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Les silences

par François Brooks

Il y a toutes sortes de silences...

 

*  Il y a les silences lourds...

Comme en classe, lorsque l'institutrice vient de vous semoncer devant tout le monde et que vous voulez rentrer sous le tapis.

 

*  Il y a les silences inquiétants...

Comme lorsque vous êtes caché avec une petite copine, nu sous la galerie, et que votre mère rôde en vous appelant.

 

*  Il y a les silences embarrassants...

Comme lorsqu'on vient de vous présenter une personne à qui vous ne savez vraiment pas quoi dire pour engager la conversation.

 

*  Il y a les silences bruyants...

Comme lorsque vous essayez d'adresser la parole à quelqu'un et que son chien aboie sans cesse si fort qu'il couvre systématiquement vos paroles.

 

*  Il y a les silences complices...

Comme lorsqu'on vous invective à tort devant votre meilleur ami et que vous savez qu'il vous soutient inconditionnellement.

 

*  Il y a les silences angoissants...

Comme lorsque le chien du voisin s'est abstenu de japper alors qu'il est midi et dix et qu'il vous dérange tous les jours à midi.

 

*  Il y a les silences flous...

Comme après un bon repas lorsque la conversation tombe et qu'on se demande pourquoi ne trouve-t-on plus rien à dire alors que nous étions si loquaces l'heure d'avant.

 

*  Il y a les silences approbateurs...

Qui ne dit rien consent? Mais vous n'aviez pas le choix puisqu'on vous avait déjà accordé une faveur et que c'est à votre tour de vous taire.

 

*  Il y a les silences manqués...

Alors qu'on devrait hurler l'injustice qu'on vous inflige.

 

*  Il y a les silences avec ma blonde...

Comme lorsque les paroles amoindriraient le bonheur qu'on a d'être simplement bien ensemble.

 

*  Il y a les silences de ma blonde...

Comme lorsque j'ai besoin de parler et qu'elle ne syntonise que le son chaleureux de ma voix.

 

*  Il y a les silences pressés...

Lorsque parler raccourcirait le peu de temps que j'ai pour faire ce que je me suis projeté.

 

*  Il y a les silences absents...

Comme lorsque je suis concentré dans une activité et que rien d'autre n'existe.

 

*  Il y a les silences paisibles...

Comme lorsque je me rends compte qu'il n'y a rien à dire et que, comme mille autres fois, j'aurais tout aussi bien fait de me taire.

 

*  Il y a les silences stupides...

Comme lorsque je n'avais rien su dire qui aurait pu l'aider.

 

*  Il y a les silences tragiques...

            Comme juste après le fracas d'un accident, lorsqu'on réalise que la vie ne sera plus jamais comme avant.

 

*  Il y a les silences ignorants...

            Comme lorsqu'on se tait parce qu'on ne connaît rien sur le sujet et que l'on a donc rien à dire.

 

*  Il y a les silences salvateurs...

            Comme lorsque l'horrible musique s'arrête enfin.

 

*  Il y a les silences manqués...

            Comme lorsqu'il vaut mieux entendre ça que d'être sourd.

 

*  Il y a les silences irritants...

            Comme lorsque tu ne réponds pas aux questions que je te pose ou que tu feins ne pas m'entendre.

 

*  Il y a le silence utile...

            Comme lorsqu'on a failli dire une bêtise mais que notre intuition nous a heureusement arrêté à temps.

 

*  Il y a le silence mortel...

            Comme dans le film Manon des sources où tout le village se taisait plutôt que de commettre “l'indiscrétion” de dévoiler l'existence d'une source au malheureux qui se tuait à transporter l'eau vitale.

 

*  Il y a les silences vides...

            Comme lorsque l'animateur de votre station radiophonique reste muet pour plus de cinq secondes.

 

*  Il y a les silences paniques...

            Comme lorsque vous êtes seul sur le bateau à savoir qu'il va couler alors que tout le monde le croit insubmersible.

 

*  Il y a les silences décevants...

            Comme lorsque vous demandez à l'être aimé une chose simple qu'il vous refuse depuis des années.

 

            Il y a tant d'autres faux silences mais il n'y a qu'un seul vrai silence dont je ne peux parler parce que ...