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Besoin d'amour

par François Brooks

Peut-on recevoir davantage d'amour que l'on en donne?

« Et en bout de piste, l'amour que tu prends est égal à l'amour que tu génères »[1] disait John Lennon dans Abbey Road.

 

Chaque fois que j'entends quelqu'un se plaindre du comportement d'un compagnon de travail, d'un conjoint, d'un membre de sa famille ou des autres en général, j'entends le plus souvent une âme en peine de ne pas être assez aimée.

 

Je suis toujours étonné de constater que la dernière chose qui viendrait à l'idée du plaignant est qu'il n'a pas su lui-même aimer assez l'autre qu'il accuse. Il pense être aimable et il veut être aimé davantage.

 

Il est vrai que parfois la vie nous semble si difficile à supporter que le seul fait de vivre nous fait croire être des héros... admirables. Mais si je pense être admirable, la vie n'est pas plus facile pour les autres et ils sont donc tout aussi admirables que moi. Chacun doit porter sa peau mais est-ce suffisant pour être aimé?

 

Je dois m'entraîner souvent à aimer délibérément ces gens souffrants qui, à première vue, ne me paraissent pas tellement aimables.

 

Il me semble que si je pouvais entraîner avec moi une masse suffisante de gens à aimer délibérément ces mal-aimés, ils n'auraient plus de raison de se plaindre. Mais j'ai souvent constaté que ce sont toujours les mêmes qui se plaignent (et les mêmes qui aiment). Peut-être est-ce leur façon de venir chercher ce qu'ils pensent être de l'amour : mon attention. Je devrais peut-être alors les ignorer, mais ce serait leur donner raison. Je ne veux leur donner aucune raison de se plaindre de moi. Je souffre donc patiemment d'entendre leurs récriminations en espérant que la chanson des Beatles leur rentrera un jour dans le cœur et qu'ils constatent qu'il est en leur devoir de générer l'amour qu'ils réclament[2].

 



[1] Traduction libre de « And in the end, the love you take is equal to the love you make », John Lennon dans la chanson The End de l'album Abbey Road © 1969.

 

[2] « Je ne connais qu'un seul devoir et c'est celui d'aimer », disait Albert Camus.