vous n'aviez pas le choix puisqu'on vous avait déjà accordé
une faveur et que c'est à votre tour de vous taire.
Il y a les silences manqués...
Alors
qu'on devrait hurler l'injustice qu'on vous inflige.
Il y a les silences avec ma blonde...
Comme
lorsque les paroles amoindriraient le bonheur qu'on a d'être simplement bien
ensemble.
Il y a les silences de ma blonde...
Comme
lorsque j'ai besoin de parler et qu'elle ne syntonise que le son chaleureux de
ma voix.
Il y a les silences pressés...
Lorsque
parler raccourcirait le peu de temps que j'ai pour faire ce que je me suis
projeté.
Il y a les silences absents...
Comme
lorsque je suis concentré dans une activité et que rien d'autre n'existe.
Il y a les silences paisibles...
Comme
lorsque je me rends compte qu'il n'y a rien à dire et que, comme mille autres
fois, j'aurais tout aussi bien fait de me taire.
Il y a les silences stupides...
Comme
lorsque je n'avais rien su dire qui aurait pu l'aider.
Il y a les silences tragiques...
Comme juste après le fracas d'un accident, lorsqu'on
réalise que la vie ne sera plus jamais comme avant.
Il y a les silences ignorants...
Comme lorsqu'on se tait parce qu'on ne connaît rien sur
le sujet et que l'on a donc rien à dire.
Il y a les silences salvateurs...
Comme lorsque l'horrible musique s'arrête enfin.
Il y a les silences manqués...
Comme lorsqu'il vaut mieux entendre ça que d'être sourd.
Il y a les silences irritants...
Comme lorsque tu ne réponds pas aux questions que je te
pose ou que tu feins ne pas m'entendre.
Il y a le silence utile...
Comme lorsqu'on a failli dire une bêtise mais que notre
intuition nous a heureusement arrêté à temps.
Il y a le silence mortel...
Comme dans le film Manon des sources où tout le village se taisait plutôt que
de commettre “l'indiscrétion” de dévoiler l'existence d'une source au
malheureux qui se tuait à transporter l'eau vitale.
Il y a les silences vides...
Comme lorsque l'animateur de votre station radiophonique
reste muet pour plus de cinq secondes.
Il y a les silences paniques...
Comme lorsque vous êtes seul sur le bateau à savoir qu'il
va couler alors que tout le monde le croit insubmersible.
Il y a les silences décevants...
Comme lorsque vous demandez à l'être aimé une chose
simple qu'il vous refuse depuis des années.
Il y a tant
d'autres faux silences mais il n'y a qu'un seul vrai silence dont je ne peux
parler parce que ...