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Le syndrome de Robin des Bois

par François Brooks

La Proposition du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté[1], pourrait avoir aussi bien comme slogan : « Le salut est dans la pauvreté! » que « Soyez pauvre et vous vivrez bien! ».

 

Comment une société pourrait-elle accorder à ses citoyens tant de droits et libertés sans que personne ne pense au contrepoids des devoirs et responsabilités? La richesse qui s'acquiert par l'instruction, le travail acharné et la probité serait-elle une notion périmée?

 

Nous avons maintenant un nouveau Graal à quérir : l'élimination de la pauvreté. Qui serait assez méchant pour s'y opposer? Le riche est désormais un citoyen de seconde classe. Le pauvre doit être favorisé[2] :

 

*   Revenu suffisant garanti couvrant les besoins essentiels

 

*   Soins de santé et d'éducation gratuits

 

*   Sécurité alimentaire et vestimentaire garantie

 

*   Logement garanti

 

*   Culture, loisirs, vacances et répit garantis

 

*   Croissance personnelle garantie

 

On s'est aperçu, 25 ans après l'adoption de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, que, sans argent, les citoyens ne pouvaient faire valoir ces droits. On a donc imaginé un système de redistribution de la richesse très généreux.

 

Bravo!

 

Mais qui donc va payer? À qui la garantie de ces droits va-t-elle en imposer la charge? On veut faire payer les riches, bien entendu. Mais avec tant d'avantages à être « en situation de pauvreté », qui donc sera assez bête pour travailler et s'enrichir pour ensuite voir les autres profiter de cette richesse devenue « antisociale » [3] ?

 

Ne va-t-on pas manger la poule aux œufs d'or?

 

On croirait assister encore une fois à la révolution bolchevique du début du XXè siècle. Le mot « communisme » étant toujours tabou, on évite attentivement de le prononcer mais ce projet de loi en contient tous les éléments.

 

J'admets que la pauvreté est une calamité mais quand je vois ceux que je rencontre tous les jours dans ma rue, profiter de l'assistance sociale, travailler au noir, dépenser leur argent en alcool, tabac, drogue tout en se souciant si peu de payer leur loyer et de ce qu'ils mangent, je ne crois pas qu'une loi favorisant cette classe d'intouchables améliorerait leur situation. Je pense plutôt qu'elle inciterait davantage de gens à se faire intouchables comme eux. Lesquels auraient alors davantage de chances de tomber dans les problèmes qu'apporte l'oisiveté et le manque de valorisation personnelle.

 

C'est le monde à l'envers qu'on nous propose! Cette loi ferait du Québec, l'URSS de demain. Faut-il toujours refaire les mêmes erreurs? L'Histoire ne peut-elle rien nous apprendre? A-t-on déjà oublié les méfaits pour lesquels la société russe paye encore?

 

Il faut, bien entendu, une forme de redistribution de la richesse, mais celle que nous avons présentement a déjà créé assez de « morts qui marchent »[4] faut-il en créer davantage?

 

Pourquoi l'aide sociale est-elle distribuée sous forme d'argent plutôt que de coupons alimentaires, coupons vestimentaires et crédits pour se loger? Par respect pour la dignité de la personne, ses droits et libertés, me direz-vous. Mais comment stopper la pauvreté si les gens qui bénéficient de l'aide sociale peuvent en détourner l'utilisation? Et comment justifier ceci aux yeux du travailleur payeur de taxes?

 

Parce que, bien sûr, ce sont eux qui payent, pas les riches. Les vrais riches, c'est connu, personne n'est jamais arrivé à les faire payer. L'évasion fiscale et le changement de pays les mettent à l'abri. Ce sont les premiers intouchables. On a d'ailleurs besoin de leur argent pour construire des usines pour faire travailler les payeurs de taxes. Alors les gouvernements en ont besoin et ils leur font souvent des cadeaux pour les attirer, tout le monde comprend ça.

 

L'élimination de la pauvreté est une préoccupation aussi vieille que le monde. Comment peut-on être assez naïf pour penser qu'une législation pourrait en venir à bout?

 

On a pensé que la pauvreté était due à la maladie. On a donc rendu les soins de santé gratuits et universels au Québec, avec pour résultat qu'ils ne sont plus accessibles du tout, même si on voulait payer pour. Les listes d'attente aux chirurgies et les urgences bondées des hôpitaux en témoignent.

 

On a pensé que la pauvreté était due au manque d'instruction. On a donc créé l'instruction publique gratuite et universelle. Le niveau d'instruction des diplômés du Secondaire V est maintenant si déplorable que c'est à peine si un cégépien finissant est en mesure d'écrire pour se faire comprendre.

 

Avec les années, on n'a cessé de pratiquer le nivellement par le bas. Ces deux exemples ne sont-ils pas la preuve que nous faisons fausse route?

 

Pourquoi forcer les payeurs de taxes à contribuer pour les soins de santé de ceux qui ont des habitudes de vie suicidaires? Pourquoi les faire payer pour l'instruction de ceux qui s'abonnent aux échecs scolaires et pour de si piètres résultats?

 

La démotivation sociale que ces aberrations communistes engendrent ne provoque-t-elle pas le problème qu'on cherche à résoudre? Comment peut-on être assez naïfs pour continuer à fermer les yeux sur ces évidences et chercher à empirer le problème tout en prétendant le régler?

 

La Loi sur l'élimination de la pauvreté aura encore pour effet de favoriser une classe sociale au détriment d'une autre, et tout ça, sous le couvert de l'argument fallacieux « d'égalité ».

 

Il y a deux façons de faire de l'argent. On peut s'adonner à un travail productif. Le produit du travail est une richesse : meubles, routes, automobile, nourriture, construction de maison, réparation, services etc. On peut aussi aller chercher de l'argent dans la poche des autres. Ceux qui cherchent à faire adopter une loi pour l'élimination de la pauvreté pensent que la richesse est dans la poche des autres et que leur travail ne vaut rien. Ceux-là se condamnent eux-mêmes à la pauvreté puisqu'ils devront toujours compter sur les autres pour se faire vivre. Appelez-ça paresse, manque d'ambition, manque de confiance en soi, jalousie, « démunition » ou pauvreté, aucune loi ne pourra rien changer à cette faiblesse humaine.

 

Nous pouvons créer des incitatifs pour aider ces gens à se sortir de leur pauvreté mais, pour autant que nous vivions dans une démocratie ou la liberté individuelle est notre première valeur, nous devons accepter que certains ne puissent utiliser cette liberté à bon escient. Nous ne sommes pas tous nés égaux devant cette liberté qui en détruit plusieurs ; il n'y a qu'à observer certains jeunes mendiants sur les trottoirs. C'est l'envers de la médaille du système politique dans lequel nous avons choisi de vivre. D'ailleurs, même en URSS, en Chine ou dans tout autre pays socialiste ou communiste, n'a-t-on jamais réussi à enrayer la pauvreté? Avec les meilleures intentions, ces pays n'ont fait que la généraliser.

 

Quand verrons-nous surgir au Québec un leader populaire qui saura nous faire croire aux valeurs constructives de travail, d'honneur, d'engagement social, de fraternité et de loyauté, seules garantes de notre richesse à tous et chacun? Mais comment vendre ces valeurs à un peuple qui a toujours pensé que la richesse de l'autre est bâtie sur sa pauvreté personnelle? Comment lui faire aimer le travail, la loyauté et la richesse s'il préfère l'oisiveté, et toutes ces délicieuses habitudes de vie qui mènent à la pauvreté?

 

Quel petit peuple que le Québec! J'ai parfois honte de ma race. Dieu merci, les immigrants nous aident. Si nous ne les avions pas pour nous montrer chaque jour, qu'utilisée à bon escient, la liberté peut nous apporter la dignité par le travail et les valeurs familiales, c'est moi qui songerait à émigrer. J'exagère, je le sais. La plupart des Québécois dits « de souche » pensent comme moi mais on les entend peu, occupés qu'ils sont à travailler et vaquer à leurs nobles occupations familiales.

 

Je peux comprendre que vingt ans après leur naissance, les nouveau-nés refusent de payer l'héritage inversé[5] qu'on leur a fabriqué. Mais n'empirerions-nous pas l'arnaque en promulguant une loi qui risque encore d'augmenter la dette publique? Que penseront ceux qui suivront si on continue le même stratagème perdant?

 

Le principe de l'égalité appliqué sans discernement aboutit à un nivellement social par le bas en passant par une démotivation générale. Une loi contre la pauvreté dans un pays comme le Québec où personne ne meurt de faim, où l'instruction et les soins de santé sont gratuits et où il y a un système de redistribution de la richesse, (déjà lourd sur le dos des travailleurs) me fait penser aux jaloux biens nourris qui s'indignent des salaires des sportifs professionnels. Que m'importe le salaire des autres si mon travail me fait vivre dignement? La richesse des autres ne m'enlève rien de mon intelligence, mon instruction et ma faculté de travailler. Mais si on me payait à ne rien faire, je perdrais tout ça. Les morts qui marchent doivent chercher à regagner ce qu'ils ont perdu par un autre moyen que de le faire perdre à tout le monde. Les autochtones en savent quelque chose, eux qu'on a tués depuis si longtemps en les payant à ne rien faire.

 

Je ne dis pas que tout est parfait dans l'état actuel des choses. Mais nous n'améliorerions sûrement pas les choses en adoptant une loi qui nous ferait bientôt faire la queue pendant des heures pour avoir droit à une miche de pain. Je dis qu'il ne faut pas tuer l'ambition de l'honnête travailleur qui s'acharne à améliorer son sort par une loi communiste telle que celle proposée. C'est cette ambition qui est la poule aux œufs d'or.

 

Il faut débouter ceux qui pensent que la richesse se trouve dans la poche des autres et trouver un moyen de les motiver à créer leur propre richesse par leur propre travail pour leur redonner la dignité que nous perdrions si nous étions tous bénéficiaires de l'aide sociale. Je pense que si certains ont quelques difficultés à trouver un revenu suffisant pour vivre convenablement, nous devrions travailler à trouver un moyen de les enrichir plutôt que de nous appauvrir tous, comme le nivellement par le bas en santé et en éducation a fait au Québec depuis trente ans.

 

C'est un fait généralement accepté que certaines personnes vivant de l'aide sociale refusent des emplois parce qu'ils y perdraient au change. Qui les blâmerait de refuser de travailler si ça les appauvrit? N'est-ce pas un indice évident que le système d'aide social nuit à l'enrichissement collectif?

 

Aussi, le niveau très élevé de taxes que paient les travailleurs est un frein à la petite entreprise personnelle. Comment un assisté social accepterait-il de mettre sur pied sa propre petite entreprise (déclarée) sachant à l'avance que les taxes vont venir gruger tous ses bénéfices? Il serait quatre fois perdant. Premièrement, il perdrait son revenu d'assistance sociale. Deuxièmement, il perdrait, en payant des taxes sur ses gains. Troisièmement, il perdrait son temps libre qu'il peut utiliser à loisir comme bon lui semble. Et quatrièmement, il perdrait toute motivation à travailler (pensez-vous véritablement que les assistés sociaux ne travaillent pas au noir?).

 

Voici la solution que je préconise. Il faut motiver le citoyen à travailler en réduisant drastiquement les impôts. Il faut faire en sorte qu'il soit le principal bénéficiaire du fruit de son travail (pas d'impôts pour les revenus de moins de 30000$ et pas plus de dix pour cent d'impôts pour des revenus entre 50 et 100000$.). Il faut réorganiser la redistribution de la richesse pour que les travailleurs payeur de taxes soient assurés que l'argent va bien pour les besoins essentiels des assistés sociaux (coupons alimentaires, vestimentaires et crédits au logement). Il ne faut plus que les travailleurs paient pour ceux qui détournent les fonds de l'aide sociale. Il faut qu'il soit plus avantageux de travailler que de ne rien faire. Il faut réduire l'appareil de l'état et non le grossir. D'ailleurs, il est déjà à la limite de ce que le travailleur payeur de taxes est en mesure de supporter.

 

Sinon, nous pouvons déjà nous préparer à vivre un nouveau cycle de communisme bolchevique. D'ailleurs, les politiques en place nous y préparent doucement depuis trente ans :

 

*   Étatisation des services de santé (assurance auto y compris)

 

*   Étatisation de l'instruction publique

 

*   Étatisation des garderies

 

*   Impôts exorbitants

 

Il ne reste plus qu'à octroyer un Revenu de Citoyenneté[6], comme le réclame Michel Chartrand ou à promulguer une Loi sur l'élimination de la pauvreté, comme le réclame le Collectif du même nom. Ces projets bien intentionnés présentés sous de beaux termes humanistes cachent un enfer que, j'en suis sûr, nous ne voulons pas vivre collectivement[7].

 



[1] Cette proposition est publiée à l'URL suivant : http://www.pauvrete.qc.ca/21propo.htm .

 

[2] Voir le Chapitre II, Sections I, II et III du texte de la Proposition pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, publié à l'URL suivant : http://www.pauvrete.qc.ca/21propo.htm .

[3] Lire l'histoire du Petit Coq Rouge

[4] Je me réfère ici à la chanson de Félix Leclerc : 100,000 façons de tuer un homme.

(...)

Non vraiment, je reviens à mon sentiment premier :

L'infaillible façon de tuer un homme,

C'est d' le payer pour être chômeur

Et puis c'est gai : dans une ville,

Ça fait des morts qui marchent.

[5] Lire le texte : 990421 L'héritage inversé (2).

[6] Michel Chartrand et Michel Bernard, Manifeste pour un revenu de citoyenneté, Éditions du Renouveau québécois © 1999.

 

[7] Lord Acton (1834-1902) (l'un des plus importants historiens britanniques du début du XXè siècle) disait : « Le meilleur moyen de faire de la terre un enfer, c'est de vouloir en faire un paradis ».